Plan d’urgence pour un éventuel afflux massif d’immigrés libyens

Une politique migratoire s’impose. La Libye est le théâtre depuis la mi-juillet 2014 de combats meurtriers entre diverses milices à Tripoli, la capitale par ailleurs menacée par un immense incendie provoqué par les violences, et à Benghazi, ville de l’est dont la principale base militaire est tombée aux mains de groupes djihadistes. En conséquence de cette guerre civile qui s’annonce et en prévision d’un éventuel afflux massif de réfugiés de Libye dans les mois à venir, un plan d’urgence, a été élaboré, mardi 19 août, à Tataouine (ville du sud-est tunisien frontalière de la Libye), lors d’une réunion entre des représentants d’organisations internationales spécialisées (dont l’UNHCR : l’agence des Nations unies pour les réfugiés), de l’administration régionale et de la société civile. Les participants ont identifié les moyens humains et matériels disponibles et passé en revue les lacunes à éviter de 2011.

Selon le premier délégué à Tataouine, Mohamed Chamsa, quatre commissions chargées de la protection des réfugiés, l’aménagement de centres d’accueil et la fourniture de vivres et de soins médicaux devront démarrer sur terrain à partir de mercredi 20 août. La Tunisie à elle seule ne pourra pas accueillir en masse des Libyens fuyant les combats. Il est fort plausible que la Tunisie ferme ses frontières si le flux des réfugiés devait s’accentuer. D’ailleurs, Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères s’est exprimé auparavant pour clarifier la position tunisienne. « Nous fermerons, les frontières si l’intérêt national l’exige » a-t-il insisté.

Le ministre n’a pas fourni en revanche de données précises sur le nombre de personnes ayant fui la Libye via la frontière tunisienne, évoquant une moyenne quotidienne de 5.000 à 6.000 personnes ces derniers jours. Il a néanmoins indiqué avoir demandé à l’ONU d’être présente en force pour faire face au flux de réfugiés. Concernant les travailleurs égyptiens et jordaniens fuyant la Libye, M. Hamdi a souligné que ceux-ci pouvaient seulement transiter par la Tunisie.

De son côté, l’ONU a averti contre la détérioration de la situation  sécuritaire en Libye, ce qui pourrait aggraver la situation humanitaire dans le pays et fragiliser davantage le tissu social de la Tunisie. Selon un communiqué de l’ONU, paru le 18 août 2014 et dont les informations proviennent des données de terrain du Croissant-Rouge et de la Croix-Rouge,  en cas  de poursuite des affrontements en Libye 2,2 millions de personnes seraient exposées au danger de pénurie de denrées alimentaires.

Sur un registre tunisien, cette bulle migratoire a pris de court l’État mal préparé en effet en matière de gestion des flux migratoires. Depuis 2011, la communauté immigrée dans le pays est passée d’à peine 100 000 membres (entrepreneurs européens, mariages mixtes avec européens et maghrébins, étudiants africains…) à 7 fois plus avec l’arrivée des Libyens à qui la Tunisie n’impose aucun visa (contrairement au Maroc et à l’Algérie). L’absence d’une politique migratoire cohérente et d’un statut clair du migrant libyen crée la confusion même au plus haut sommet de l’État. Ainsi, en vertu de quel fondement, le ministre des Affaires étrangères annonce officiellement qu’ 1,1 million de  Libyens ont obtenu résidence  en Tunisie alors qu’en réalité à peine 50 000 (installés depuis longtemps) disposent d’un titre de séjour, paient donc des taxes et bénéficient de la plénitude de leurs droits ?

Cette absence de l’État comme acteur de régulation ne cesse de susciter l’exaspération de certains citoyens. En témoigne une habitante de la cité Ennasr où réside une importante communauté libyenne : «Depuis qu’ils sont arrivés, tous les prix et loyers ont flambé. Ils sont partout. Ils nous snobent avec leur argent et leurs déboires». Ce point de vue est très partagé par nombre de nos concitoyens et heureusement il ne fait pas unanimité ; car notre pays demeure vaille que vaille terre d’accueil.

Mohamed Ali Elhaou

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