Plan de développement 2026-2030 : L’approche ascendante mise à l’épreuve

Your browser does not support the audio element.

Le nouveau Plan de développement pour le quinquennat 2026-2030 a fait l’objet d’un examen spécifique par le gouvernement. Ce dernier a fait savoir que l’approche de planification dans son ensemble va désormais changer « radicalement », en prônant une approche plutôt ascendante et décentralisée, conformément aux principes constitutionnels et de la démocratie locale.  

Par Bechir Ben Mohamed

 L’approche « innovante » de planification, aux dires des autorités publiques, est à vrai dire, en ligne avec la vision politique du président de la République qui incarne la primauté aux bases locales et la participation citoyenne à la prise de décision, mais qui, en même temps, laisse s’interroger sur les conditions de mise en œuvre et de succès d’un tel système de prise de décision.

Le trait caractéristique de la nouvelle approche
« Le Plan de développement 2026- 2030 se base sur une nouvelle méthodologie qui repose sur une planification ascendante dans le cadre de l’unité de l’État. La conception du Plan se fera, dans ce cadre, à l’échelle locale, régionale et nationale », indique le communiqué de presse de la présidence du gouvernement à la suite du Conseil ministériel dédié au Plan.
La spécificité du nouveau plan de développement est qu’il s’amorce et se définit, tout d’abord, à l’échelle des régions et districts, puis il remonte à l’échelle centrale. Cette logique ascendante fait comprendre que l’orientation de développement est désormais arrêtée par la base qui la dicte au sommet.
Dans ce cadre, les collectivités publiques locales et le Conseil national des régions et des districts devraient concevoir les politiques et programmes de développement en fonction des priorités spatiales, de la faisabilité des projets d’investissement et de leur cohérence, ainsi que du nouveau découpage territorial.
Par ailleurs, le gouvernement a souligné la nécessité de mettre en place un système intégré de suivi et d’évaluation et d’assurer une mobilisation active des structures publiques concernées dans l’effort d’accompagnement technique des institutions locales en charge, tout au long du processus d’élaboration du Plan de développement. Ce qui va nécessiter la formation des élus et fonctionnaires des Conseils locaux, régionaux et des districts, afin de contrer les obstacles éventuels et de maîtriser tout le processus de planification et d’élaboration des projets de développement.
En l’occurrence, le nouveau Plan de développement doit objectiver « les principes de la Constitution relatifs à l’instauration d’un développement réel, global et équitable », a indiqué la Cheffe du gouvernement, Sarra Zenzri.
Certes, l’orientation d’inculquer une nouvelle organisation institutionnelle du Plan qui incarne mieux les réalités des populations et répond plus pertinemment aux besoins des citoyens a sa légitimité, mais elle semble ambitieuse.

Les facteurs clés de succès
La légitimité du renouvellement de l’approche de planification tient, entre autres, à l’insuffisance des plans régionaux, bien qu’auparavant les travaux de planification à l’échelle régionale
bien avant le plan national.
En effet, il n’y avait pas véritablement de plans régionaux mais plutôt des rapports régionaux centrés essentiellement sur des séries de projets de développement. Mais surtout, la planification régionale était largement influencée par les services déconcentrés de l’Etat et les structures responsables du développement régional relevant du ministère chargé du Plan. En effet, les chefs des services régionaux, relevant des administrations civiles de l’Etat ainsi que des personnes qualifiées désignées par le gouverneur, assistent aux réunions du Conseil régional et prennent part aux votes lors de ses sessions et réunions. Cette présence est de nature à imprimer à la démarche de planification un caractère déconcentré.
La planification décentralisée n’existait donc pas en tant que telle en Tunisie. Il n’y avait véritablement qu’un plan national, qui s’efforce de promouvoir un développement équilibré du territoire tunisien en associant les autorités locales à son élaboration.  L’orientation vers une responsabilisation accrue des régions dans
de leur développement est conditionnée par un nombre de principes.
Premièrement, la planification décentralisée se doit d’être articulée autour d’une vision nationale. Autrement, la planification ascendante ne signifie pas une liberté totale de choix sans balise. Tant s’en faut, les orientations stratégiques de développement doivent, de prime abord, commencer par la définition d’une stratégie nationale de développement, dans laquelle est définie la stratégie nationale de développement régional. Cette dernière est ensuite déclinée en stratégies de développement des districts, lesquelles encadrent les stratégies de développement local. Ainsi, le principe essentiel consiste en la stratification de la stratégie de développement incarné par des Plans de développement conçus à différents échelons.
Deuxièmement, la planification décentralisée devrait être structurée autour des contrats Etat -régions. Encore, l’approche ascendante ne traduit pas une autonomie totale des collectivités locales. Tout simplement, parce que l’appui de l’Etat est incontournable. La rénovation de la planification et la réforme de la gestion publique appellent la contractualisation des rapports entre l’administration centrale et les administrations locales.
L’instauration de la contractualisation entre l’Etat et les régions s’avère aujourd’hui une nécessité impérieuse pour donner de l’essor au développement régional. La contractualisation rend l’exécution des programmes régionaux plus active et plus responsable et dote les régions des moyens indispensables pour la gestion de leurs affaires. Elle renforce le processus de décentralisation et consolide l’articulation entre le plan national et les plans régionaux en assurant la cohérence entre les politiques publiques, les objectifs nationaux et ceux des collectivités locales. La contractualisation Etat/régions est, par ailleurs, une approche d’organisation de développement qui favorise l’enracinement de la démarche de performance définie par un nouveau partage des responsabilités, l’autonomie et la flexibilité du processus de gestion. Les contrats de plan définissent les actions que les deux parties s’engagent à mener conjointement pendant une période définie dans le temps et exigent un engagement financier ferme de la part de l’Etat.
Troisièmement, la planification décentralisée appelle une bonne gouvernance interne. D’une part, les rôles et les responsabilités entre le Conseil national des régions et des districts en tant que pouvoir législatif et les Conseils régionaux et locaux, en tant que pouvoirs exécutifs devraient être bien définis. Les rôles et les responsabilités entre les Conseils locaux et régionaux eux-mêmes devraient être également précisés dans le processus de planification. L’objectif étant d’éluder les conflits potentiels et les interférences pouvant surgir lors des phases de fixation des priorités de développement et d’arbitrage sur les projets d’investissement.
Par ailleurs, la gouvernance requiert le renforcement des capacités des collectivités dans l’organisation technique des travaux de préparation du plan. A cette fin, il importe de renforcer les compétences humaines et les moyens techniques et financiers pour mener à bien le travail de programmation et d’analyse à l’échelle
régionale.La décentralisation de la planification dans une logique ascendante n’est pas un exercice aussi facile qu’on le pense. C’est un processus de longue haleine qui est régi par des principes et des conditions précises à même de garantir un développement harmonieux et équilibré des régions et du pays en même temps.
Faut-il ainsi bien interroger les dynamiques institutionnelles pour que la planification ascendante ait le bon sens ?

Related posts

Tunisair enregistre une légère hausse de son chiffre d’affaires au 1er trimestre 2025

Registre National des Entreprises : Lancement imminent du système « RNE Corporate »

La Tunisie renforce son partenariat stratégique avec la BEI