Notre pays a pris beaucoup de retard en matière d’énergies renouvelables, ce qui a engendré une situation dramatique, d’autant plus que les ressources énergétiques traditionnelles s’épuisent à vue d’œil.
En effet notre pays a atteint un taux de dépendance de l’ordre de 60% vis-à-vis des importations, alors que dans les années 2000, nous étions exportateurs nets en la matière !
Tandis que l’énergie solaire est presque gratuite et que la durée de l’ensoleillement dans notre pays atteint des records difficiles à battre.
Le débat organisé, récemment, par la CTFCI, et animé par Hela Cheikhrouhou, ministre de l’Energie, des mines et des énergies renouvelables, n’a pas manqué de révélations intéressantes.
Dans son discours introductif, Foued Lakhoua, président de la CTFCI, a exposé de façon précise la problématique actuelle du secteur de l’énergie.
Il a insisté sur la nécessité de prendre conscience de l’enjeu majeur de ce secteur stratégique à l’avenir, qui est celui de la préservation de la sécurité énergétique, laquelle implique des choix cruciaux à faire par les pouvoirs publics en ce qui concerne la stratégie de développement du secteur. « Nous risquons d’être confrontés à une pénurie d’énergie primaire vers 2020 », a poursuivi le président de la CTFCI.
Il a également évoqué l’urgence d’adopter une politique d’amélioration de l’efficacité énergétique.
L’Etat doit donner une véritable impulsion pour encourager les investisseurs privés à investir dans les énergies renouvelable et simplifier les procédures administratives, maintenant qu’il y a un cadre législatif et réglementaire propices.
Quelle stratégie pour le développement des énergies renouvelables
La ministre a annoncé dans son discours qu’il y a actuellement de bonnes conditions pour développer rapidement la réalisation de projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables par des investisseurs privés, ces projets seront de différentes dimensions, de quoi susciter l’intérêt des investisseurs tunisiens et étrangers quelle que soit la taille de leur projet et cela dans des sites variés.
La stratégie que le ministère a élaboré pour promouvoir les énergies vertes à l’horizon 2030 a été adoptée en novembre 2016 par un conseil ministériel. Ainsi, toutes les conditions sont réunies pour aller de l’avant en ce moment.
Nous avons déjà la loi de décembre 2015 qui a ouvert la voie à la libéralisation de l’exploitation des énergies renouvelables par des investisseurs privés, tunisiens et étrangers.
Il y a eu ensuite publication des décrets d’application qui ont apporté des précisions et des éclairages. De grands investisseurs comme Total et l’ENI ainsi que d’autres entreprises européennes spécialisées sont très intéressées pour réaliser des projets dans ce secteur porteur.
Il y a aussi une dizaine de développeurs tunisiens qui préparent depuis plusieurs années leurs projets, ils attendent l’ouverture du marché de façon concrète pour entamer la réalisation. Selon la ministre, les cahiers des charges seront publiés et les critères de sélection des entreprises seront crédibles et transparents pour éviter tout amalgame.
Les bailleurs de fonds internationaux comme la BAD et la BEI ont déclaré être tout à fait disposés à financer de grands projets dans ce domaine.

Atteindre 5000 mégawatts à l’horizon 2030 soit 30% de la totalité de l’énergie à consommer dans le pays.
Le plan solaire tunisien
Le parc total d’énergies renouvelables à implanter dans le pays est de 5000 mégawatts à l’horizon 2030 soit 30% de la totalité de l’énergie à consommer dans le pays.
Les pouvoirs publics ont commencé, en accord avec l’ETAP et la STEG par une capacité de 1000 mégawatts qui demandera deux ans au maximum pour être opérationnelle et une autre capacité de 1250 mégawatts à entamer en 2021.
Les principes généraux retenus par le ministère de l’Energie sont 1/3 pour l’éolien contre 2/3 pour le solaire. Pour donner l’exemple, le secteur public prendra en charge le 1/3 tandis que les 2/3 restants seront assurés par les investisseurs privés pour la première tranche de 1000 mégawatts. La répartition entre producteurs se fera selon la ministre ainsi : une capacité de 200 mégawatts sera réalisée par les gros auto-producteurs et une autre de même importance par des entreprises sous autorisation de l’Etat.
