Qu’ils se révoltent contre des décisions présidentielles qu’ils jugent anticonstitutionnelles et attentatoires au processus démocratique, c’est leur droit consacré par la Constitution de 2014, celui d’avoir une opinion différente et opposée aux choix politiques nationaux. Qu’ils sollicitent leurs relations dans les institutions étrangères influentes sur la scène internationale afin de trouver des voies de réconciliation et d’arrangement, c’est compréhensible et acceptable tant que la souveraineté nationale est respectée et que les choix nationaux sont critiqués avec objectivité. Mais diffuser à l’étranger de fausses allégations pour porter atteinte à la crédibilité et au symbole de l’Etat tunisien, le président de la République, pour ignorer et ridiculiser le choix d’une large partie du peuple qui le soutient et tenter de souiller l’image de la Tunisie à une étape cruciale et à la fois critique de son histoire, est une ligne rouge qu’aucun Tunisien imbu de son appartenance à la patrie ne saurait tolérer ni justifier quels qu’en soient les arguments. La trahison a plusieurs facettes dont celle-ci, qui consiste à solliciter l’aide étrangère non pas pour porter assistance (économique, financière ou sanitaire) à ses concitoyens mais pour s’imposer chez soi, pour rester aux commandes du pays contre la volonté du peuple, autrement dit pour «mater» ses compatriotes, dont le chef de l’Etat. Ce sont là des pratiques dangereuses dont les conséquences sont dévastatrices pour les pays. Et les exemples ne manquent pas (Libye, Syrie, Irak, etc.). Ce sont des pratiques fréquentes dans les pays sous-développés pour mater les dictateurs, or la Tunisie est une démocratie, naissante certes, mais dont le président a été élu démocratiquement au suffrage universel à plus de 72%.
Il aurait été plus ingénieux et plus crédible de se défendre par les moyens démocratiques, notamment en attendant les prochaines élections pour se faire réélire. Mais l’ardoise en termes de bilan économique et social de ces politiques aux abois est trop sale et le verdict du peuple est déjà connu. Les ex-maîtres de la Tunisie sous le règne des islamistes ne sont pas sûrs de retrouver leurs sièges au Parlement et leurs fauteuils de ministres, alors ils s’acharnent, manipulent, diffament, fuient la justice, se compromettent dans des affaires de lobbying opaques et restent sourds aux remontrances des Tunisiens qui ne cessent de leur répéter qu’ils sont désormais persona non grata.
Kaïs Saïed doit faire cesser tout cela, au plus vite. Sa lenteur devient un danger pour le pays et pour le devenir du processus du 25 juillet que les Tunisiens ont avalisé, sans même en connaître le contenu. L’on peut comprendre qu’un projet de refonte de tout le système de gouvernance nécessite du temps et de la patience, mais une grande lenteur peut porter atteinte aux intérêts du pays, à son image et même à la crédibilité de Kaïs Saïed, l’instigateur du nouveau projet politique, peut-être celui de la 3e République s’il est avalisé par référendum. Il est grand temps de passer à l’étape suivante, informer officiellement les Tunisiens du programme politique futur et commencer à travailler. On dit que Kaïs Saïed est en train de travailler, beaucoup. Soit. Mais, c’est tout le pays qui doit se remettre à travailler, beaucoup et dans les plus brefs délais. C’est une question de survie pour une économie en agonie et une nation menacée de faillite économique et politique.
Alors, qu’attendez-vous Monsieur le président pour prendre les décisions qui s’imposent contre tous ceux qui ne respectent pas l’Etat et le peuple tunisiens, contre ceux qui, comme vous l’avez souligné à mainte reprises, ont «affamé le peuple tunisien» et ceux qui mettent les bâtons dans les roues de la politique et de l’économie pour entraver la relance et la prospérité de la Tunisie. Le bilan de l’après-25 juillet, à plus de quarante jours du coup d’arrêt constitutionnel, est : «Peut mieux faire». Les Tunisiens attendent davantage et plus rapidement, parce que le danger d’un retour en arrière n’est pas totalement écarté et hante les esprits. La participation aux travaux de l’Union interparlementaire de deux députés gelés, chargés par le président gelé du Parlement dont les travaux et les prérogatives sont suspendus, en est la preuve. Des législateurs qui ne respectent pas la législation en vigueur, fut-elle instaurée dans des conditions exceptionnelles, est un acte éthiquement et politiquement condamnable, voire même juridiquement, selon des juristes.
Il faut faire cesser ces mascarades, à commencer par prendre les mesures qui s’imposent contre ces élus dont l’unique souci est de défendre leurs propres intérêts.
Les Tunisiens ont choisi la voie démocratique, c’est désormais une réalité, rien ni personne ne pourra changer cela. Mais ils refusent et rejettent la démocratie de façade qui, sous le parapluie des libertés individuelles et collectives et des droits de l’homme, favorise l’émergence et le renforcement des alliances politico-mafieuses et des réseaux terroristes. La démocratie repose certes sur des élections, mais pas seulement. Faut-il aussi que ces élections ne soient pas entachées de crimes électoraux et que certains des élus ne soient pas des barons de la corruption, de la contrebande et de l’économie parallèle, sans oublier ceux qui sont liés aux réseaux terroristes.
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