Le conseil d’analyses économiques vient d’adopter et de publier lors de sa 5e réunion, le plan de relance 2019-2020. Il s’agit d’un programme ambitieux avec la préconisation de 100 mesures à prendre, relevant de la sphère législative et réglementaire, à la fois économique, financière et monétaire, mais réalisable à court et à moyen termes, d’autant plus que les résultats sont attendus à l’horizon 2025.
La pertinence de ce plan trouve son origine dans la composition de ce conseil qui regroupe des compétences de haut niveau ayant fait leurs preuves aussi bien dans l’administration publique (grands commis de l’Etat) que dans les secteurs privé, national et international.
Le diagnostic est basé sur des constats objectifs graves comme le bas niveau de l’investissement et le phénomène de la désindustrialisation du pays.
En effet, il s’agit de risques majeurs irréversibles : la désindustrialisation commence à démanteler le tissu industriel et entrepreneurial manufacturier, textile-habillement, chaussures, équipementiers-auto et hôteliers, alors que l’effondrement de la cotation du dinar décourage l’investissement et l’épargne.
Il est très urgent et indispensable que le gouvernement fasse preuve d’une forte volonté de réforme et reprenne en main la stabilité du dinar et la restauration de la confiance chez les investisseurs étrangers et tunisiens.
Il faut dire que les objectifs portent sur une double dimension : d’abord celle de l’accélération du taux de la croissance économique, avec un corollaire de création intensive de l’emploi des jeunes diplômés du supérieur.
Ensuite celle consistant à favoriser l’inclusion sociale et régionale, une facette qualitative du développement souvent occultée, combien sensible et tellement revendiquée lors des protestations populaires.
Le volet fiscal est lourd de conséquences néfastes sur le climat des affaires. C’est pourquoi le CAE préconise un moratoire fiscal pour répondre aux attentes et aux revendications des entreprises et déjà, la loi de Finances 2019 en a tenu compte par de nouveaux impôts, mais aussi l’orientation vers un impôt unifié sur les entreprises onshore et offshore, soit 13,5% en 2020.
Les hôteliers bénéficieront d’un dégrèvement fiscal, outre une bonification du taux d’intérêt de 2% sur les crédits bancaires à accorder aux PME.
Les mesures transversales portent sur l’efficacité de l’Administration par la mise au point de services en ligne : la digitalisation, mais aussi la révision du code de l’investissement, le renforcement des services du médiateur national des crédits bancaires.
La création d’une maison de l’entrepreneuriat dans chaque gouvernorat permettra de faciliter la vie aux promoteurs d’entreprises avec le développement du micro-crédit, un puissant vecteur de promotion des TPME dont le plafond de l’investissement devrait passer de 20.000 D à 100.000 D pour le montant de l’investissement.
Les mesures sectorielles sont nombreuses : poursuivre et renforcer la relance du tourisme, réactiver et pérenniser la reprise des phosphates, mettre à exécution les 21 mesures prises pour le sauvetage du secteur textile-habillement (juin 2017), accélérer la réalisation des projets de PPP.
Où sont les pactes de compétitivité à négocier et à signer avec certains secteurs à potentiel élevé d’investissement, emploi et exportation ?
Le CAE a constaté également que certains grands projets n’avancent pas rapidement. C’est pourquoi il recommande la mise en place d’une structure chargée du suivi et de l’accélération de la réalisation de ces projets, placée auprès du Chef du gouvernement.
Deux conditions majeures sont nécessaires pour garantir la réussite de ce plan : la gouvernance et la communication.
La bonne gouvernance au niveau de l’Etat implique une gestion rigoureuse des institutions et entreprises publiques, une clarté et une transparence de l’Administration : les affaires de l’Etat doivent être gérées comme s’il s’agissait d’une entreprise.
Tandis que la communication sur la politique et les actions du gouvernement doit être régulière, puissante et fluide.
Ce qui n’a pas été dit à propos de la mise en application et de la réussite de ce plan de relance, mais pourrait être considéré comme sous-entendu, c’est la stabilité politique au niveau du gouvernement Youssef Chahed, même si les ministres “sous-productifs” doivent être remplacés.
Mais aussi, l’accalmie des tensions sociales grâce à un dialogue national appuyé par un comité d’experts qui décident du consensus à adopter pour les réformes urgentes et les actions prioritaires.
Rappelons que le CAE est présidé par Afif Chelbi, ancien ministre de l’Industrie et de l’énergie et que Sami Zaoui, membre du Conseil, a donné récemment des éclaircissements sur le plan de relance au micro d’une radio privée.