Plaisirs et découverte d’une région oubliée

  

 

L'un des points de débat les plus abordés lorsque l’on évoque la situation du tourisme en Tunisie est le « problème » du tourisme de masse. Comment le résoudre, comment valoriser la « destination Tunisie ».

L’association « Les amis du Kef » tentent ainsi un pari intéressant : rappeler aux Tunisiens que le Kef n’est pas seulement une région agricole de premier plan, c’est aussi une ville aux particularismes attrayants.

 

La route du Kef

Tout d’abord le Kef c’est un périple, un chemin… une fois quitté l’autoroute pour la P5, il vous faut surtout profiter du paysage à couper, littéralement le souffle. C’est un flot ininterrompu de plaines, de collines, de vallons. Un petit détail qui fait la différence : pour la première fois de ma vie et sur des dizaines de kilomètres, précisément dès avoir quitté l’A3, nous avons été accompagné tout au long du trajet par le chant des oiseaux.

Prenez le temps de vous arrêter quelques minutes pour une pause à Testour afin de visiter la majestueuse et iconoclaste grande mosquée. Après avoir repris le trajet, n’hésitez par à vous arrêter de temps en temps pour profiter, vraiment, du paysage.

 

 

Le Kef, entre beauté et urbanisation galopante

Une fois arrivé au Kef, ce qui vous interpellera sera certainement ce touchant décalage entre la ville « moderne » et la médina.

Quitte à sombrer dans l’imagerie convenue : l’air est respirable et l’on se rend compte, une fois sortis du grand Tunis, que la pollution semble nous être devenue quelque chose de normal.

Mais ce qui nous intéresse c’est surtout la ville ancienne : la médina située tout en haut. Entre la base de la ville nouvelle et la ville ancienne, comptez 20 minutes à pied à l’aide d’un escalier en pente plutôt raide.

Mais cette marche vaut le détour puisqu’elle vous permet de traverser les maisons construites à flanc de colline. Ces habitations assurent la transition parfaite entre les deux aspects du Kef : modernité et tradition.

(Re)valoriser le tourisme culturel

Il faut tout d’abord rendre hommage à l’association « Les Amis du Kef » pour cette initiative, la première du genre intitulée « Le Kef chante la Tunisie ». Avec la volonté affichée de braquer les projecteurs sur la ville et son patrimoine.

Du 09 au 11 mai, la région du nord-ouest tunisien était donc à l’honneur. En discutant avec Leila Boulifa, présidente de l’Association, je fus agréablement surpris par son amour de la région et sa passion communicative, son enthousiasme souriant.

La journée du 9 commença par une représentation assurée musicalement par la troupe « Snadid » de Dahmani.

Puis, ce fut au tour du musée des arts et traditions avec, en son sein, une surprise de taille et agréable : une tente berbère traditionnelle. Première journée agréable, avec des volontaires tâchant de faire de leur mieux dans un brouhaha désorganisé réjouissant.

Arrive le deuxième jour, samedi 10 mai avec au déjeuner le fameux plat keffois, et de Béja aussi, le Bourzguène » : un couscous à l’agneau préparé avec du lait et des fruits secs. Ce couscous sucré/salé vaut vraiment le détour. La soirée s’ouvre à 19 heures avec une soirée DJ, payante cette fois…

 

Quelques ratés…

La soirée était payante à 10 dinars, une somme qui peut paraitre dérisoire mais qui créa un petit sentiment de malaise. En effet, beaucoup de jeunes keffois (garçons et filles) se retrouvaient ainsi au pied du fort où était organisée la soirée sans pouvoir y entrer. Il aurait peut-être mieux valu organiser un spectacle gratuit puisque l’idée de départ était d’amener les Tunisiens des autres régions à découvrir le Kef, et qui dit Kef dit Keffois… Il ne faudrait pas que le tourisme culturel, qui demeure malgré tout accessible qu’à partir de la classe moyenne, devienne un tourisme élitiste, rejetant les habitants des régions visitées.

Nous terminons notre soirée par un café et une chicha au Casa Glob au milieu des arbres dans un cadre magnifique et un service, sourire aux lèvres, qui se fait de plus en plus rare à Tunis.

Le lendemain, nous nous levons tôt pour remontrer vers la kasbah, nous tombons d’ailleurs nez à nez avec des graffitis de l’artiste « El Seed ».

Si Rais El Ain nous démoralise, à cause de la saleté et de l’odeur nauséabonde qui se dégage de ce site touristique (sic !), nous sommes littéralement transportés par cette visite hors du temps au sein du « Temple des eaux » et des « citernes romaines ».

Nous arrivons au sommet du Kef et visitons le fort seuls, sans bruit et sans foule : l’enchantement est total. Nous apprenons grâce à l’un des gardiens que le gouverneur, du temps de l’occupation romaine, utilisait les bassins pour y placer deux crocodiles. Dépaysement assuré avec cette vue sur le Kef et ses vallées verdoyantes.

Avant de partir, le cœur léger et des images plein la tête, nous faisons une halte au café situé à côté de Sidi Bou Makhlouf dans la magnifique médina. Le temps d’un café turc et d’assister à quelques performances en plein air du groupe keffois « Ta5mira » et il est déjà l’heure de plier bagages.

 

Du bonheur, mais des choses à améliorer

Encore une fois, le Kef vaut vraiment le voyage. Un voyage des sens, une ivresse visuelle et une purification auditive. Toutefois, la municipalité devrait sans doute faire en sorte que certains sites historiques et certaines ruelles menant à la médina ne soient pas couverts d’ordures et d’odeurs stagnantes.

Les associations comme « Les amis du Kef » peuvent apporter beaucoup, mais, elles ne peuvent pas tout faire. Sinon, pour répondre à votre question, légitime, oui faites le voyage jusqu’au Kef, vous ne le regretterez pas.

Farouk Bahri

 

 

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