Plaisirs à foison

Par Alix Martin

Béni Métir en Khroumirie, à quelques kilomètres d’Aïn Draham, tout le monde en a entendu parler, ne serait-ce que pour son grand barrage : le premier fini après l’Indépendance ! Mais parmi tout ceux qui ont traversé le village, combien de gens en ont vu autre chose que les façades des maisons et les contreforts du barrage ? Voulez-vous venir vous promener à Béni Métir pour quatre saisons de plaisir ?

Le village

Le village a été construit dans les années 1950, à l’origine, pour loger les cadres et les ouvriers qui construisaient le barrage. Vous serez surpris en arrivant à Béni Métir par la petite route venant d’Aïn Draham. Une courte montée mène à une « porte monumentale » ouvrant sur la « place » du village entourée par les arcades des bâtiments « administratifs ». Tous les toits sont couverts de tuiles rouges. Toutes les fenêtres sont dotées de « contrevent » pleins, renforcés par des planches placées en « Z » à l’intérieur. On arrive dans un village des Alpes ! Au sommet de la butte, à gauche de la place, entre les arbres couvrant la colline que les bâtisseurs avaient conservés, se dresse la belle villa du « Directeur ». Tout le long de la pente du Jebel El Bouaa, culminant à 600 mètres, vers la droite, au-dessus des arbres, à travers lesquels pointe le clocher de l’ancienne église, des maisons aux toits de tuiles ont été bâties le long de petites rues qui serpentent pratiquement jusqu’à la route venant de Fernana et rejoignant celle d’Aïn Draham près du barrage.

Le barrage

Majestueux, il étend à travers la vallée de l’Oued Ellil, étroite, rocheuse et verdoyante, son mur de 500 mètres de long sur 70 mètres de haut. Si les « ailes », droite, en béton, gauche, en enrochements sont « classiques », les 12 contreforts indépendants, au centre, forment, à l’arrière, une série de « crêtes ».

Vers le nord, s’étale un immense lac de retenue de 20 millions m3 en moyenne, empoissonné de carpes, de sandres, de rotengles et abritant peut-être quelques énormes silures. Deux grandes tours en émergent : l’une permet d’évacuer l’eau des crues par une galerie souterraine, l’autre sert à recevoir l’eau de la retenue. Celle-ci gagne ensuite une conduite forcée et actionne, au bout de 150 mètres de chute dans la vallée, une turbine électrique agissant sur un alternateur produisant du courant électrique à haute tension.

Au sortir de la centrale électrique, l’eau est conduite à une grande station de traitement dont elle sort buvable et capable, parce que très peu salée (0,5 g/l), de « couper » les eaux approvisionnant Tunis.

Les loisirs

Quoi faire à Béni Métir ? Déjà se reposer, jouir en toute quiétude, du silence et de l’air frais. Même en plein été, il faut tirer, sur soi, au moins un drap, sinon une légère couverture, la nuit ! Une petite source thermale, toute proche du village, pourrait connaître une exploitation « intelligente », locale, la mettant à l’abri du « bétonnage ». Tout autour du village, la forêt tapisse les pentes. À quelques kilomètres au nord, s’étend la forêt de Oued Zéen, la plus grande forêt de chênes zéens d’Afrique du Nord ! Vers les crêtes, en suivant la route passant par le « Col des vents », on arrive à une des rarissimes tourbières de Tunisie : celle de Dar Fatma. De là, les marcheurs aguerris pourront rejoindre, au sud-est de Tabarka, le poste forestier de Majen Roumi d’où partent de belles pistes forestières invitant à la randonnée, un jour équestre, peut-être.

Ainsi donc, Béni Métir est le point de départ de très nombreuses, belles randonnées, ni trop faciles, ni trop difficiles. Elles sont agréables même en été quand on chemine à l’ombre des chênes dont les frondaisons murmurent sous la caresse de brises fraîches. Ça et là, un ruisselet « gazouille » entre les hautes crosses des fougères géantes « aigles », les plus anciennes plantes du monde ! Une flèche turquoise raye la pénombre, au ras de l’eau : un « martin pêcheur » qu’on dérange !

