Pour la défense des élites ! (2)

Les élites sont définies par plusieurs chercheurs et spécialistes comme des catégories sociales spécifiques appelées à diriger et assurer le leadership d’institutions économiques, politiques ou sociales. Ces qualités proviennent de leurs positions sociales et qualités intellectuelles, symboliques, économiques ou physiques.
Les élites sont anciennes et toutes les sociétés ont connu historiquement leurs propres élites. Ainsi, les sociétés traditionnelles avaient-elles leurs propres élites qui pouvaient être religieuses ou tribales.
Mais les élites vont surtout connaître un développement rapide dans les sociétés modernes avec l’apparition des sociétés démocratiques. Ces élites vont alors commencer à jouer un rôle majeur dans le fonctionnement et la gouvernance des sociétés démocratiques. Plusieurs raisons expliquent l’affirmation des élites dans les temps modernes, dont le développement de l’enseignement moderne qui sera à l’origine de l’émergence de cadres marqués par le savoir et qui disposent des compétences nécessaires pour la gestion de l’ordre public de manière rationnelle et loin de la violence des sociétés traditionnelles.
Par ailleurs, la plus grande complexité des sociétés modernes suite au développement technologique et économique exigeait de plus en plus le recours à des élites qui disposent des compétences nécessaires dans les différents domaines afin de gérer l’Etat et les institutions publiques. Ainsi, se sont constituées les élites administratives formées dans les écoles d’administration et dans les universités qui se sont spécialisées dans la formation de ces nouvelles élites afin de veiller sur le bon fonctionnement de l’ordre public.
On va également assister à l’apparition des élites intellectuelles formées dans les grandes universités et qui vont se fixer pour objectif le développement et la formulation des grandes visions et les programmes du vivre-ensemble.
Le développement économique et la complexité croissante des économies modernes vont aussi exiger l’apparition des élites économiques capables de prendre en charge les questions du développement économique, de la gestion de l’investissement et plus généralement de la gouvernance des économies modernes. Parallèlement aux détenteurs du capital et des héritiers des grandes familles, les économies modernes seront marquées par l’émergence de nouvelles élites qu’on a nommées les managers et qui seront en charge de la gestion des grandes entreprises et des grandes firmes multinationales.
Les sociétés modernes vont également assister à l’apparition de nouvelles élites politiques et sociales qui vont provenir des partis politiques, des organisations sociales et des institutions de la société civile qui vont jouer un rôle important dans la gestion de l’ordre public.
Avec leur développement et croissance, les élites ont constitué un réseau intégré de dirigeants politiques, économiques et sociaux qui vont occuper progressivement un rôle essentiel dans la gestion de l’ordre public et dans le fonctionnement rationnel des sociétés modernes.
Mais, l’importance et l’influence des élites viendront, de mon point de vue, de leur rôle dans le fonctionnement des sociétés démocratiques. Ainsi, le recours de ces sociétés à des corps intermédiaires dans tous les domaines, politique, économique, intellectuel, symbolique et financier explique la montée en puissance des élites et le rôle central qu’elles vont assumer dans les sociétés démocratiques. Ces élites vont ainsi devenir, avec les institutions de l’Etat, les corps intermédiaires qui vont contribuer à la construction du lien commun et à la gestion des contradictions dans un niveau qui favorise la vie démocratique.
Il faut mentionner que la démocratie représentative a contribué au renforcement du rôle des élites dans la définition et la conception des schémas et des visions d’ensemble.
Mais, cette place dominante des élites a été également à l’origine d’importantes critiques qui leur ont été adressées de la part de beaucoup d’acteurs politiques dont les mouvements populistes, particulièrement lors des moments de crise des sociétés modernes. Ainsi, ces mouvements ont considéré que la trahison des élites et leur coupure avec les forces et les couches sociales populaires expliquent les crises et la grande misère de ces couches. L’alternative pour ces mouvements réside dans le déclassement de ces élites et la mise en place de nouvelles formes de démocratie participative et directe qui vont contribuer à la défense des intérêts des peuples.
Mais, les expériences historiques ont montré les limites de ces projets qui, dans la plupart des cas, ont enfanté de nouveaux régimes autoritaires.
Ainsi, les élites sont le résultat d’un parcours historique complexe qui leur a permis d’occuper une place importante dans les sociétés démocratiques.
Mais, la question qui se pose pour nous concerne l’analyse de la relation entre nos élites et les couches populaires larges et leurs aspirations pour mieux comprendre le jugement fréquent et courant de nos jours sur leurs faillites et leurs trahison et cette incapacité à ouvrir de nouvelles perspectives historiques à notre transition démocratique.

A suivre…    

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