Alors qu’une capacité de 200 mégawatts sera accordée à des concessionnaires sur appels d’offres et avec souscription d’un cahier des charges. Cette capacité sera répartie entre 100 en solaire photovoltaïque et 100 en éolien.
La STEG, qui est appelée à être renforcée et soutenue par les pouvoirs publics, prendra en charge la réalisation de 100 mégawatts avec une station solaire à Tozeur.

Les principes généraux retenus par le ministère de l’Energie sont 1/3 pour l’éolien contre 2/3 pour le solaire
Un débat animé avec des problématiques multiples
Le débat suscité par la présentation faite par la ministre a été très animé, il a permis de soulever plusieurs problématiques rencontrées par les acteurs économiques appartenant au secteur de l’énergie sur le terrain.
Mathieu Langeron, Directeur général de Total-Tunisie a affirmé que les acteurs dans le secteur de l’énergie attendent de la part des pouvoirs publics des signaux forts et positifs pour investir encore plus dans les infrastructures de stockage. Investisseur pérenne, Total-Tunisie rencontre des difficultés pour investir dans la construction et l’équipement de stations-service, vu la complexité des formalités administratives, alors que les financements sont disponibles mais non utilisés, faute d’autorisations administratives.
Le commerce parallèle de carburants, introduits en contrebande dans le pays, engendre une baisse de 30% dans les ventes notamment à Sfax, dans le sud du pays et les zones frontalières, ce qui condamne à la fermeture plusieurs dizaines de stations.
Le constat fait par Total à l’international, c’est que la Tunisie est le pays où les marges bénéficiaires sont les plus faibles dans le monde en matière de distribution de carburant et où les compagnies pétrolières paient la fiscalité la plus élevée : 35% sur les bénéfices +7,5% comme taxe exceptionnelle, soit 42,5%. A propos des énergies vertes, Langeron pense qu’on peut faire mieux et plus rapidement. Olivier Astruc, acteur en matière d’énergies renouvelables au nom de Quadran, implanté dans le sud de la France a pour ambition d’atteindre 10% du secteur en France. Il a fait part à l’assistance de ses réflexions portant sur les contraintes rencontrées lors des appels à projets lancés par le ministère tunisien de l’Energie.
Il y a, selon l’orateur, un manque de lisibilité à propos de la réglementation avec des tiraillements pour les textes d’application et un manque de cohérence dans les critères. Astruc ne comprend pas qu’on ne peut pas lancer plusieurs projets dans chaque filière en même temps, si la compagnie a les moyens de gérer la situation. Il pense que la maîtrise du foncier est un handicap, car elle est nécessaire pour trouver les financements.
La disponibilité des raccordements à la STEG et aux installations privées pose également un autre problème à résoudre.
L’ambition de Quadran consiste à atteindre un objectif de capacité de l’ordre de 500 mégawatts à l’horizon 2030 en Tunisie, soit 500 MD d’investissements.
Fethi Belkahia, président de la Chambre des industriels du bitume (UTICA) a posé le problème de la raffinerie de Bizerte, implantée en pleine zone urbaine, qui servirait plus actuellement comme une capacité de stockage de carburant que raffinerie.
Un autre orateur, investisseur étranger a demandé au ministre à quel niveau l’inflation énergétique va-t-elle s’arrêter, car en cinq ans le prix du gaz a augmenté de 35% et le prix de l’électricité de 40%, ce qui constitue beaucoup de charges à supporter par les entreprises économiques.
Le représentant des laboratoires SAIPH considère que l’objectif d’amener la contribution des énergies renouvelables à la totalité de l’énergie consommée au niveau de 30% à l’horizon 2030 n’est pas réalisable car trop ambitieuse.
La SOTUVER, gros consommateur d’électricité a l’intention de créer une centrale électrique d’une capacité de 14 MW pour couvrir ses propres besoins.
Ridha Lahmar