Paradoxes

Pour qui hurlent les sirènes de la discorde qui gagne étrangement en intensité ? Décidément, les acteurs politiques et sociaux ont la mémoire courte et ne voient pas plus loin que le bout de leurs nez. Après le répit qui s’est imposé suite à l’attaque terroriste de Ben Guerdane, ils sont revenus à leurs  vieilles antiennes et certains commencent même à fourbir leurs armes pour replonger le pays dans des polémiques improductives et des situations de tension que rien ne peut justifier. Les tambours de la guerre que certaines parties commencent à agiter, en cette période propice aux manœuvres électoralistes, cachent mal une propension à pousser le pays vers une crise sociale. Leur finalité consiste à imposer leur loi et leurs choix, que de présenter des alternatives.

On daigne oublier que le pays vit toujours sous la menace des groupes terroristes, que la situation économique et financière est très préoccupante, les caisses du pays sont vides ou presque, la machine économique est grippée, les entreprises peinent à retrouver leurs équilibres et que le système de sécurité sociale est sur le point de faire faillite. Le plus grave dans tout cela, réside dans l’attitude hégémonique de l’UGTT dont certains dirigeants manipulent bien les médias, opposent une fin de non-recevoir à tout débat contradictoire au sujet de tous les grands dossiers chauds et rejettent  toute voix discordante.

Le malaise qui a resurgi ces derniers temps trouve peut-être sa source dans le déficit de dialogue, serein et responsable, entre l’UGTT, l’UTICA et le gouvernement, qui est pourtant seul capable d’éviter les situations de tensions, voire de quiproquos. Il semble qu’à l’UGTT, au lieu de chercher des portes de sortie de crise, certains préfèrent attiser le feu de la tension.

Ce qui s’est passé la semaine dernière au sujet de l’application de l’accord de l’augmentation salariale dans le secteur privé et de la nécessité de réformer le système de sécurité sociale le prouve amplement. Au lieu de recourir aux voies du dialogue et de la concertation, certains leaders syndicaux ont préféré agiter le drapeau de la menace, en développant un discours accusateur propre à approfondir les incompréhensions et à accentuer les surenchères que toute autre chose.

S’il est tout à fait légitime de tirer la sonnette d’alarme sur le retard pris dans l’application de certains engagements signés, il est en revanche incompréhensible de voir une campagne, aux relents populistes, menée par Belgacem Ayari, Secrétaire général adjoint à l’UGTT chargé du secteur privé, par médias interposés, mettant  la centrale patronale et le ministère des Affaires sociales dans le collimateur, les accusant  d’être à l’origine du blocage de l’accord et bien d’autres allégations infondées. A aucun moment, le dirigeant syndicaliste n’a parlé de contacts établis entre les deux organisations nationales ou avec le ministère des Affaires sociales pour chercher les causes du retard ou de l’atermoiement d’une quelconque partie. Il  a cherché avant tout à stigmatiser et à dénoncer, non de construire une confiance ou de trouver une solution dans un esprit de compromis.

Ce n’est malheureusement pas le seul cas qui montre que le dialogue dans notre pays entre acteurs politiques et organisations nationales est devenu presque impossible. L’urgence de la réforme du système de sécurité sociale, actuellement au bord de la faillite, évoquée récemment par le ministre des Affaires sociales  lui a valu les foudres d’Abdelkarim Jrad,  Secrétaire général adjoint de l’UGTT chargé de la couverture sociale.  Ce dernier a considéré les propos du  ministre comme une « déclaration de guerre du gouvernement, une subversion au dialogue social et une atteinte à la continuité de l’Etat ». En suivant cette logique, le fait d’évoquer ce dossier et mettre sur la table la nécessité de retarder l’âge de la retraite notamment, pour éviter le scénario du pire, relève du complot.

Jusqu’où veut aller l’UGTT, en pleine préparation de son prochain congrès électif, dans la manœuvre pour  bloquer tout processus de réformes dans le contexte actuel d’affaiblissement de l’Etat? Telle est la question que certains se posent  à demi-voix,  pour ne pas s’attirer les foudres de la centrale syndicale,  que personne n’ose critiquer.   

Jusqu’où différer la discussion des sujets qui fâchent de peur de fragiliser davantage la paix sociale ? Actuellement, nous vivons une sorte de paradoxe, puisque tout le monde reconnait la gravité de la situation que connaît le pays, les grandes difficultés que rencontrent les entreprises publiques et privées, l’impérieuse nécessité d’entreprendre des réformes courageuses et douloureuses  pour éviter les scénarios du pire. Dans la pratique, on a tendance à fuir cette réalité, à faire la politique de l’autruche  et à foncer droit dans le mur quand il s’agit d’agir et de prendre des décisions.

Sinon, est-il responsable dans le contexte actuel de parler d’engagement d’un nouveau cycle de négociations salariales,  alors que le pays est obligé de s’endetter pour servir les salaires, les entreprises ont cessé d’investir et de recruter pour répondre aux revendications interminables de leurs employés. Que peut-on redistribuer, si on ne  produit plus, on n’investit plus et que la croissance est proche de zéro ? Certainement plus de misère ! 

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