C’est une idée soutenue et approfondie par le professeur universitaire et l’économiste Wajdi Ben Rejeb, dans une déclaration accordée à Réalités Online mardi 5 septembre. La Tunisie a beaucoup à gagner grâce à l’Afrique, mais sous conditions.
« La Tunisie est dépendante de ses partenaires classiques »
« Notre pays a toujours compté sur ses partenaires classiques, à savoir l’Europe (la France en première position, suivie de l’Italie et de l’Allemagne) », déclare Wajdi Ben Rejeb, qui rappelle que l’Histoire et l’expérience ont démontré que la conjoncture de ce partenaire classique affecte directement la nôtre. « Nous sommes dépendants de la santé économique et financière de l’Europe. De plus, avec une Union Européenne à 29 – 28 après le Brexit prévu pour mars 2019-, les pays membres se tournent davantage vers les pays de l’Est avant de se tourner vers nous », explique-t-il.
Le manque d’intérêt de la Tunisie pour l’Afrique observé dans le passé s’explique, selon l’universitaire, par deux raisons. Il y a, tout d’abord, l’instabilité politique et le manque de solvabilité des pays africains. La Tunisie était , ensuite, trop focalisée sur ses partenaires classiques au point d’oublier le Continent Noir. « Aujourd’hui, plusieurs pays africains sont devenus stables, créant des mécanismes d’assurance qui garantissent aux investisseurs une couverture en cas d’insolvabilité », souligne l’économiste. Autre fait notable : plusieurs pays africains réalisent aujourd’hui une croissance économique à deux chiffres, à l’instar du Rwanda, qui a pourtant subi un génocide en 1994, et de l’Ethiopie, ravagée par la famine. « Il existe beaucoup de projets dans ces pays portant, notamment sur les infrastructures et l’immobilier », précise-t-il.
« Une ruée vers l’Afrique »
La Tunisie, poursuit Wejdi Ben Rejeb, « ne doit pas placer tous ses œufs dans le même panier ». Dans cette optique, il faut qu’elle prenne au sérieux le potentiel offert par les pays africains. Cependant, ces derniers n’attendent pas que nous selon l’économiste. De fait, d’autres acteurs économiques se sont rués vers eux, à l’instar de la Chine, des États-Unis et du Maroc. « La Tunisie jouit, néanmoins, d’une bonne image auprès des pays africains », note-t-il. Cependant, pour pouvoir collaborer avec eux, il existe toute une machine à revoir : la douane, le transport et surtout la logistique. Sur ce point, Wejdi Ben Rejeb souligne que la Tunisie figure 30ème à l’échelle africaine, selon un rapport mondial, et 116ème à l’échelle internationale. Il faut aller à la recherche de nouveaux marchés en Afrique tout en prenant soin d’améliorer nos performances sur le plan de la logistique, selon lui. « Des entreprises tunisiennes ont d’ores et déjà investi en Afrique, plus précisément dans le domaine du Bâtiment et des travaux publics, ou encore l’agroalimentaire. Il existe un réel potentiel africain dont on doit profiter », souligne-t-il encore.
Moins d’étudiants africains en Tunisie au profit du Maroc
D’autre part, interpellé sur les récentes actions gouvernementales relatives à l’ouverture sur l’Afrique, Wejdi Ben Rejeb insiste sur l’importance de passer aux actes. Oubliés les déclarations d’intentions à présent, selon lui. « En France, à titre de comparaison, un secrétaire d’État est consacré à la définition de la position de la France dans le continent africain. La Tunisie a grandement besoin d’une initiative comparable », explique-t-il.
Autre problématique soulignée par l’universitaire : la baisse du nombre d’étudiants africains venant en Tunisie pour la poursuite de leurs études. « Ils [les étudiants] se tournent désormais vers le Maroc qui a bâti des complexes universitaires à l’américaine », rappelle-t-il. La Tunisie a, également, intérêt à reconquérir ces étudiants, étant donné qu’ils représentent des « touristes ». « Ils vivent, au minimum 9 mois par an en Tunisie et réalisent des entrées de devises dans le pays », précise-t-il. Et de conclure : « Nous avons intérêt à collaborer l’Afrique, mais il faut que ce soit fait sur de bonnes bases ».