Le monde a connu à la fin de la semaine dernière des journées tragiques avec la multiplication des attentats terroristes. Ces journées sombres ont commencé par un attentat qui a fait plus de quarante morts dans la banlieue sud de Beyrouth. Plus tard, c’est au tour du jeune berger Mabrouk Soltani de se faire décapiter de manière ignoble par des groupes qui ont dépassé les frontières de l’humain. Et, puis ce fût les attaques barbares de Paris au Stade de France au cours du match de football entre la France et l’Allemagne où se trouvaient près 70 000 spectateurs, dans la salle du Bataclan et dans d’autres lieux de la capitale française. Des attaques abjectes qui ont visé des endroits fréquentés par une jeunesse confiante dans l’avenir et qui profitait de ces derniers jours ensoleillés de l’automne pour exprimer sa joie de vivre. En tuant cette joie et cette gaité non seulement Paris mais le monde entier ont plongé dans l’abominable et l’ignominie.
La multiplication de ces attaques et le niveau d’atrocité expliquent la nécessité d’accélérer les efforts en matière de lutte contre le terrorisme pour éradiquer ce phénomène qui est en train de mettre la stabilité du monde en danger et constitue le plus important facteur de fragilité pour l’ordre mondial. La plupart des pays confrontés au danger terroriste ont mis en place des stratégies pour l’éradiquer. Par ailleurs, la communauté internationale notamment le G7 et les Nations-Unies se sont également saisis de ce phénomène dont les périls ont commencé à dépasser les frontières nationales pour assurer une plus grande coordination entre les pays et mettre en place des stratégies globales de lutte anti-terroriste.
La plupart de ces acteurs ont souligné que ces stratégies ne se limitent aux aspects sécuritaires et militaires visant l’anéantissement de ces groupes mais qu’il s’agissait de stratégies globales qui englobaient l’ensemble des dimensions qui sont au cœur de l’apparition des groupes terroristes. Ainsi, on nous a indiqué que ces stratégies allaient, parallèlement aux aspects sécuritaires et militaires, toucher l’éducation, le développement, la lutte contre le chômage, la création d’opportunités et la culture. Et, certains pays avaient mis en place certaines de ces stratégies, notamment une nouvelle formation des imams qui les éloignent des prédications radicales que nous entendons aujourd’hui dans nos mosquées.
Mais, malheureusement, ces stratégies, en dépit de leur quête de globalité et de cohérence, se sont de fait limitées aux aspects sécuritaires et militaires. Plusieurs raisons expliquent cette orientation dont les moyens importants à mobiliser pour mettre en place une stratégie globale qui dépasse parfois les capacités et les ressources des Etats. Il faut aussi souligner que ces stratégies sont complexes à mettre en place et exigent beaucoup de compétences notamment pour la réforme de l’éducation ou de la formation des imams. Enfin, il faut noter que certains éléments de ces stratégies s’inscrivent dans la durée et ne peuvent pas par conséquent donner des résultats à court terme.
Mais, en dépit de ces difficultés, il est important de poursuivre les efforts pour mettre en place des stratégies globales et cohérentes dans la lutte contre le terrorisme. Ceci est d’autant plus important que les réponses sécuritaires et militaires ont montré leurs limites. En effet, les frappes militaires n’ont pas remis en cause la capacité de nuisance et la force de frappe de ces groupes terroristes. Au contraire, les dernières attaques se sont multipliées avec le cas de l’avion russe dans le Sinaï, les attaques en Turquie, celles de Beyrouth et aujourd’hui à grande échelle dans la capitale française et cela en dépit d’une grande mobilisation des forces de sécurité et de l’application du plan Vigipirate pour prévenir ces attentats.
Ces actions ont montré la capacité de ces groupes de se faufiler à travers les mailles des systèmes sécuritaires. De surcroit, en dépit des frappes militaires et des annonces sur la déroute des groupes terroristes et particulièrement de Daech, la tentation de l’aventure terroriste dans les campagnes de Syrie continuent d’exercer un attrait pour bon nombre de jeunes à travers le monde. Les départs vers le djihad ne sont probablement plus aussi importants qu’ils l’étaient immédiatement après le printemps arabe, mais des jeunes continuent à voir dans l’aventure djihadiste une alternative crédible à leur marginalisation ou à leur quête de sens. Elles ont également dévoilé que ces apprentis terroristes ont une longueur d’avance sur les forces de sécurité dans l’utilisation de l’internet qui reste pour eux le lieu de préparation et de coordination de leurs actions macabres souvent à l’abri des regards des polices spécialisées dans la traque des entreprises terroristes. Enfin, l’absence d’un plan d’aide important et d’un contrat de co-développement avec les pays arabes qui ont entamé leurs processus de transition démocratique laisse libre cours à ces schémas de victimisation des groupes terroristes qui exercent une influence sur une partie de la jeunesse inquiète devant les effets de la globalisation et de ce qu’ils perçoivent comme les difficultés du monde arabe à trouver sa voie dans le monde à venir.
L’ensemble de ces remarques montrent les limites des réponses sécuritaires et militaires dans la lutte contre les mouvements terroristes. Certes, les stratégies globales sont difficiles à mettre en place, notamment vis-à-vis d’un danger immédiat qui exige des réponses instantanées. Mais, cet effort de mise en place de stratégie qui s’appuie sur des programmes d’éducation, des programmes et politiques culturelles, des stratégies économiques et sociales et d’une véritable coopération internationale pour encourager les principes d’ouverture, de pluralisme, d’inclusion sociale et de solidarité doivent se trouver au cœur d’une véritable stratégie de lutte contre le terrorisme. C’est une nouvelle culture de tolérance, d’ouverture et de solidarité, tout simplement de la vie, que nous devrons patiemment construire et semer pour faire face aux projets mortifères du terrorisme international.
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