« Les médias sociaux et l’avenir de la presse écrite » un thème qui été au centre de la 3ème édition du Forum Média-Convergence, organisé par Le Forum International de Réalités en partenariat avec Tunisie Telecom, la Fédération Tunisienne des directeurs de journaux (FTDJ), le Syndicat National des journalistes tunisiens (SNJT) et l’ONG Article 19.
C’était l’occasion de présenter les principaux axes de l’étude sur l’avenir de la presse écrite tunisienne, réalisée dans le cadre du projet Media Up et du programme d’appui aux médias tunisiens de CAPJC – Union Européenne ‘PAMT). Michel Leroy, l’un des auteurs de l’étude, a rappelé que la crise de la presse écrite est réelle, évoquant même des pronostics sur l’extinction du secteur. « Depuis 2011, des journaux ont disparu aussi bien à Tunis qu’en province. Il ne reste plus que 3 journaux de province », a-t-il dit.
L’étude a permis de comparer la transition digitale en Tunisie par rapport à ses voisins immédiats (Algérie et le Maroc) et l’Union Européenne. Les agences de presse, les journaux institutionnels et les pure-players n’ont pas été pris en compte. Le lectorat, dans ce même contexte, a fait l’objet d’une enquête. Au total, 1014 personnes représentatives de la population tunisienne ont été interrogées. Elles sont issues du Grand Tunis, de Nabeul, de Sousse et de Sfax.
On compte 120 700 exemplaires qui sont tirés quotidiennement, mais seulement 70 000 sont diffusés, ce qui souligne un taux non négligeable d’invendus. « 40% de la diffusion globale est faite par un seul titre. 90% de la diffusion se fait dans le Grand Tunis. Il s’agit, de ce fait, d’un univers concentré. Il est nécessaire de rétablir un climat de confiance aussi bien avec les lecteurs qu’avec les publicitaires. Plus encore : il faut instaurer un organisme chargé de certifier les tirage », a-t-il encore précisé.
Le journal La Presse, à titre d’exemple, a enregistré une baisse de 67% dans sa diffusion entre 2013 et 2017. En 2018, ce chiffre est estimé à 80%. « La crise est violente. Concernant l’audience générale, on estime que 1,2 millions de personnes lisent quotidiennement des journaux, ce qui représente 11% de la population. Or, ce chiffre est faible comparé à d’autres : Mosaïque FM, à elle seule, s’accapare d’une audience de 1,6 millions. On compte 3,7 millions pour Nessma », a-t-il expliqué.
Stagnation et baisse des investissements publicitaires
Par ailleurs, Michel Leroy souligne que 7% seulement des investissements publicitaires ont été orientés vers la presse écrite en 2017. En Algérie, cette part atteint les 15%. On compte 14% au Maroc. En 2013, les investissements publicitaires ont atteint 17%.
Au niveau des réseaux sociaux, la presse écrite est peu présente. Sur Facebook, le journal Al-Chourouk ne compte que 300 000 likes. La Presse, pour sa part, en compte 200 000. Tuniscope est loin devant avec 1 million de likes. Nessma, pour sa part, reste imbattable avec ses 6,5 millions de likes.
Plusieurs facteurs expliquent ces faibles performances selon Michel Leroy. Il souligne que les maquettes ont très peu évolué entre 2011 et 2019. « Peu d’innovations graphiques et un traitement de la photo qui n’est pas assez valorisé. On note un traitement conventionnel et factuel de l’information : 50% du contenu. D’un autre côté, 90% de l’information est orientée vers le Grand Tunis. Au niveau du lectorat, la presse écrite est majoritairement lue par la gent masculine selon l’étude. Pour 6 tunisiens sur 10, la presse écrite est dépassée », a-t-il encore expliqué.
Que faut-il faire pour résoudre cette crise ? Michel Leroy a précisé que l’enquête contient plusieurs recommandations. La transition numérique doit être boostée à travers la mise en place de rédaction multimédias. « Il faut mieux gérer les entreprises de presse, mieux diffuser les journaux, monétiser le contenu et les archives, ou encore certifier les tirages afin de garantir la crédibilité. La presse écrite a encore un avenir », a-t-il dit.
Le lectorat, poursuit-il, constitue une donnée fondamentale à prendre en considération. Il doit être placé au cœur de la stratégie des médias, notamment les jeunes car seuls 4% d’entre-eux lisent la presse écrite. « Il est nécessaire d’instaurer une éducation aux médias et ce dès le plus jeune âge. Il est, aussi, important d’avoir un lectorat qui paye », a-t-il ajouté.