Pour une « créativité débridée »

Neuf jours de théâtre, 90 spectacles, des artistes originaires de 22 pays… La richesse de la programmation de cette nouvelle édition des Journées théâtrales de Carthage, qui se tient du 22 au 30 novembre, donnerait presque le tournis. Une création prolifique mais un seul mot d'ordre : « Être enracinés dans l'époque »

 

Alors que les artistes sont régulièrement menacés, et que la répression de la libre expression continue à sévir en Tunisie, les mots de Wahid Essaafi, Directeur de cette édition, prennent aujourd'hui une résonance particulière : «  Il n'y a d'enracinement dans l'époque qu'en regard d'une création libre et d'une créativité débridée. Et cette liberté ne doit souffrir d'aucune limite, aucune censure. » 

Le directeur des Journées théâtrales de Carthage (JTC), dans son texte d'introduction à la 16e édition du festival, fustige sans ambiguïté ceux qui, « au nom d'une certaine idée de la religion », voudraient « corseter la création », dénonçant la tentation de certains de vouloir, « sous prétexte d'authenticité, imposer à l'art les diktats de l'ordre moral ». 

Seul antidote : créer, et créer librement. C'est ainsi que l'édition 2013 des JTC verra se succéder à un rythme effréné, du 22 au 30 novembre, pas moins de 90 créations, issues de 22 pays arabes, africains et européens.

« L'art, rien que l'art », appelle Wahid Essaafi dans son éditorial. Mais la programmation se veut résolument actuelle, et l'on ne peut s'empêcher d'observer la diversité des thèmes abordés dans les spectacles à travers le prisme d'une époque, d'une Tunisie et d'un monde arabe en plein bouleversement.

 

Réflexions sur la Révolution et le Pouvoir

Trente-neuf spectacles tunisiens sont au programme cette année, du théâtre amateur aux pièces à succès les plus connues, comme « Klem Ellil, Zéro virgule » de Taoufik Jebali ou «Monstranum's» de Leila Toubel et Ezzeddine Gannoun. Le festival s'ouvrira et se clôturera au Théâtre municipal de Tunis, avec deux pièces tunisiennes : « Tsunami » de Fadhel Jaïbi, qui témoigne d'un pays tiraillé entre obscurantisme et ouverture, et « La fleur de Sel », nouvelle création du Centre d'arts dramatiques et scéniques de Gafsa, un texte de Gabriel García Márquez, mis en scène par Ali Yahyaoui.

Incontournables, les « révolutions arabes » seront présentes dans plusieurs créations, en filigrane ou de façon plus directe. Comme dans « Le spectacle », de Hamadi El Mezzi, qui met en scène une compagnie théâtrale se préparant à organiser un grand spectacle pour célébrer la Révolution, ou dans la pièce libyenne « La cage », jouée par la Troupe du Théâtre national de Tripoli, qui raconte l'histoire d'un personnage décidant enfin d'affronter un homme caché derrière des lunettes noires, qui le suit et lui dicte ses pas… 

De même, ce n'est pas un hasard si les spectacles porteurs de réflexions sur le pouvoir et la tyrannie sont principalement l'œuvre d'artistes tunisiens et égyptiens. À l'image de ces deux « Macbeth » : l’un, adapté par Lotfi Achour et qui traite de l’époque Ben Ali ; et l'autre, de l'Égyptien Achref Sanad, qui s'appuie, aussi, sur le texte d'Eugène Ionesco pour montrer l'absurdité du pouvoir.

 

Des sujets « tabous »

Autre thème « incontournable » : les migrations. « El Bech », du Tunisien Salah Hamouda, aborde le drame des Harragas. Quant à la pièce irakienne « Passeport », de Hayder Jomaâ et Bachar Issam, elle relate la souffrance d'une jeunesse qui ne rêve que de fuir un pays détruit par la guerre.

Le comité de sélection des JTC n'a pas hésité à choisir des spectacles abordant des sujets audacieux, comme la sexualité ou les violences faites aux femmes. « Fin de série », conçu et joué par la Tunisienne Souad Ben Slimane, met en scène une prostituée en manque de clients après les attaques menées par des salafistes extrémistes contre les maisons closes. Plus polémique, « Le mien », pièce jouée par la Compagnie de l'Acquarium et mise en scène par Naima Zitane, est une adaptation marocaine des « Monologues du vagin » d'Eve Ensler.

On notera enfin la diversité des formes d'expression abordées: danse, comédie musicale et… marionnettes. Ainsi « Les fourberies de Scapin », une performance du Français Jean Sclavis, qui manipulera, seul en scène, huit marionnettes, à taille humaine pour cette reprise de la célèbre pièce de Molière.

La grande majorité des spectacles sera donnée dans des salles du Grand Tunis, mais certaines pièces seront également jouées en régions (Le Kef, Sfax, Gafsa, Médenine, Sousse, Kairouan).

Perrine Massy

 

* Festival international des Journées théâtrales de Carthage, du vendredi 22 au samedi 30 novembre. Programme et informations détaillées sur

www.jtcfestival.com. Tél. : 71 902 772. E-mail : jtc@jtcfestival.com.tn.

 

D'art et de religion

En marge de la 16e session des JTC, un colloque international est organisé sur le thème des « singularités du rapport art-religion dans chaque culture ». Le séminaire « D'art et de religion », a commencé mardi 19 novembre et finira jeudi 21 novembre à 14 h. Parmi les thèmes abordés : le discours religieux dans le cinéma, « moquer Dieu » dans le théâtre de Beckett, l'interdiction de la représentation en terre d'Islam et la relation entre l'art et la religion dans le discours soufi.

 

 

Après avoir élaboré une Charte éditoriale

Mosaïque Fm, la radio citoyenne

 

Entre liberté d’expression nouvellement acquise et l’abondance de la matière médiatique, les journalistes tunisiens semblent parfois peiner à trouver un juste équilibre. D’un autre côté, le récepteur devient de plus en plus exigeant et revendique une information précise et bien présentée. Il s’oppose, certes, à la censure, mais juge d’un mauvais œil certaines libertés que s’accorde le journaliste dans la transmission de l’information. Notre domaine est de plus en plus suivi et critiqué. 

 

Dans ce contexte, Mosaïque FM a élaboré une charte éditoriale en collaboration avec Sahbi Ben Nablia, Docteur en communication, consultant en médias et communication et vient dans le même contexte créer un nouveau poste de médiateur auquel elle a nommé le journaliste Hédi Snoussi. 

 

Charte éditoriale

Composée de vingt articles et ayant nécessité un an et demi de travail, la charte réglemente les relations internes, la ligne éditoriale et le rapport avec l’auditeur. Elle représente une référence médiatique et l’assurance d’un média neutre et indépendant ainsi protégé contre une mauvaise utilisation de la liberté d’expression sans pour autant tomber dans l’autocensure. Son élaboration a été financée uniquement par le média concerné, à savoir Mosaïque FM et est adaptée à la culture interne de la radio. 

 

Le médiateur

Son rôle consiste en l’application de la réglementation de la charte et en la réception et l’étude de toute plainte reçue. Les enquêtes faites seront ensuite publiées et le médiateur jouera alors un rôle d’interface entre l’auditeur et le journaliste. Le droit de réponse passera dorénavant par lui puisqu’il décidera de sa nécessité ou pas. Il veille à l’application des règles professionnelles et déontologiques instaurées par la charte. 

H.A

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