Le projet de loi de Finances pour l’année 2018 a fait l’objet d’âpres débats et échanges publics tout le long du mois de septembre et ce, jusqu’à son dépôt officiel auprès de l’Assemblée des représentants du peuple. Des fuites aux rumeurs sur le contenu de la nouvelle Loi que le gouvernement concoctait en toute confidentialité, le débat public a été animé durant de longues semaines sur les moyens que le gouvernement allait mettre en place pour faire face à la grave crise des finances publiques et relancer une machine économique en panne depuis quelques années. Mais, jusque-là, le débat était faussé par l’absence de données et d’informations sur les grandes orientations du projet du gouvernement.
Le gouvernement a fini par rendre public le projet de loi de Finances pour la prochaine année après son dépôt auprès de l’Assemblée dans les délais prévus par la constitution. Sa publication a suscité quelques débats qui se sont très vite éteints et nous sommes restés loin des échanges que nous aurions espéré sur le projet du gouvernement pour sortir de cette crise sans précédent.
Plusieurs raisons peuvent expliquer l’absence d’un débat sérieux et serein autour de cette loi de Finances. On peut évoquer la complexité de la situation économique et la difficulté d’apporter des éléments de solution pour faire face à la crise des finances publiques et relancer la croissance. Par ailleurs, la nature même du document rendu public par le gouvernement n’a pas favorisé le débat public nécessaire et utile dans la situation actuelle de notre pays. En effet, au moment où nous nous attendions à un important document qui comprend les grandes orientations économiques et les choix de politique économique, le document proposé par le gouvernement et fort de 234 pages, s’est limité aux dispositions fiscales et légales qui seront votées par le parlement. Or, aussi importantes soient-elles, ces dispositions ne peuvent récapituler la loi de Finances ni le débat que nous devons avoir pour comprendre et apprécier les choix du gouvernement.
Notre pays, s’il a fait des pas importants dans le domaine politique et sur la voie de l’instauration d’une démocratie plurielle, connaît les plus grandes difficultés à opérer sa transition économique pour favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de développement. Ainsi, hormis la croissance faible et fragile, nous connaissons depuis quelques années une forte détérioration des grands équilibres économiques ainsi qu’un obstacle aux grandes réformes structurelles. Ces grands maux sont au cœur du blocage de la transition économique et des difficultés que nous rencontrons à sortir de ce marasme.
Cette crise suscite des inquiétudes et des interrogations de la part des acteurs économiques, mais également des activistes politiques et sociaux. Ces inquiétudes sont d’autant plus importantes que les différentes politiques économiques n’ont pas réussi à relever ces défis. Cet échec doit susciter le débat économique et nous avons mis l’accent depuis plusieurs années sur son importance et la nécessité de favoriser les échanges publics sur les questions économiques, les défis que nous traversons, ainsi que les solutions et les choix à faire pour favoriser la transition. Or, ces échanges exigent de la part des pouvoirs publics la fourniture des éléments nécessaires afin d’informer ces débats et de mettre à leur disposition les contributions nécessaires à leur bon déroulement. D’ailleurs, les partis politiques, les organisations syndicales, notamment l’UGTT et l’UTICA, et l’ensemble des autres institutions, n’ont cessé de réclamer aux pouvoirs publics et aux différents gouvernements, les informations nécessaires pour mener leurs réflexions et contribuer de manière constructive aux débats publics. Ces exigences concernaient l’ensemble des grandes questions en discussion, notamment celles sur les caisses sociales, le système de subvention ou les réformes bancaires.
Le débat sur la loi de Finances n’échappe pas à la règle. La complexité de la situation économique et la grave crise des finances exigent un débat ouvert et pluriel sur les grands choix opérés par cette nouvelle loi et les grands choix de politique économique qu’elle contient. Or, ce débat nécessite que nous disposions des éléments nécessaires pour mieux comprendre la logique et la rationalité des choix et des orientations adoptés. Nous pensons que le document du projet de loi de Finances ne peut pas se limiter à la seule présentation des dispositions de lois aussi importantes soient-elles. Mais, ce projet doit inclure, comme pour toutes les lois de Finances dans le monde, les éléments nécessaires pour ce débat et notamment l’analyse du gouvernement de la situation économique et les grands défis, les grandes orientations et les objectifs de la loi de Finances ainsi que les hypothèses et les grands équilibres financiers.
Notre pays a besoin d’un grand débat économique constructif, ouvert et pluriel. Ce débat est nécessaire non seulement pour expliquer les grandes orientations du gouvernement mais pour construire l’alliance la plus large autour des choix à faire. Mais, pour avoir ce débat, l’ensemble des acteurs politiques et économiques ont besoin des informations nécessaires pour le tenir et pour apporter leurs contributions.
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