Deux conteneurs accostés au port de Radés ont été ravagés par le feu il y a quelques jours. Les deux conteneurs contiendraient respectivement des vêtements et des bouteilles en verre. Selon la version officielle, il est peu probable que l’incendie soit d’origine criminelle. Pourtant, vu la situation ambiguë du port on pourrait penser que l’incendie était prémédité.
Rappelons la déclaration du président de la Fédération nationale du transport relevant de l’UTICA, Salem Nebgha, «dix conteneurs transportant du thon pourri sont stockés dans le port depuis huit ans sans qu’une disposition soit prise de la part de l’Administration par rapport à l’entrepôt». Il existe même des conteneurs qui, après avoir été stockés sur le port de Radès, ont été expulsés en dehors de la Tunisie sans pour autant que nous sachions le pourquoi du comment. Qu’en est-il des conteneurs confisqués depuis des années ? À quand le dénouement de ce mystère ?
La corruption au port de Radès s’étend de plus en plus dans la Tunisie postrévolutionnaire. La mauvaise gestion au port a coûté à l’État des pertes de près de 650 millions de dinars et des problèmes d’ordre social. Rappelons la grève non annoncée des agents de la STAM (Société tunisienne d’acconage et de manutention) à cause d’une information publiée dans un journal. Cette grève de cinq jours a fait que des opérateurs économiques ont perdu une partie de leur marché à l’extérieur.
La lenteur des procédures administratives et l’absence de décisions courageuses ont aggravé la situation de crise qui dure déjà depuis quatre ans. Capacité limitée du stockage consacrée aux armateurs, dépassement des délais d’attente — jusqu’à 12 jours — alors que les délais ne dépassent pas deux jours dans plusieurs ports dans des pays voisins. Ajoutant à ces défaillances, la révélation du ministre du Transport, Chiheb Ben Ahmed qui a évoqué «l’existence de conflits d’intérêts entre les différents acteurs institutionnels». Et la liste des défaillances est encore longue. Sachant qu’il assure 80% du trafic, le rôle du port de Radès est primordial dans le trafic des exportations et des importations en Tunisie.
En termes de chiffres, le port assure 21% du trafic global, 79% du tonnage des marchandises conteneurisées, 76% du tonnage des marchandises chargées dans des unités roulantes, 76% du trafic de conteneurs en EVP et 18% du trafic de navires enregistré dans l’ensemble des ports de commerce tunisiens. Les répercussions sur l’économie du pays sont considérables.
L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) et la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) se sont indigné depuis quatre ans face à la situation catastrophique du port de Radès à travers plusieurs communiqué et à chaque manifestation ou événements organisés par ces deux patronats. Pire encore, après des études approfondies sur le port, les deux patronats ont présenté des feuilles de route afin d’aider le gouvernement à trouver une sortie de crise et optimiser ainsi les potentialités du port.
A l’issue de la réunion avec les parties prenantes, à savoir la douane maritime, la STAM, les syndicats et l’administration du port, le ministère du Transport a annoncé les mesures d’urgence notamment le déploiement d’un plan anti-corruption qui sera inclus dans le programme d’action de la task force en charge de la réorganisation du port et qui regroupe différents ministères ainsi que la Douane et les syndicats.
Ajoutons à cela la mise en application de la liasse transport pour les volets: export, livraison des marchandises. Le ministère du Transport a décidé d’accélérer le traitement des bateaux en rade, sachant qu’il a été convenu de fournir un effort exceptionnel pour passer dans les prochains jours à un régime de travail 24h /24h – 7j/7j au niveau du port. À rappeler que le chef du gouvernement provisoire, Mehdi Jomâa, a effectué durant le mois de mai 2014 une visite inopinée au port de la Goulette/Radès. Cette visite a été suivie par une autre visite d’inspection du ministre des Finances et de l’économie, Hakim Ben Hamouda, dans tous les ports du pays.
Najah Jaouadi