Parfum de populisme !

Sans minimiser l’importance symbolique et sociale de l’opération inaugurée par le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, et le secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et aux Affaires foncières, Mabrouk Korchid, permettant aux citoyens résidant sur les terres domaniales de devenir   propriétaires de leurs logements, cette initiative sent étrangement le populisme. Transférer la  propriété à des occupants de longue durée en l’espace de deux ans, peut poser un couac et constituer un précédent dont les conséquences seraient hasardeuses. D’emblée, quelques  questions  interpellent ;  en régularisant des situations datant des années 70,  est-on sûrs que les cas identifiés constituent  des cas flagrants d’injustice sociale ? Cette opération donnerait-elle un coup d’arrêt aux constructions anarchiques dans notre pays et à l’appropriation du domaine public ? Enfin, comment se fait-il que  dans l’agenda du gouvernement, ce dossier a pris soudain un caractère prioritaire?
Au regard des tensions latentes qui ponctuent notre quotidien, du manque de vision, du malaise qui domine, des critiques parfois acerbes formulées au sujet de  l’efficacité de l’action gouvernementale  et aux rumeurs persistantes sur un éventuel remaniement, Youssef Chahed n’est-il pas tenté de jouer une nouvelle carte, qu’on pourrait  qualifier de populiste, pour montrer qu’il est tout ouïe aux souffrances et attentes des citoyens, particulièrement  ceux qui vivent dans la précarité ?
Une carte difficile, puisque objectivement, il est illusoire, qu’en l’espace de deux ans, de tenir parole,  d’assainir la situation foncière de ces quartiers et de livrer un titre de propriété aux ayants droit.
La situation du cadastre est connue en Tunisie et,  la lenteur des procédures et la difficulté de la délivrance des titres de propriété,  n’échappent pas à personne. Il n’y a qu’à voir le cas de milliers d’acquéreurs de  logements conformément aux procédures légales  qui attendent parfois plus de vingt ans pour  obtenir le certificat de propriété.
Que  faire pour que cette opération, comme ce fut le cas dans le traitement  d’autres dossiers délicats, n’enclenche pas un processus difficilement maitrisable et des tensions encore plus graves venant de populations vivant dans d’autres quartiers spontanés et où les infrastructures font cruellement défaut ? L’effet d’annonce ne sera-t-il pas perçu comme une prime accordée à ceux qui, nonobstant leur situation sociale, enfreignent la loi ?
Le plus important, c’est de circonscrire ce phénomène et de ne pas hésiter à appliquer la loi, à faire en sorte que les municipalités assument leurs devoirs et que le laxisme,  qui a longtemps prévalu,   ne finisse,  à l’approche des élections municipales,   par laisser fleurir de nouveaux quartiers sauvages qui se transforment par la force des choses en zones de non droit.
Il est du droit du Chef du gouvernement, Youssef Chahed, de s’engager à résoudre la situation immobilière de familles dont les foyers ont été construits sur des terres domaniales depuis les années 70. Il est de son  devoir  également de ne promettre que ce qu’il peut et de pas  utiliser ce dossier,  vieux de plus de 40 ans, à des fins politiciennes.
Il faut dire qu’une expérience  similaire a été testée  avec un certain succès au Brésil au temps du président Lula, permettant aux  habitants de deux favelas de Rio de Janeiro de recevoir   des titres de propriété pour leurs maisons construites illégalement. Un titre de propriété, a-t-on dit, c’est la garantie que personne ne pourra jeter  ces familles dehors.  Le gouvernement Chahed peut-il garantir la délivrance de ces titres en deux ans et s’arrêter aux seuls cas recensés ?
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Après une longue période d’atermoiement, l’ancien Chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, a enfin mis un terme au suspense en lançant officiellement son parti, «Al Badil Ettounsi» (Tunisie Alternatives). Il est vrai que Mehdi Jomâa, qui a présidé aux destinées d’un gouvernement de technocrates en 2014,  qui a préparé les élections qui ont marqué la fin d’une longue et harassante transition politique, a fait  l’expérience du pouvoir, même s’il a alterné le bon et le moins bon. Alors qu’il n’était pas prédestiné à faire de la politique, son éphémère expérience lui a permis de connaitre ses arcanes et y à prendre goût et à nourrir des ambitions.
Quelle alternative présente-t-il aujourd’hui aux Tunisiens, notamment à l’approche des élections municipales ? son principal atout, serait peut-être le préjugé favorable que nombreux lui accordent, la déconfiture de plusieurs formations politiques et le dérapage que connait la vie politique qui se manifeste par l’incapacité notoire de nos élites à développer un véritable débat public qui permet aux citoyens de mieux cerner les vraies problématiques et les grands défis de l’avenir. Le parti de Mehdi Jomâa peut-il se démarquer des autres formations qui provoquent de plus en plus de désintérêt et de désappointement du public ? Peu sûr. Ni le discours développé, ni les orientations qu’il propose ne permettent de situer ce parti ou de préjuger de la qualité du projet qu’il promet. On a juste quelques déclarations d’intention et quelques slogans qui mettent en valeur un manque de consistance.
Unir les Tunisiens, aller au-delà des divergences idéologiques et redonner la confiance et le sourire aux Tunisiens, c’est ce que, en guise de programme,  Mehdi Jomaa propose aux Tunisiens pour rallier les rangs de son parti !

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