Le nouveau variant résiste mieux à la protection induite par les vaccins ou l’infection, dont la durée semble diminuer plus rapidement encore qu’avec delta.
Alors que variant Omicron remplace Delta en France et dans beaucoup de pays dans le monde, la question de l’efficacité des vaccins se pose de manière plus insistante. Le dernier mutant de Sars-CoV-2 est en effet capable d’échapper en partie à l’immunité induite par les vaccins ou l’infection naturelle, parce que sa protéine Spike (S), qui permet au virus de s’accrocher à nos cellules afin de les infecter, a suffisamment muté pour tromper nos défenses immunitaires.
Si les données sont encore préliminaires aujourd’hui, les chercheurs ont déjà commencé leurs enquêtes. Des études venant d’Afrique du Sud, où Omicron a été découvert, mais aussi du Royaume-Uni, montrent par exemple que l’efficacité contre les formes symptomatiques du vaccin Pfizer 2 à 9 semaines après la deuxième injection se situe autour de 88% pour Delta et Omicron. Après 10 semaines, cette protection chute à 77,7% pour Delta, et surtout 48,5% pour Omicron (avec une marge d’erreur comprise entre 25 et 60% environ). Pire encore, après 15 semaines, soit trois mois et demi, si la protection reste autour de 72% contre Delta, elle tomberait à 34% contre Omicron. « Ces données montrent qu’il existe une véritable perte d’efficacité dans le temps du vaccin après deux doses, et cela est encore plus marqué avec AstraZeneca, puisque la protection semble tomber quasiment à 0% après quelques mois, explique le professeur Odile Launay, infectiologue à l’hôpital Cochin à Paris. Pour les formes graves, il existe quelques prépublications [des études qui doivent encore être relues et vérifiées, NDLR] qui laissent également penser qu’il y aura également une perte de protection, mais dans une moindre mesure. »
*Baisse du nombre d’anticorps et de leur efficacité
Cette baisse s’explique d’une part parce que nos défenses immunitaires se sont construites soit grâce à une infection « naturelle » venant de variants précédents – Alpha, Beta ou Delta -, soit grâce aux vaccins, qui se basent sur la protéine S de la « souche historique », désormais disparue. Dans les deux cas, nos anticorps ont plus de mal à reconnaître Omicron et surtout sa protéine S. Conséquence : leur efficacité diminue. D’autre part, les chercheurs ont établi que la quantité d’anticorps produits après une infection ou un vaccin diminue avec le temps. « La baisse de protection contre Omicron s’explique par la conjonction de la baisse du nombre d’anticorps et de leur efficacité, qui existait déjà avec Delta, mais de manière moins importante », précise la spécialiste.
Une bonne nouvelle existe néanmoins : celle de l’efficacité de la dose « booster ». Toujours selon les études sud-africaine et anglaise, avec l’injection d’une troisième dose – ou d’une deuxième si la personne a déjà été infectée par le coronavirus – la protection contre les formes symptomatiques de Delta remonterait à 92% et 75% contre Omicron. Mais considérant la chute drastique de la protection contre Omicron après deux doses, il y a fort à parier que le même phénomène se reproduise.
« Les études montrent que la troisième dose augmente de façon très importante la quantité d’anticorps, mais ces données sont préliminaires et ne nous disent rien de la persistance de l’immunité contre Omicron, donc nous avons des inquiétudes concernant la durée de protection », confirme Odile Launay.
En France, la question pourrait se poser à partir de février-mars, puisque les premières troisièmes doses ont été injectées chez les personnes âgées en septembre.
La multiplication des injections ne pose, a priori, aucun risque pour la santé. Néanmoins, une campagne prévoyant des rappels tous les trois ou six mois présente un risque d’épuisement social. « Je ne suis pas opposée au fait de demander un rappel tous les trois mois, mais cela pourrait provoquer la réticence de certains, surtout ceux déjà peu favorables au vaccin, ou ceux qui ont eu des effets secondaires (fièvre, fatigue) lors de leur dernière injection », avance Mylène Ogliastro, virologue, vice-présidente de la Société française de virologie, chercheuse à l’Inrae de Montpellier. Et il sera probablement plus difficile de justifier de la pertinence des vaccins basés sur la souche de Wuhan.
