Quand on choisit de se faire hara-kiri, il faut au moins imiter les Samouraïs nippons et ne pas faire durer le supplice des années. Depuis que le Président Caïd Essebsi a remis les clés de Nidaa Tounes à ceux qu’il pensait dignes de lui succéder, la tentation du suicide semble s’être emparée de ce parti : scission, guerre des communiqués et des déclarations incendiaires, manœuvres et intrigues de bas-étages, et j’en passe. Certes, depuis sa création en 2012, Nidaa Tounes fut tout sauf un havre de paix et de concorde ; pour avoir été membre de son premier bureau national, je peux témoigner des luttes sourdes, des mesquineries et des antagonismes qui faisaient tanguer la toute nouvelle embarcation : rassembler des personnalités que tout séparait n’était pas une sinécure et seuls le charisme et l’habileté de son fondateur ont empêché qu’elle ne coule cent fois avec armes et bagages. Pour résister au départ de ce dernier, il aurait fallu que Nida ait eu le temps de grandir et de surmonter l’âge des enfantillages et des farces de petits galopins. A moins de 4 ans d’existence, n’est-on pas encore au stade de l’école maternelle ?
Depuis celle de Jésus, je ne crois plus vraiment dans la résurrection et encore moins dans celle d’un parti qui offre depuis des mois le spectacle désolant de la discorde et de la division. Imputer cette situation au seul Hafedh Caïd Essebsi me paraît réducteur ; il est, selon moi, davantage un des symptômes du malaise de Nida que sa cause première. Tous les prétendus ténors du parti y ont leur part de responsabilité pour ne pas avoir su dompter leurs égos et leur soif de pouvoir. Les Akremi, Remili, Belhaj, Marzouk, Ksila, Kotti et consorts ont cassé le jouet par leur incapacité à s’élever au niveau des défis qui menacent d’emporter le pays ; en s’étripant comme des chiffonniers, du matin au soir, ils ont permis au parti islamiste de redevenir le maître du jeu et d’effacer les dernières traces de sa gestion gouvernementale calamiteuse. En tuant l’espoir d’un parti républicain et moderniste solide, ces leaders de pacotille ont gravement hypothéqué les chances de barrer la route aux forces rétrogrades qui lorgnent sur notre nation.
Dans ces conditions, on ne peut que recommander au chef du gouvernement de réfléchir à deux fois à l’offre qui lui a été faite d’assumer la plus haute responsabilité dans Nida Tounes. Il ne faudrait pas, comme dans les Fourberies de Scapin, que dans quelques semaines, l’on crie « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ». Il a certainement mieux à faire que d’essayer de départager des gens insensibles à la raison et à l’intérêt du pays. Quand on voit, à travers l’affaire PETROFAC et tant d’autres, à quel étiage se trouve le prestige de l’Etat, toute perte de temps pour ranimer un parti en état de coma avancé est impardonnable. Il n’est déjà pas sûr qu’en consacrant tout son temps et son énergie à sa lourde mission, Youssef Chahed puisse remettre le pays sur les rails : de Kerkennah à Gafsa en passant par Fernana, des coupeurs de routes et des croquants sont embusqués pour faire dérailler, à tout moment, le train. Tant que l’autorité de l’Etat ne sera pas pleinement restaurée, j’ai bien peur que ces coûteuses conférences visant à attirer des investisseurs en Tunisie ne servent pas à grand-chose. Ce n’est qu’à partir du moment où l’investisseur étranger sera certain que l’Etat-gendarme assume ses responsabilités sans ciller et ne se couche pas devant une poignée d’hurluberlus qu’il daignera s’intéresser au climat d’investissement qui prévaut en Tunisie.
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