Dans cette lumière tamisée, teintée de vert, dans le parfum des mousses et des feuillages humides, retentissent brusquement les cris du geais des chênes : la sentinelle de la forêt alors qu’on se laissait bercer par le roucoulement des pigeons ramiers et le tambourinement des pics de levaillant au plumage vert clair. Les papillons « Flambés », aux grandes ailes beiges rayées de brun, butinent les fleurs de cistes et de myrtes.

Et puis, les magnifiques plages, tous les plaisirs de la mer, la découverte de la Galite, le golf à 18 trous de Tabarka et la station thermale de Hammam Bourguiba ne sont qu’à une vingtaine de kilomètres de bonnes routes goudronnées.

Mais tout autour de Béni Métir, les amateurs d’histoire peuvent partir à la découverte de tombeaux berbères : Haouanet. Ceux de Kef El Blida ornés de peintures pariétales sont uniques au monde, ceux de Zouaïnia sont creusés sur quatre étages dans une falaise de grès, par exemple. Ceux qui emprunteront la route menant de Aïn Snoussi à Tabarka, seront surpris de découvrir l’énorme « menhir » : la r’cheda touila au lieu-dit : « les trois marabouts ». Mais nous en avons déjà parlé quand nous avons évoqué « Un circuit Khroumir ».

A Béni Métir même, on peut loger dans la belle et confortable « maison des jeunes ». Les chambres « individuelles » ou en double, sont dotées, chacune, de toilette et d’un « sanitaire ». Il faudrait que les « chambres chez l’habitant » se multiplient. Nous donnons rendez-vous dès la fin de l’été, à tous ceux qui aiment les champignons délicieux : les cèpes et bolets, les oronges : l’amanite des césars, le lactaire délicieux et la girolle. Au soir d’une journée de marche, une omelette de champignons, assis devant un feu de cheminée, est un grand moment de plaisir.

On écoutera avec recueillement, le brame du cerf de Berbèrie, le seigneur endémique de la forêt Khroumir, rassemblant ses biches dès la fin de l’été. Un peu plus tard dans la saison, on recherchera la bécasse : la dame des bois mordorée ou les passages de centaines de pigeons ramiers.

En hiver, les chasseurs de sangliers s’en donneront à cœur joie alors que les « carpistes », en été comme en hiver, beaucoup plus discrets, tendront leurs lignes. Une grosse carpe farcie est un met délicieux.

En août, la cueillette des mûres de ronces tâche les doigts et les lèvres. Elle annonce des confitures savoureuses. En décembre, les arbouses écarlates, dont les sangliers se régalent, ponctuent le feuillage vert cru des buissons. Elles aussi donnent des confitures délicieuses. En automne, les innombrables clochettes roses des bruyères « multiflora » tapissent les pentes alors que les fleurettes blanches des bruyères arborescentes s’épanouissent au printemps avec les cyclamens, les mourons bleu-roi et les magnifiques orchidées : les limodores violets au cœur jaune. Au printemps, encore les « mycophiles » passionnés pourront chercher des morilles et essayer de découvrir, en hiver, des truffes brunes : il devrait y en avoir. Des plaisirs toute l’année !

Voilà pourquoi joyeux, bruyants, un groupe de gens a « embarqué » vers Béni Métir, récemment, alors que les foules s’entassent sur les plages. Un beau feu de camps pour célébrer « païennement » le solstice d’été : le « jour le plus long » et la nuit très courte durant laquelle on voit des étoiles énormes : Antarès et celles du « Grand chien » qui sont dans l’hémisphère sud. Ajouter à cela des grillades, des brochettes, un thé rouge au coin du feu, un petit déjeuner aux « produits du terroir » : beurre, miel, lait, confitures : pastèque – romarin, melon ! Un bon déjeuner dans un établissement sympathique, une longue promenade dans Bulla Régia et une baignade à Tabarka, ne pensez-vous pas qu’un week-end pareil puisse concurrencer, grâce à son « circuit Khroumir » du samedi, une journée de plage dans la chaleur de l’été ?

A.M.

 

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