« Pour l’instant, ce sont les seuls vaccins à disposition et les données semblent montrer que leur efficacité contre les formes symptomatiques ou graves ne sont pas totalement perdues, et même restaurées avec la dose booster, mais cette question se pose, reconnaît Odile Launay. Deux solutions apparaissent : soit créer un vaccin ‘nouvelle-génération’, qui provoquerait une réponse immunitaire plus large [et pas seulement basées sur la protéine S, NDLR], soit adapter les vaccins existants à Omicron. »
Une troisième solution consisterait à créer un vaccin qui induise une réaction à plusieurs protéines S, celles des variants Alpha, Beta, Delta et Omicron, par exemple. « C’est techniquement possible, les chercheurs de Moderna ont d’ailleurs annoncé qu’ils travaillent sur un vaccin avec plusieurs Spike. Cela pourrait passer par une dose plus forte, d’autant que Moderna a indiqué que leur dose booste à 100 Mg permet d’obtenir une réponse plus élevée », note la professeur.
* »Pas de vaccin Omicron avant, au moins, le troisième trimestre 2022″
Les entreprises Pfizer et Moderna, qui utilisent toutes les deux la technologie ARN qui permet théoriquement d’adapter rapidement la formule d’un vaccin, ont également annoncé qu’elles travaillaient sur un ‘vaccin Omicron’… Sauf qu’elles avaient déclaré la même chose pour Delta. Or ce vaccin n’a jamais vu le jour. « Nous n’en avons pas eu besoin car l’impact de ce variant sur l’immunité, bien que réel, n’a pas été jugé suffisant pour justifier un changement de formule. Mais aujourd’hui, la question peut se poser avec Omicron, même si cela dépendra des données concernant l’efficacité de l’immunité conférée par la troisième dose et sa persistance, poursuit l’infectiologue. Quoi qu’il en soit, il faut environ trois mois à Pfizer et Moderna pour élaborer une nouvelle formule. Ensuite, les autorités de santé doivent l’approuver, or nous ne savons pas si elles demanderont d’effectuer de nouveaux essais cliniques prouvant l’efficacité et la tolérance du vaccin – ce qui ajouterait plusieurs mois à ce processus -, ou non, ce qui sera probablement décidé en fonction de la gravité de la crise sanitaire. Et ensuite, il faudra encore produire suffisamment de doses pour tout le monde… En tout état de cause, il ne faut pas s’attendre à voir un vaccin Omicron avant, au moins, le deuxième trimestre 2022. »
Si elle sera déterminante, la gravité des symptômes provoqués par Omicron reste encore mal connue. De récentes estimations venues du Royaume-Uni suggèrent que la dose booster pourrait conférer une protection allant jusqu’à 85 ou 90% contre les formes graves. L’Imperial College of London a de son côté publié la première étude d’importance sur la sévérité d’Omicron. Selon ces travaux, il serait entre 15 et 40% moins virulent que Delta, ce qui conduirait – en pourcentage – à une réduction du nombre d’hospitalisation et de leur durée, et probablement une réduction du nombre d’admission en soins intensifs et de décès. « Les premières données sont plutôt en faveur d’un variant moins grave, mais nous ne savons pas si cette baisse est liée au fait que ce virus circule, pour le moment, essentiellement dans des populations plus jeunes qui sont donc moins à risque, ou si c’est parce qu’il se confronte à des populations déjà vaccinées ou infectées, et donc partiellement protégées, ou encore si c’est parce que le variant provoque, en lui-même, des infections moins graves », prévient Odile Launay.
En effet, les mutations sur la protéine S d’Omicron permettent de contourner en partie nos défenses immunitaires, mais elles impactent aussi la capacité du virus à infecter certaines cellules. Autrement dit, ce variant pourrait être moins enclin à infecter nos cellules pulmonaires et leur préférer les cellules des sphères respiratoires hautes, soit la sphère oto-rhino-laryngologie (nez, gorge, bouche, larynx, trachée). Il provoquerait, ainsi, moins de formes graves. S’il ne s’agit que d’une hypothèse à ce stade, cela fournirait une explication physiopathologique à la baisse de gravité d’Omicron qui apporterait, pour une fois, en une bonne nouvelle.
(L’Express)