Pharmacie centrale/hôpitaux tunisiens : À quand la prochaine crise ?

 

Rien ne va plus entre la Pharmacie centrale tunisienne et les hôpitaux. Justifiant sa décision par le cumul des impayés, la PCT décide de fermer le robinet des médicaments. Les conséquences se font ressentir immédiatement  dans les hôpitaux, dont certains se trouveront dans l’impossibilité de soigner les malades, mettant ainsi en jeu leur pronostic vital.

C'est ce qui s’est passé la semaine dernière à l’hôpital Abderrahmane Mami à l’Ariana. Le service des urgences est tombé en panne de « Bricanyl » un médicament indispensable et incontournable pour soigner les personnes en état d’insuffisance respiratoire : crises d’asthme, dyspnées, bronchites obstructives,  et autres, aussi bien chez les enfants que chez les adultes. Réalités Online se saisit du dossier, l’affaire crée le « buzz, tout le monde en parle, les médias s’en emparent et la Pharmacie centrale est épinglée à ce sujet.

 

La PCT réclame ses impayés

Interrogé par Réalités, Monsieur Lamine Moulahi, Président directeur général  de la Pharmacie centrale de Tunisie, dément avoir stoppé la livraison des médicaments aux hôpitaux. Mais il précise : « Le rôle de la PCT est de sécuriser le pays en médicaments. En 2011 nous étions dans une situation peu enviable, car faute de paiement, les fournisseurs étrangers  n’ont pas voulu nous donner des médicaments.  Nous avions peu à peu récupéré leur confiance. De ce fait nous avons pu reconstituer notre stock de sécurité en médicaments, qui est actuellement de 365 millions de dinars et qui couvre une période de 4 mois. Cette réserve va nous permettre de travailler à l’aise en offrant aux malades tunisiens une bonne disponibilité de médicaments.

Pour garder cette marge de manœuvre nous devons honorer nos factures avec nos fournisseurs.  Avec les hôpitaux, nous avons signé des contrats stipulant que les paiements devaient se faire dans un délai ne dépassant pas 45 jours.  Actuellement nous avons des problèmes avec 4 hôpitaux : hôpital Habib Bourguiba à Sfax, hôpital Rabta à Tunis, hôpital Charles Nicolle à Tunis, hôpital  de pneumologie à l’Ariana. Leurs dettes envers la Pharmacie centrale sont de l’ordre de 17 à 20 millions de dinars, pour chacun. Si tous les hôpitaux de Tunisie se comportaient ainsi, il n’y aura plus de médicaments en Tunisie à partir du  mois de Mai. Il faut garder à l’esprit que la PCT est une structure commerciale qui achète et  vend les médicaments.  Elle ne les offre pas gratuitement aux hôpitaux. »

 

Indignation du côté des hôpitaux

À l’hôpital Mami, qui a souffert de cette restriction de médicaments, l’administration et  la pharmacie dénoncent l’attitude unilatérale de la Pharmacie centrale. Si l’administration nie avoir des impayés avec la PCT, Madame Ghlila, pharmacienne responsable, précise  que les factures de 2012 et 2013 ont été payées mais pas celles de 2010 et de 2011. Les montants des dus s’élèveraient à 1 million de dinars. « Cette situation n’est pas nouvelle. On a toujours eu des rappels pour paiement de la part de la PCT. Ce qui est nouveau, c’est que c’est la première fois qu’on cesse de nous approvisionner en médicaments sans crier gare.  Avant, on trouvait une solution, on va voir l’administration de l’hôpital, on paye ce qu’on peut, et on avance ainsi jusqu’à payer la totalité des dus.  Cette fois-ci, sans nous prévenir, on ne nous fournit pas des médicaments ou alors très, très peu.  Je commande 600 flacons d’un produit nécessaire pour réaliser les scanners, on ne  m’envoie que  60 ! Même, les bons de commande sont rectifiés : on se permet de barrer la quantité de produits demandés et de la remplacer par celle de leur choix. On écrit 600, ils barrent et mettent 100 et nous livrent 60 !

Cette attitude unilatérale de la part de la PCT est inacceptable : ils auraient dû me prévenir, j’aurais changé la commande selon les besoins en médicaments les plus urgents et les plus consommés à l’hôpital.  L’hôpital n’aurait pas vécu la crise du Bricanyl. Nous avons été obligés de nous débrouiller en  empruntant ailleurs ce produit. Nous ne pouvons mettre en danger la vie des gens sous prétexte que nous avons des impayés. Le médicament n’est pas une marchandise comme une autre. Il y a un 3 e intervenant entre la PCT et l’hôpital, c’est le malade ».

Interrogée sur les éventuels stocks que constitueraient les  pharmacies des différents hôpitaux, Madame Ghlila répond, qu’elle n’a ni  les moyens ni le local pour en avoir.  Sur un budget de 2 Millions de dinars par an, son stock  est de 85 000 Dinars. Ce qui est minime, nous précise-t-elle.

Le dénouement de la crise  s’est fait grâce à l’intervention prompte du ministère de la Santé.  Une réunion d’urgence a eu lieu entre les différentes parties et le ministère. Finalement les hôpitaux ont reçu les médicaments nécessaires. Mais  pour combien de temps encore ? 

 

Samira Rekik

 

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