La visite d’Etat du Président Emmanuel Macron en Tunisie a suscité, avant même que le président français ne foule le sol du territoire national, des réactions mitigées où s’entremêlent espoirs, désintérêt et un sentiment de désillusion.
Il faut avouer que, contrairement à ses prédécesseurs, le nouveau président français ne passe pas inaperçu, il suscite plutôt, par son discours atypique, les réactions les plus contradictoires, tout en faisant bouger les lignes, pour sortir la France d’un long cycle d’immobilisme. En matière de politique étrangère, même si Macron, avec la chancelière allemande Angela Merkel, se présentent comme les fervents défenseurs de la construction d’une Europe forte, il n’en demeure pas moins qu’un certain flou persiste au sujet des relations de la France avec les pays de la rive sud de la Méditerranée où les déclarations d’intention attendent toujours un engagement concret. La visite entamée par le Président français pourrait-elle dissiper les doutes à un moment où l’on assiste à un regain de conservatisme un peu partout en Europe et à un retour aux Etats-Unis de Trump, notamment, d’un isolationnisme corroboré par l’idée « USA first » ? Au regard de la qualité et de la profondeur des relations bilatérales et du partenariat liant les deux pays, ce voyage annoncera-t-il un déclic, un changement qualitatif ?
Si intenses, si profondes et si tumultueuses, sont les relations tuniso-françaises qui sont empreintes de paradoxes. Le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie a bien exprimé ce paradoxe récemment, lors d’un workshop sur les problématiques du transfert, faisant valoir qu’« avec un partenaire stratégique et historique comme la France, on ne peut qu’être exigeant et attendre toujours de la France un plus grand engagement et une plus grande présence en Tunisie». Pour la jeune démocratie tunisienne, aujourd’hui à la croisée des chemins et rencontrant de graves défis, n’est-il pas de la responsabilité d’un partenaire stratégique d’agir, de ne pas attendre et de ne pas laisser cette seule expérience démocratique aboutie dans le bassin sud de la Méditerranée, tomber ?
A l’évidence, malgré le poids de la France en Tunisie et sa position de premier partenaire, de premier investisseur et de premier client de la Tunisie, les relations bilatérales n’ont pas observé une mue qualitative , pour se hisser à un palier qui permet d’espérer la promotion d’un véritable co-développement, afin de mieux valoriser l’image de la France et de mesurer son implication dans le processus de développement national.
La Tunisie attend surtout un engagement franc et volontariste qui permet de consacrer l’approche de co-localisation et de co-développement entre les opérateurs tunisiens et français. Partant, la France est appelée plus que jamais à promouvoir en Tunisie, ce qu’a accompli l’Allemagne dans les pays de l’Europe de l’Est dans le processus de leur accompagnement pour le renforcement de la compétitivité de leurs économies et leur intégration dans les chaînes de valeur mondiales.
Avec les atouts innombrables dont notre pays est pourvu, à savoir, un cadre incitatif, une compétitivité prix, la disponibilité de ressources humaines qualifiées, cette option gagnant-gagnant est à même de profiter à toutes les parties et de renforcer la compétitivité des entreprises des deux bords.
Manifestement, le moment est actuellement propice pour que les grands groupes français entreprennent des investissements en Tunisie dans des secteurs à forte valeur ajoutée. Une telle décision aura une grande portée et une symbolique particulière dans la mesure où elle permettra d’enclencher un processus vertueux qui stimulera le développement du pays et participera à l’ouverture de nouvelles pistes pour les entreprises françaises en quête d’un surcroît de compétitivité et de marchés.
La présence annoncée de grands groupes dans l’industrie, les services, le secteur automobile … est un bon signal, mais il va falloir que les intentions soient traduites en projets, en engagements.
Malgré les difficultés qu’elle connaît, la dégradation de son environnement d’affaires, l’exacerbation des tensions sociales, la Tunisie reste un bon risque et un facteur non négligeable de développement, partagé pour les acteurs économiques des deux pays
La visite de Macron donnera –t-elle un nouveau déclic à un partenariat renforcé ? Ce qu’on espère le plus, c’est qu’on ne soit pas bercé d’illusions et qu’on ne se contente pas, le temps de cette rencontre au sommet, seulement de beaux discours.
Le partenariat tuniso-français a besoin d’amorcer un nouveau cap. Les pas accomplis depuis maintenant des décades, nécessitent d’être soutenus et relayés par des projets et des programmes qui fourniront à l’opinion publique la preuve tangible de la qualité de ce partenariat. La preuve que l’amitié tuniso-française n’est pas une simple vue de l’esprit, un simple discours, mais un projet concret qui mobilise de nombreux acteurs dans l’économie, le social, la culture et l’éducation.