Plaisirs rustiques

Quand les ardeurs du soleil estival ont brûlé les baigneurs et la nature qui a revêtu sa teinte ocre et que les premières pluies automnales font rêver à des moissons opulentes, on peut avoir envie d’un bain de verdure. Zaghouan toute proche, les Mogods voisines, la Khroumirie chevelue ? Préférons le pays des pins, le cœur historique du pays : le Haut Tell. Le long de la « Voie royale » : la nationale N° 5, à mi-chemin entre Le Kef et Sakiet Sidi Youssef, la réserve nationale du Jebel Saaddine accueille les curieux.

 

Se promener

Discrète, presque oubliée, avec sa clôture délabrée, la Réserve de Saaddine est parfois « gardée ». Le « gardien » téléphone au C.R.D.A. – trouver un fonctionnaire réveillé un dimanche matin tôt ! – et tout s’arrange.

Madame Emna Charfi a fait ici un travail remarquable en 2006 ! D’abord l’aménagement original et intéressant de l’écomusée. Une trace au sol indique aux visiteurs le sens de la visite dans le cadre des thèmes : « contraste et gigantisme ». Contrastes entre les coups de sirocco brûlant et les tempêtes de neige hivernales, entre les riches moissons du Tell : le pays du blé et les pentes arides, incultes, râpées par l’érosion, entre les crêtes rocheuses dénudées du Jebel Slata voisin et les forêts touffues environnantes !

Le gigantisme est incarné par la Table de Jugurtha, érigée à l’arrière plan et par l’immensité d’un ciel d’une nuit d’été, peint au plafond de l’écomusée. Gigantisme encore du plus grand de nos prédateurs : la hyène rayée endémique et petitesse du plus petit mammifère : la musaraigne étrusque pesant 2 ou 3 grammes !

Les visiteurs sont invités à voir, à sentir, à se situer, d’abord dans l’écomusée puis dans le Grand Tell tunisien, ensuite dans la réserve. Ils sont invités à « monter » au sommet des collines pour mieux voir le paysage, pour comprendre la géologie de la région et de la réserve, pour saisir les problèmes liés à l’érosion puis prendre conscience du microclimat local et original. Ils vont faire connaissance de la faune et de sa capacité d’adaptation puis rencontrer les oiseaux de Saaddine dont la « Rubiette » de Moussier est le « totem ».

En comprenant le fonctionnement des écosystèmes, ils verront les interactions faune-flore-sol-climat. Ils rencontreront l’arbre roi : le pin d’Alep, humeront les parfums des plantes aromatiques : le thym, le romarin, l’armoise et apprendront leurs différents usages.

En fin de visite, le visiteur découvrira un volet peu connu : la très riche préhistoire locale illustrée par le site paléolithique de Sidi Zin – le plus important de Tunisie, abandonné à la destruction de l’érosion ! – les peintures rupestres des grottes de Sidi Mansour dans le Jebel Dyr et les « ramadiya » : amoncellement de déchets de cuisine, de cendre et d’éclats de silex qui parsèment la région.

Dès le retour au grand air, on est tenté par les circuits aménagés dans la réserve. Le premier, d’un kilomètre de long environ, convient parfaitement aux enfants et aux personnes âgées. Il permet de découvrir entre autres plantes : le « pin d’Alep, le genévrier de Phénicie, le lentisque, le thuya, le romarin et une espèce végétale caractéristique de la réserve : l’Echium suffriticosum.

Le deuxième mesure 3 kilomètres de long environ. Il arrive jusqu’à l’Oued El K’hol, pratiquement permanent, dont les rives forment un biotope particulier. Chemin faisant, on peut observer de nombreux passereaux dont le Rouge-queue de Moussier, endémique d’Afrique du Nord et le très discret bec-croisé des sapins, sans pareil pour récupérer les zgougou au cœur des pignes !

Le troisième circuit a 5 kilomètres de long. Il longe et traverse par endroits l’Oued El K’hol. En faisant un grand tour dans la Réserve, on tente de rencontrer la plupart des représentants de la faune et de la flore : beaucoup d’animaux viennent boire au bord de l’oued.

