Peut-on sauver les entreprises publiques ?

Considérées par certains comme un gouffre financier coûteux pour la collectivité alors que les autres estiment qu’il s’agit d’un service public indispensable, les entreprises publiques sont en fait tout cela à la fois et plus encore.
En effet, le déficit global de ces entreprises est évalué à environ 3,5 milliards de dinars à l’heure actuelle, dont plus de 2 milliards pour les 28 sociétés de transport public en commun de voyageurs. La responsabilité de l’Etat étant engagée dans ce processus, comment réformer le système avec un coût financier et social minimum et une efficacité maximale ?
Le diagnostic global des entreprises publiques pourrait être synthétisé ainsi. Un déficit profond accumulé depuis des années qui a engendré un surendettement auprès des banques et de la CNSS. Il y a donc un déséquilibre financier préjudiciable à la bonne gestion. Des charges fixes disproportionnées à cause des sureffectifs de personnel et donc des masses salariales énormes non justifiées par la qualification et le rendement des salariés.
Un vieillissement de l’outil de production devenu parfois obsolète. C’est ainsi que le parc de véhicules de la TRANSTU a une moyenne d’âge de dix ans, avec une disponibilité de bus de l’ordre de 50%. Pour le TGM l’âge est de 40 ans.
Cela a abouti à une qualité médiocre des services destinés au public et donc au mécontentement des usagers.
Il y a souvent des problèmes de gouvernance dans les établissements publics dus à une grande mobilité des directions générales, de l’intervention intempestive des autorités régionales ou locales, ainsi que des tutelles qui sont parfois mixtes (2 ou 3 ministères à la fois).
Tout cela provoque des dysfonctionnements. Le climat social dans les entreprises publiques est souvent perturbé pour des raisons diverses, augmentations de salaires, conditions de travail,… avec multiplicité des grèves et des sit-in.
La “conférence nationale sur la stratégie de modernisation et de gouvernance des institutions et établissements publics” organisée les 21 et 22 novembre à Tunis a étudié les recommandations à formuler pour établir un programme de réformes de ces institutions qui devrait être finalisé au cours du premier trimestre 2017.
C’est un programme de grande envergure à réaliser au cours de la période du plan de développement 2016-2020 avec un coût prévisionnel de 180 millions de dinars à financer par l’UE.
Il ne s’agit pas seulement de sauvegarder et de consolider un secteur stratégique de notre économie, comportant notamment des services publics comme l’énergie, l’eau potable, l’assainissement, les transports mais aussi des activités économiques, financières et industrielles vitales comme les banques, les cimenteries et les fermes domaniales.
Les retombées sociales du secteur public sont loin d’être négligeables sur la stabilité politique et la cohésion nationale.
Les pouvoirs publics ont prévu une stratégie de modernisation en quatre axes.
– Définir une réglementation relative à la gouvernance générale : relations entre la tutelle et l’entreprise, mode de financement des investissements, tarifs à appliquer, approbation des projets à réaliser,…
Etablir une recommandation relative à la gouvernance interne des entreprises publiques : organes de décision et d’exécution, contrôle de gestion, approbation des comptes,…
– La responsabilité sociétale de l’entreprise doit être concrétisée par des actions pour favoriser l’interaction de l’entreprise avec son environnement social.
– Le dialogue social dans l’entreprise doit être réglementé et respecté pour consolider la paix sociale.
A notre sens les solutions sont à étudier à la carte, en fonction de chaque secteur d’activité et de chaque grande entreprise en particulier.
Il y a probablement des entreprises qui devraient être dissoutes et fermées tellement leur situation est sans issue.
Mais le reste pourrait être réparti entre deux catégories : les entreprises à redresser moyennant une mise à niveau et une restructuration et celles qui devraient faire l’objet d’une privatisation.
Plusieurs exemples prouvent que la privatisation a rapporté beaucoup d’argent à l’Etat dans le passé et les entreprises privatisées ont connu croissance et création d’emplois : les cimenteries, Magasin Général, Hôtels SHTT Banque du Sud,…
Pour les entreprises actives dans le secteur concurrentiel : la privatisation partielle ou totale serait une solution efficace, l’Etat pourrait conserver une part minoritaire destinée au respect des engagements pris sur cahiers des charges.
La mise à niveau implique la recapitalisation des entreprises avec assainissement financier, opération qui pourrait se révéler très coûteuse. Elle doit être accompagnée d’un repositionnement stratégique de l’entreprise, compte tenu du contexte de la mondialisation et de notre intégration économique dans l’Union européenne.
C’est ainsi, que des cas épineux vont se poser, El Fouladh et la Société de Cellulose par exemple. Quel avenir et quel coût et pour quel enjeu faut-il assurer la modernisation de ces entreprises ?
Les restructurations sont nécessaires et urgentes pour arrêter l’hémorragie financière : les sureffectifs doivent être bannis selon des départs indemnisés.
Chaque entreprise publique doit assurer son équilibre financier : si l’Etat impose un tarif bonifié, il doit subventionner en conséquence.

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