La propagation de la pandémie Covid-19 pose des défis majeurs pour l’ensemble de l’humanité. Il s’agit probablement du défi le plus important que nous ayons eu à affronter par temps de paix. Par le nombre de décès et de personnes contaminées, avec ce désespoir du personnel médical dans les pays développés à faire face à la progression de la maladie, ce sont autant de signes de nos erreurs passées et des ravages d’un néolibéralisme meurtrier qui a soumis l’ensemble de la société, particulièrement les secteurs sociaux, à la sacro-sainte logique marchande et au profit. L’ensemble des pays sont en train de rattraper le temps perdu par des mesures d’urgence en promettant, comme l’a fait le Président français Emmanuel Macron, de revoir ce modèle social qui nous a conduits à la dérive. Ainsi, tous les pays du monde ont mis en place des programmes et des réponses d’une grande ampleur pour faire face à cette pandémie. Ces programmes ne se limitent pas aux aspects sanitaires mais comportent également des dimensions économiques et sociales d’une grande envergure. Ainsi, la priorité de tous les gouvernements dans le monde aujourd’hui est de sauver les vies humaines devant la sévérité de cette pandémie mais aussi de sauvegarder les entreprises et de venir en aide aux plus démunis.
Notre pays s’est inscrit dans cette dynamique globale. Et, si on avait l’impression que la dimension sanitaire était privilégiée et que les dimensions économiques et sociales étaient absentes, les dernières annonces du gouvernement ont corrigé le tir. Ainsi, cette annonce a permis d’opérer un important ajustement du programme et de la démarche de lutte contre la pandémie Covid-19 en y incluant une importante dimension économique et sociale.
Les mesures annoncées devraient coûter aux finances publiques la bagatelle de 2,5 milliards de dinars, ce qui constitue un important effort dans les conditions économiques difficiles que traverse notre économie.
Cette annonce est certes importante. Mais aujourd’hui, le plus urgent c’est leur mise en œuvre par le gouvernement pour faire en sorte que l’ensemble des acteurs économiques ainsi que les familles nécessiteuses bénéficient d’un certain nombre de décisions pour les aider à faire face à l’impact social sans précédent de cette crise.
La mise en oeuvre de ces mesures passe par une série de conditions, au premier des rang desquelles la préparation et l’adoption au plus vite d’une loi de finances rectificative. A ce propos, nous faisons la différence entre les lois de finances complémentaires et les lois de finances rectificatives. Les lois de finances complémentaires viennent corriger des évolutions non prévues, particulièrement en termes de dépenses ou de recettes publiques. Si ces évolutions sont positives, étant à l’origine de nouvelles recettes, le gouvernement vient suggérer aux représentants du peuple les moyens de les utiliser par le biais d’une loi de finances complémentaire. Par contre, si le gouvernement fait face au cours de l’exercice budgétaire à une baisse de ces recettes, il doit suggérer aux représentants du peuple par ce mécanisme de la loi de finances complémentaires les moyens de faire face à ce manque à gagner. Mais, cet exercice reste exceptionnel et rares sont les pays qui présentent des lois de finances complémentaires car il y va du sérieux de l’Exécutif et du professionnalisme des responsables en charge de la préparation des collectifs budgétaires.
Ces révisions et ce recours à l’Assemblée sont extrêmement rares. Ceci n’est pas le cas dans notre pays depuis la Révolution où ce recours à des collectifs budgétaires complémentaires est devenu la règle et aucune année budgétaire n’a été terminée sans un recours à cette pratique. La banalisation de l’exercice budgétaire des lois de finances complémentaires lui a fait perdre sa solennité et son importance.
Aujourd’hui, nous faisons face à un danger sans précédent et les mesures prises par la plupart des pays, dont le nôtre, sont de nature exceptionnelle. Les mesures annoncées par le gouvernement exigent le recours à une loi de finances rectificative qui doit être préparée par le gouvernement et présentée pour adoption à l’ARP. La justification de ce recours à un collectif rectificatif s’explique par le fait que les mesures annoncées par le gouvernement apportent un changement de nature à la loi de finances initiale préparée avant la fin de l’année, et qui n’avait pas prévu cette pandémie. Nous ne sommes plus en présence d’un changement dans les grandeurs financières qui aurait pu être réglé par une loi de finances complémentaire mais nous avons affaire à un changement de nature qui exige impérativement un collectif budgétaire rectificatif.
La préparation d’un collectif budgétaire rectificatif est nécessaire aussi pour deux raisons. La première est d’ordre politique dans la mesure où sa préparation, sa discussion et son adoption par l’ARP vont contribuer au renforcement de l’unité nationale pour faire face à cette pandémie. La seconde raison est d’ordre financier et économique dans la mesure où sa préparation va permettre au gouvernement de revisiter les grands équilibres financiers de la loi de finances initiale et de déterminer les besoins de financement pour faire face à la pandémie. Cette révision des grands équilibres financiers nous permettra également de déterminer les besoins financiers que nous devons adresser aux bailleurs de fonds et aux institutions financières internationales.
La pandémie du Covid-19 est en train de se transformer en une crise sans précédent. Nous nous devons, l’Etat en premier lieu, de faire tout ce qui est nécessaire pour sauver les vies humaines, sauvegarder nos entreprises et nos emplois et venir en aide aux couches les plus défavorisées. Des mesures importantes ont été annoncées par le gouvernement et elles doivent aujourd’hui s’inscrire dans une loi de finances rectificative pour être mises en œuvre.