Cérémonie de passation des pouvoirs à Dar Dhiafa
Des actifs à l’épreuve de la reconnaissance
Il a pris les commandes du pays à un moment crucial marqué par une grave crise politique. Fruit d’un consensus issu du dialogue national, le gouvernement de Mehdi Jomâa a assuré et rassuré. Il a eu le mérite d’avoir réussi la transition démocratique et respecter la majorité des points inscrits sur la feuille de route.
Le passage de Mehdi Jomâa à la Kasbah, tout comme son départ, ne pouvaient passer inaperçus. Dans la phase cruciale que traversait le pays, le gouvernement Jomâa a à son actif la réussite du processus de « transition démocratique », ce qui est loin d’être une mince affaire. Aujourd’hui, la Tunisie est appelée à mener à bien un autre processus ; la « transition économique ». Le gouvernement sortant a bien veillé à préparer le terrain pour Habib Essid et sa nouvelle équipe. En effet, le 6 février, à l’occasion de la cérémonie de passation du pouvoir, au palais de Dar Dhiafa, Mehdi Jomâa a remis au nouveau locataire de la Kasbah, un coffret contenant dix documents de taille. Une sorte de bilan de son équipe, pendant environ une année, sa vision pour la période à venir ainsi que des plans d’action.
« Une première, soulignera Mehdi Jomâa. L’idée est de créer une nouvelle tradition au niveau de la passation du pouvoir, d’instaurer de nouvelles règles dont l’objectif n’est autre que de garantir la continuité de l’Etat mais aussi de conférer plus d’efficacité au travail du nouveau gouvernement ».
Le nouveau gouvernement ne partira pas d’une feuille blanche. Bien au contraire, il aura entre ses mains une sorte de « programme d’entrée en matière ». Mehdi Jomâa aura laissé à son successeur, un rapport de synthèse de tout ce qui a été réalisé en un an. Il s’agit, au fait, d’un « kit de passation » composé d’une lettre à l’adresse du nouveau Chef du gouvernement ; des rapports thématiques et sectoriels ; des diagnostics, des solutions proposées et des plans d’actions, pour la transition économique.
Conçu en deux exemplaires, l’un pour le Chef du gouvernement, l’autre pour les archives nationales, ce document contient une sorte de vision stratégique pour la Tunisie, énumère les grandes orientations en matière économique, de relations extérieures, les réformes nécessaires à entreprendre, outre la stratégie nationale en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Des documents fort utiles pour le gouvernement Essid, qui pourrait commencer à travailler, là où Mehdi Jomâa, a fini et non pas à partir d’une feuille blanche.
L’économique et le sécuritaire
Pendant plus d’une année, le Chef du gouvernement sortant a scellé une étroite collaboration avec les médias. Il a instauré, avec son équipe, des rencontres périodiques, où, il informait les médias de la situation dans le pays ainsi que de l’avancement des grands dossiers. A la veille de la passation, il n’a pas failli à cette règle. Entouré de ses principaux collaborateurs, et de membres de son équipe, Mehdi Jomâa, a tenu, non pas, à faire le bilan de son passage à la Kasbah mais, plutôt, à faire le point sur ce qui a été fait, notamment sur le plan économique et sécuritaire, deux axes qui constituent les priorités du nouveau gouvernement.
« Loin de se positionner en donneurs de leçons, nous avons voulu laisser une trace claire de notre passage au gouvernement », précise Nidhal Ouerfelli.
Et d’ajouter, « en matière économique, nous avons remis au nouveau gouvernement, un document sur la transition économique, avec notamment, l’ensemble des rapports relatifs à cette transition, les diagnostics établis et les grandes réformes à mettre en place ».
En même temps, précise-t-il, « nous avons laissé à nos collègues, un document renfermant l’ensemble des décisions, décrets, décrets-lois et décisions promulgués, pendant l’année de la gouvernance Jomâa ».
Nidhal Ouerfelli reconnaît que sous l’ère Jomâa, et pendant un an, le pays n’a pas pu engager suffisamment de réformes. Aujourd’hui, avec l’ensemble des diagnostics établis et les approches préconisées, il est possible d’assurer, au cours des prochaines années, une vraie transition économique.
Ghazi Jeribi, ministre de la Défense sortant, a tenu à rappeler que son passage a été marqué par l’engagement de réformes au niveau de la structure et des ressources humaines. « Toute la difficulté, a-t-il souligné, était de permettre au pays de mener à bon port les élections, face à l’accroissement des menaces terroristes ».
Des moyens et des hommes
Partant, il fallait agir sur un double niveau. D’abord, au plan interne, des ressources humaines qui demeurent le moteur de toute action et de toute lutte. Sans oublier le renforcement des équipements militaires et l’adoption d’un projet et plan d’action.
Un technocrate sans stratégie, sans vision, sans plan d’action, sans des outils nécessaires pour agir dans la cohérence et la logique exigées, ne pourrait pas aller trop loin et assumer la responsabilité. A la faveur de cette vision, l’armée a pu, grâce à l’appui de pays amis acquérir des équipements de même qualité et spécificités techniques que celles des pays fournisseurs. Aujourd’hui l’armée nationale est à même de contrôler tout le territoire, notamment les zones frontalières où le risque est omniprésent.
Néanmoins, rappelle le ministre, « il faut rester vigilant et prendre en considération la situation sécuritaire régionale notamment sur nos frontières ». Sur ce plan, la coordination avec l’Algérie demeure un élément central d’autant plus qu’un climat de confiance règne entre les deux pays. Cet aspect important explique les succès enregistrés en matière sécuritaire.
Au plan de la sécurité intérieure, le gouvernement Jomâa a accompli ses meilleures réalisations. Ridha Sfar, ministre délégué à la Sûreté nationale, a souligné, à cet effet, que jamais, les militaires et les forces de l’ordre n’ont collaboré aussi étroitement. Les résultats n’ont pas tardé à se matérialiser. « Aujourd’hui, affirme-t-il, tout le territoire est sous contrôle et nous avons réussi, à sécuriser nos frontières avec la Libye ».
L’autre réussite et non des moindres : le redéploiement du dispositif de renseignement aussi bien au ministère de l’Intérieur qu’au niveau du ministère de la Défense. La création d’une cellule de crise, placée sous la présidence du chef du gouvernement a, également, facilité la prise de décision et focalisé les forces de l’ordre sur les aspects opérationnels.
Nul ne peut nier aujourd’hui, l’ampleur de la menace terroriste. Néanmoins, en dépit des moyens modestes de la Tunisie, le gouvernement sortant affirme sans ambages que nous sommes mieux outillés et organisés, voire plus déterminés à déraciner le terrorisme.
Maintenant, il appartient au gouvernement Essid de gérer et de diriger le pays. Accorderait-il l’importance au contenu du « kit de passation », remis par le gouvernement Jomâa, ou bien le laisserait-il moisir dans les tiroirs, en repartant d’une feuille blanche? Seuls les mois à venir pourraient apporter une réponse. !
Nada Fatnassi