En sortant de la réserve, Le Kef, capitale de la Numidie et ville musée, offre toute une gamme d’établissements : hôtels, appart-hôtel et maisons d’hôtes très confortables, à même de satisfaire des attentes variées.

 

La réserve

Cette réserve naturelle de 2610 hectares a été mise en défens en 1998 et clôturée dans les années 2000. Qu’en reste-t-il ?

Située dans le Haut Tell, limitée à l’ouest par les méandres de l’Oued Mellèg, elle se présente comme une zone de trois collines boisées ou couvertes de maquis : le Jebel Tarabia (558 mètres), le Jebel Gassaa (608 mètres) et le Jebel Saaddine (601 mètres). Elle est traversée d’est en Ouest par l’Oued El K’hol.

Les collines, orientées sud-ouest / nord-est, sont perpendiculaires aux vents froids et humides. Elles créent donc deux bioclimats différents : une zone nord avec une pluviométrie moyenne annuelle de 450 millimètres et une partie sud qui ne reçoit que 350 millimètres de pluie par an.

De ce fait, du nord au sud, apparaît d’abord un haut maquis planté de pins d’Alep associé au genévriers de Phénicie, à l’olivier sauvage et même aux rares pistachiers qui protègent un sous-bois parfumé de thym, de romarin, de bruyères et même de très belles orchidées.

A partir de la ligne de crête du Jebel Gassaa, point culminant au centre de la réserve, le microclimat de plus en plus chaud et sec engendre un bas maquis méditerranéen constitué principalement d’oliviers sauvages, de lentisques, de « genets » aux fleurs d’or, de cistes, d’euphorbes et de clématites grimpantes : le maquis à olivier sauvage.

Dans le sud de la réserve, le maquis dégradé laisse croître les espèces résistantes à la sécheresse et annonciatrices de la steppe telles que l’alfa et le jujubier.

Les rives des oueds sont colonisées par une végétation particulière : les tamaris, les lauriers roses, les joncs et les phragmites.

On ne quittera pas la réserve sans essayer d’apercevoir quelques grands mammifères : renard, chacal, mangouste ou genette. La hyène rayée, le sanglier, le chat sauvage ou le porc-épic sont trop discrets et ne sortent qu’au crépuscule. Par contre l’aigle royal, l’aigle botté, les milans, le vautour percnoptère nichant dans les falaises qui dominent le Mellèg planent souvent dans l’azur.

Il a été question d’introduire dans la réserve des mouflons à manchette sahariens et des gazelles de Cuvier. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

Suggestions

On pourrait facilement, pratiquement sans bourse délier, transformer cette réserve en paradis. Tout le monde connaît la loi naturelle : « Point de proies, point de prédateurs » !

En collectant chez les bouchers des villes et villages voisins, leurs déchets qu’on viendrait épandre à différents endroits de la réserve : tous les prédateurs, mammifères ou ailés, en profiteraient, en particulier la hyène rayée endémique d’Afrique du Nord qui tend à disparaître faute de proies et le grand vautour fauve qui s’est réfugié récemment dans l’est algérien. Qu’est ce que cela coûterait ? Et c’est ainsi que le parc des Cévennes a été restauré en France. De plus, en réintroduisant la pintade (Meleagris Numida) numide et le lapin qui survit à Zembra, on pourrait envisager de se faire offrir par un pays africain où il sont encore nombreux, quelques couples d’un magnifique félin : le caracal qui a disparu vers 1930. Le biotope de la réserve lui conviendrait parfaitement et il y trouverait de nombreuses proies. Qu’est-ce que cela coûterait ? Même pas le prix d’une « Mercedes » ministérielle !

A notre avis, en mêlant à une promenade dans la réserve du Jebel Saaddine, une escalade de la Table de Jugurtha et une visite du Kef, on arrivera facilement à occuper agréablement un week-end, n’est-ce pas ?

Par Alix Martin

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