Il est certain que la situation périlleuse à laquelle est parvenue l’économie de notre pays, résulte du cumul de plusieurs dispositions et mesures négatives prises par le gouvernement de la Troïka durant les années 2012 et 2013, mais aussi du laxisme manifesté par le gouvernement de Mehdi Jomaa vis-à-vis de dossiers vitaux comme la lutte anti-terroriste, la crise du bassin phosphatier de Gafsa, la négligence affichée vis-à-vis du développement des régions défavorisées ou encore le désintéressement manifesté pour la question cruciale de la promotion de l’investissement.
A propos du développement régional, qui est une des revendications primordiales de la Révolution, on en parle depuis plus de quatre ans, plusieurs études ont été faites. Il a été créé un ministère à part entière dédié à cet objectif puis supprimé, mais rien n’a été fait, même pas l’ébauche de la décentralisation du pouvoir au niveau local et régional, pourtant adoptée par la Constitution. Il faut croire que l’Administration dans notre pays est plus puissante que le pouvoir politique et résiste au changement, car il contrarie ses intérêts moraux et matériels : soif de pouvoir et de prestige, âpreté au grain, esprit corporatiste, organisation sous forme de lobby et comportement en réseau informel. On se rappelle, à titre d’exemple, la réaction épidermique des cadres administratifs lorsque Mehdi Jomâa a voulu réformer le système des voitures de fonction qui coûte cher à l’Etat, alors que le parc public compte 200.000 véhicules y compris les voitures de service.
Nous voulons promouvoir l’investissement intérieur et étranger, mais la promulgation du nouveau code de l’investissement traîne depuis des années dans les bureaux du ministère du Développement.
Or les investisseurs ont besoin d’une visibilité à moyen et long termes outre un climat favorable aux affaires, ils ont également besoin de garanties solides avant de s’engager.
Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Il y a également la question lancinante des incitations pour les investisseurs étrangers qui ont le choix entre plusieurs pays : on investit là où il y a plus d’avantages et d’atouts.
Nous devons emprunter entre crédits extérieurs et intérieurs de quoi combler 30% de notre budget 2015 qui accusera quand même un déficit de 5%, alors que notre endettement dépasse déjà 50% du PIB.
Cela est aberrant, d’autant plus que ces ressources d’emprunt financent des dépenses de fonctionnement et des salaires, non des investissements ou des projets de développement. alors que les experts évaluent à 11 milliards de dinars le montant global de l’évasion fiscale. La réforme fiscale est au point mort.
Les revenus les plus élevés échappent à l’impôt : ce sont les salariés qui paient, non les riches.
Nos hôteliers commettent souvent l’erreur stratégique de considérer le tourisme intérieur et maghrébin comme un produit de substitution, “une roue de secours” destinée à compenser la défaillance des touristes étrangers. Alors qu’il s’agit d’une valeur sûre et d’un produit à part entière pour les raisons suivantes : Tunisiens et Algériens sont de bons vivants, ils viennent en famille et ne lésinent pas devant les dépenses durant leurs séjours à l’hôtel. En outre, ils peuvent séjourner dans les hôtels plusieurs fois par an, à l’occasion des vacances scolaires, ce qui atténue l’effet de saisonnalité dont souffrent les hôteliers. Ils ne sont pas “prisonniers” des zones côtières et balnéaires, ils vont à Tozeur et à Aïn Draham, ce qui doit réanimer les tourismes saharien et écologique, qui en ont bien besoin.
Or, malgré des progrès certains depuis une dizaine d’années, le tourisme intérieur n’est pas arrivé à “décoller réellement” pour atteindre un niveau significatif qui pourrait être de 30% de l’ensemble des nuitées, il est resté à 14%.
Les autorités en charge du tourisme ainsi que les professionnels du secteur savaient dès le 20 mars 2015, au lendemain de l’attentat contre le musée du Bardo que le secteur serait sinistré au moins durant cette année, mais ils n’ont pris aucune décision pour promouvoir le tourisme intérieur (remise de 50%) avant le mois de juillet, ce qui est trop tardif pour organiser ses vacances lors de cette haute saison et donc peu efficace.
Il y a là une carence, sinon une “paralysie » au niveau de la réactivité” dans une phase de crise.
Une campagne promotionnelle performante implique une organisation et une mobilisation six mois auparavant.
Pour les touristes algériens qui sont les bienvenus et qui viennent en masse par la route, attendent parfois plusieurs heures dans les postes frontalières avant d’entrer dans notre pays, dans des conditions pénibles, on parle depuis plusieurs mois d’aménager des locaux provisoires, décents et des aires de repos confortables mais il semble que rien n’a été fait dans ce sens jusqu’à présent. Négligence, laxisme ou manque de suite dans les idées et les actions ?
Il faut croire qu’il y a beaucoup d’inertie et de léthargie dans notre Administration, ce qui est préjudiciable au développement de notre pays.
Nous voulons promouvoir le tourisme thermal et la thalassothérapie, mais notre station thermale historique Korbous est presque inaccessible par la route depuis plus de dix ans. En effet, l’effondrement de la route qui y conduit n’a pas fait l’objet de reconstruction depuis longtemps, ce qui oblige ceux qui tiennent absolument à y aller de faire un détour de plus de 15 km, par une route étroite,. Il y a là un véritable obstacle pour les projets d’établissements de soins et hôtels en cours de construction.
Cependant, la gestion (de la crise de l’économie du pays) menée par le gouvernement de Habib Essid ne peut être considérée comme particulièrement efficace ou réussie dans le traitement de certains dossiers brûlants. En effet on y constate des contradictions, des négligences et des carences ainsi que des paradoxes et des dysfonctionnements multiples.