Plans d’action de l’UTICA

Face à l’entêtement des politiciens à ignorer les dangers que peut courir l’économie nationale malgré les appels incessants de l’UTICA, la Centrale patronale se trouve encore une fois obligée de tirer la sonnette d’alarme. 

La situation politique bloque toute issue de sortie de la crise économique. Les indicateurs économiques ne cessent de dégringoler. Pour éviter à  l’économie tunisienne des dommages irréparables, Le Conseil administratif de l’UTICA, réuni récemment avertit l’opinion publique sur les dangers qui menacent l’économie nationale. Il a présenté un état des lieux de la situation économique en présentant des indicateurs précis . Le Conseil  a par ailleurs examiné la situation de l’économie tunisienne sur la base d’une étude sur les différents aspects économiques (croissance, emploi, investissement, exportation, inflation, finances publiques…) démontrant que l’économie nationale passe actuellement par une crise qui risque de s’aggraver si l’on ne prend pas les mesures adéquates dans les plus brefs délais. Le Conseil a proposé, par ailleurs un plan d’action pour faire sortir le pays de la crise. Il est encore temps d’agir, mais les marges se rétrécissent.

 

État des lieux    

Au mois d’Août 2013, et  au même où moment où l’INS annonce un taux de croissance de 3%, pour le premier semestre 2013, Standard & Poor’s dégrade la note souveraine de la Tunisie de deux crans. En fait,  le taux de croissance réalisé, tout en restant insuffisant pour résoudre les vrais problèmes du pays, n’a été obtenu que moyennant une dégradation dramatique des équilibres fondamentaux du pays, dégradation qui explique l’abaissement de  deux crans de la note de la Tunisie. Selon le rapport de l’UTICA, la structure de cette croissance est malsaine.  Elle résulte essentiellement d’un recrutement massif dans l’administration,  de l’augmentation des salaires de la fonction publique et d’une nette augmentation des transferts sociaux. L’État a été amené à céder des augmentations salariales non productives qui sont sources d’inflation, de déficit budgétaire et de baisse de compétitivité. La Tunisie est entrée dans une spirale inflationniste dangereuse pour l’économie. 6,2% d’inflation en juillet 2013. Les secteurs productifs ont réalisé des résultats mitigés puisque les taux enregistrés ont été négatifs pour la plupart  des agrégats  économiques, aussi bien en 2011, 2012 qu’en 2013. L’industrie  tunisienne a su faire preuve de résilience en résistant au choc de la Révolution et en réalisant en 2011 une croissance des exportations comparée à 2010. Mais l’année 2012 a enregistré un fléchissement des exportations, tendance confirmée par les résultats du 1er semestre 2013. Le grand danger pour l’avenir est le risque de la perte de confiance dans le site Tunisie de nos partenaires et clients étrangers. Pour les 7 mois de 2013, les IDE aussi bien dans l’industrie que dans  les services ont enregistré une baisse de 14 % par rapport à la même période 2012. Quant à l’emploi, l’UTICA pense que les données relatives à l’emploi rendues publiques souffrent d’incohérences flagrantes. Les objectifs et les souhaits s’y mélangent avec les résultats donnés par des simulations de modèles macroéconomiques, non pertinents pour le contexte économique actuel. Dans tous les cas de figure, et même en intégrant les recrutements massifs dans la fonction publique, la situation en 2013 en termes de création d’emplois est pire que celle de 2010, jugée largement non satisfaisante. On assiste à une explosion des dépenses courantes et un tassement des dépenses d’investissement. Les dépenses au titre des transferts et subventions ont également explosé, passant de 2,3 milliards de dinars en 2010 à 3,9 milliards en 2011, 4,9 milliards en 2012, 5,7 milliards prévus et 7.8 milliards estimés en 2013. Une augmentation de près de 100% en deux ans. Les dépenses d’investissement quant à elles sont restées stationnaires au niveau déjà atteint en 2010, soit entre 4 et 5 milliards de dinars, c’est à dire qu’elles restent largement en deçà des besoins des régions intérieures et des exigences exprimées par la Révolution. Cela relève d’une gestion budgétaire en manque de rigueur qui générera un  double déficit.  Le déficit commercial, passe de 12% du PIB en 2011 à 16% du PIB en 2012. Ce déficit se conjugue avec une baisse des recettes touristiques et de services et met à mal la balance de paiement. Le déficit budgétaire explose aussi. Il passe de 1% en 2010 à 5,3% en 2012 et il est attendu qu’il dépasse 7% à la fin de l’année 2013, malgré la réduction de la part des investissements dans le budget de l’État et surtout la non réalisation des investissements inscrits au budget. A la fin du 1er semestre 2013, la réalisation des dépenses d’investissement n’a pas dépassé le ¼ de ce qui programmé pour l’année. Ce qui nous amène à un endettement, de plus en plus prononcé. L’accroissement des dépenses de l’État et le creusement du déficit budgétaire qui en a résulté ont eu pour conséquence un gonflement de la dette publique qui atteindrait 46.8% du PIB à fin 2013, contre 40.3% du PIB en 2010, soit une dérive de +44% en volume en trois ans. Une dégradation continue de la notation souveraine de la Tunisie, accroît la perception du risque par les investisseurs extérieurs et les bailleurs de fonds privés mais également multilatéraux, soucieux de préserver la qualité de leur portefeuille et leurs notations. La double dégradation récente de la note souveraine de la Tunisie par S&P et la mise du risque Tunisie sous observation négative, outre le fait qu’il va compliquer et renchérir tout recours à des ressources privées, va installer le pays durablement dans la catégorie du risque spéculatif. Il va impacter négativement les entreprises tunisiennes et plus particulièrement celles orientées vers l’international. Les financements de leurs activités à l’international seront plus rares. Les cautions bancaires émises en leur faveur par des banques internationales vont être plus chères et plus rares, les confirmations de lettres de crédit vont être plus coûteuses. Les fournisseurs vont exiger de plus en plus des paiements d’avance. Le coût de réassurance des risques situés en Tunisie sera plus élevé et les entreprises notées par des agences de notation internationales seront dégradées dans le sillon de la dégradation du risque souverain.

