Jamais la Tunisie n'a connu une telle accumulation de crises après son Indépendance. Pommes de terre, lait, produits de base… Le citoyen s'inquiète pour son quotidien. Il s'inquiète aussi pour sa santé. De fait, depuis plusieurs semaines, la crise des médicaments a refait surface malgré une certaine accalmie. Les médicaments qui manquent dans nos pharmacies ne sont pas des moindres : ce sont des produits vitaux pour le traitement du diabète, de la HTA, de la prostate…
Intervenant dans le JT d'Al Watanya de ce vendredi 28 octobre 2022, le ministre de la Santé, Ali Mrabet, a affirmé que tous les efforts sont déployés pour permettre aux Tunisiens de retrouver leurs médicaments. Ce qui compte, selon lui, est de soutenir la production de médicaments et la prévention. "Mieux vaut prévenir que guérir", a-t-il conclu.
Les raisons d'une crise sans précédent
La crise des médicaments ne date pas d'aujourd'hui. Depuis 2016, l'industrie pharmaceutique traverse une mauvaise passe en Tunisie, et ce sont les industriels locaux qui payent le plus lourd tribut (SAIPH, Adwia…). Ils sont également victimes d'un lobbying exercé par certains poids lourds du secteur. Le départ récent de trois industriels étrangers a encore compliqué la situation. Cette crise des médicaments s'explique aussi par le cadre réglementaire qui régit l'industrie pharmaceutique en Tunisie. Comment expliquer qu'une AMM (autorisation de mise sur le marché) nécessite une moyenne de 3 ans pour être accordée à un industriel, sachant que l'État clame haut et fort qu'il soutient l'industrie nationale ? Or, sans AMM, impossible pour un industriel de commercialiser son médicament. Autrement dit, il aura engagé de lourds investissements pour rien.
Ce n'est qu'une goutte dans un vase qui a déjà débordé qui est se remplit encore et encore. La crise des médicaments s'explique aussi par le déficit monstrueux de la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT). Celle-ci est devenue incapable de payer ses fournisseurs étrangers, ce qui explique la pénurie d'un bon nombre de médicaments. Et c'est sans compter la contrebande…
Crise des médicaments : quelles sont les solutions ?
L'heure est grave, c'est indéniable. Cependant, il y a encore de l'espoir. Nombreuses sont les solutions qui ont été présentées par les industriels : soutien de l'industrie nationale – qui a résisté à tant de crises -, réduction du délais d'octroi des AMM, adaptation du cadre réglementaire aux besoins de l'industrie pharma… -.
Seulement, aucun des gouvernements qui se sont succédés depuis 2017 n'a su répondre aux attentes du secteur. Un manque de volonté ? Il y a de cela, mais il y a aussi l'instabilité politique qui empêche les décideurs de traiter le problème comme il se doit. Le diagnostic reste le même et les solutions existent. Nous avons besoin d'un véritable État capable de prendre des décisions courageuses pour sauver l'industrie pharmaceutique tunisienne. C'est un fleuron de l'économie national que nous sommes en train de gâcher par nos propres mains.
F. K