Peut-on réformer l’administration ?

Acteurs économiques et experts financiers sont unanimes à faire deux constats sans réplique : le climat des affaires est actuellement peu motivant lorsqu’il s’agit d’investir à long terme dans des projets économiques privés d’une part, l’administration avec la complexité des formalités et la lenteur des procédures fait preuve d’un manque de bonne volonté et d’engagement pour assumer son rôle de promoteur du développement du pays d’autre part.
La meilleure preuve, c’est à peine si 50% des projets publics dans les régions ont été réalisés au cours de ces dernières années, alors que les projets sont identifiés et le financement est disponible.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la compétence technique ou économique des grands commis de l’Etat ni leur nationalisme ou leur savoir-faire.
Cependant, il y a lieu de reconnaître que les fonctionnaires, petits et grands sont déçus, démotivés, peu passionnés et peu préoccupés par l’œuvre de développement du pays.
La réforme de l’administration tunisienne est indispensable mais est-elle possible ? Selon quelles conditions et quelles modalités ? La volonté politique de cette réforme est-elle partagée aussi bien par le pouvoir exécutif avec ses deux têtes que par le pouvoir législatif ?
Elle ne peut être que progressive, totale et consensuelle pour aboutir et être efficace. Elle sera certainement coûteuse sur le plan matériel et humain à la fois.
La principale difficulté consiste à passer des déclarations d’intention aux réalisations concrètes grâce au courage politique des actes : est-il au rendez-vous ?
Les déclarations faites par le Chef du gouvernement sont pour autant claires : « l’administration est appelée à développer des services et à garantir à ses programmes l’efficacité nécessaire pour concrétiser les principes de transparence, d’intégrité et d’équité ».
Il a même ajouté « qu’un diagnostic de la situation a montré que l’administration est bloquée alors que les énergies doivent être libérées et débarrassées de la peur d’assumer la responsabilité ».
Le mot est lâché : « il faut reconquérir la confiance du citoyen et de l’investisseur ».
Il faut maintenant passer à l’action.
A notre sens, les principaux axes de la réforme de l’administration seraient les suivants.
Les effectifs sont pléthoriques et doivent être réduits, car ils sont à la fois coûteux et improductifs, faute de compétence et d’organisation. Sur 680.000 fonctionnaires, il y aurait selon des connaisseurs proches du dossier 130.000 qui « pourraient partir » selon des modalités à négocier : pré-retraite indemnisée, départ volontaire avec dotation,…
Le statut de la fonction publique devait être révisé et mis à jour : « l’emploi à vie » relève de la préhistoire, la compétence, le mérite et la productivité récompensés, ponctualité et discipline restaurées, la corruption bannie et sanctionnée,…
Un grand chantier, celui de l’informatisation de l’administration devrait être entrepris de suite, jumelé avec celui de la simplification des formalités administratives.
Il y a un grand déficit de formation et de compétences dans l’administration bien qu’il y ait beaucoup de diplômés.
Les structures de contrôle méritent d’être renforcées et développées, notamment pour ce qui est des dépenses et frais de gestion. Ainsi la gestion du parc-auto de l’Etat qui compte 200.000 véhicules permettrait de faire de grosses économies budgétaires.
Certes, des initiatives ont été prises par la direction générale des réformes et des perspectives administratives (ministère de la Fonction publique) pour réviser les formalités : 30 procédures ont été supprimées, 346 autres ont été simplifiées pour ce qui est des activités économiques. Il reste quand même beaucoup à faire : 70 autres à réviser.
Pour les secteurs : du transport, de l’agriculture, de la justice, des affaires sociales et des domaines de l’Etat, 7 procédures ont été éliminées, 147 ont été simplifiées, mais il reste encore beaucoup : 186 démarches à réviser.
Créé récemment, « SOS Ijraet », la nouvelle plate-forme gérée par l’IACE, conçue avec l’UTICA, l’UTAP et le gouvernement, permet  de recevoir et de traiter les dossiers des entreprises privées qui connaissent des difficultés administratives.
C’est une sorte de partenariat public-privé, destiné à débloquer en urgence les projets en panne. L’efficacité de cet instrument dépend du dynamisme des gestionnaires et de la bonne volonté des cadres supérieurs de l’administration. C’est un jalon de plus dans le sens de la réforme de l’administration.
Toute une culture du service public est à inventer et à mettre en pratique.

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