 

Peut-on redresser rapidement la situation?

Selon ce même rapport de l’UTICA, la crise n’a pas encore atteint les fondamentaux micro-économiques. Les entreprises ont conservé leur capacité de production, leur marché à l’export et surtout leur capital humain. La Tunisie est encore le premier exportateur par tête d’habitant au sud de la Méditerranée. Un programme de redressement, mené par un nouveau gouvernement qui part avec un préjugé favorable, doit s’adresser à tous les acteurs concernés par l’activité économique de manière à leur donner des signaux positifs et crédibles à même de provoquer leur adhésion au programme de relance urgente de l’économie. 

Chacun de ces acteurs doit percevoir, à travers ce programme, un signal le concernant, suffisamment fort,  d’une volonté de changer les choses en mieux, même si les résultats escomptés ne seront obtenus que graduellement. L’UTICA propose, une  solution politique est mise en œuvre.  

La solution politique serait un gouvernement composé de personnalités indépendantes des partis politiques, compétentes, opérationnelles et reconnues dans leurs domaines. Il s’agit de donner des signaux positifs, clairs et décidés aussi bien vis-à-vis des acteurs économiques nationaux que vis-à-vis de nos partenaires étrangers. Ainsi le nouveau gouvernement œuvrera à :

– Communiquer, de manière professionnelle, sur le plan national et international sur l’état réel et objectif de l’économie tunisienne et sur ses capacités à opérer  une reprise rapide.

– Rassurer les bailleurs de fonds sur la capacité du pays à maitriser la situation et à tenir ses engagements financiers et à mener les réformes nécessaires.

– Demander à la classe politique de tenir un discours responsable tenant compte de l’état réel de l’économie, de l’ampleur des défis et de la nécessité de la contribution de tous à l’effort de redressement économique.

– Mobiliser les acteurs nationaux autour du défi du repositionnement du travail comme valeur sociale.

– Garantir par  l’État la continuité et la fluidité logistique sur tout le territoire national.

– Obtenir un consensus sur une paix sociale au moins jusqu’à fin 2014.

– Rétablir l’ordre et la sécurité et lutter efficacement contre le terrorisme pour rétablir la confiance.

– Augmenter le pouvoir d’achat et réduire l’inflation  par une baisse des taux des taxes. Cette réduction des taux pourrait même augmenter les recettes de l’État. 

– Tranquilliser les fonctionnaires et rétablir la gestion de carrière par les compétences.

– Rétablir l’autorité dans les structures en charge des services publics

– Annoncer de manière claire les investissements à réaliser en moins d’un an dans chaque région et leur désigner des Chefs  de projet qui soient ordonnateurs du budget et responsables des résultats.

– Mobilisation d’un Fonds de 1000 millions de dinars pour financer à taux zéro les projets d’investissements productifs dans les régions.

– Accorder des avantages spécifiques aux investisseurs privés qui réalisent des investissements immédiats dans certaines régions.

– Accorder des avantages spécifiques aux entreprises qui créent des emplois supplémentaires durables en moins d’un an.

– Accorder une indemnité de mobilité (déplacement et hébergement) pour les demandeurs d’emploi qui trouvent du travail hors de la zone de résidence de la famille.

– Réajuster les droits et taxes excessifs pour certains produits pour lutter contre la contre bande et engager une politique d’intégration des opérateurs informels dans le secteur organisé.

 

S.K

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