Pourquoi les prix du pétrole risquent de flamber

Fermer le robinet d’or noir n’était pas facile ; le rouvrir semble encore plus délicat. Le 12 avril 2020, les 23 pays membres de l’Opep+ ratifiaient un accord historique en s’accordant à réduire conjointement leur production à partir du 1er mai. Depuis, la demande augmente considérablement, mais l’offre ne suit pas. Les deux principaux pays producteurs du cartel, l’Arabie saoudite et la Russie, veulent maintenir cette politique de réduction de la production puisque cela leur permet de profiter des prix élevés mais certains – les Émirats arabes unis (EAU) en tête – rongent leur frein. Alors qu’un large consensus au sein de l’organisation plaide depuis jeudi en faveur d’une augmentation de production de 400 000 barils par jour entre août et décembre 2021, Abou Dhabi avance plutôt le chiffre de 600 000.
L’annulation de deux réunions et le report sine die d’une réunion prévue lundi ont fait grimper les prix du baril à près de 80 dollars. Le pétrole américain est à son plus haut niveau depuis 2014 et le prix du baril de Brent n’a pas été aussi élevé depuis deux ans et demi. Le litre du gazole, tombé à 1,16 euro pendant le premier confinement, est aujourd’hui vendu en moyenne 1,43 euro dans les stations-service françaises. L’absence d’accord entre les « rois du pétrole » alimente toutes les spéculations. Y compris celle d’un prix du baril qui dépasserait les 100 dollars, ce qui n’était arrivé qu’entre 2008 et 2014. «  Pour l’instant, cette hypothèse me semble peu vraisemblable. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite étant des alliés stratégiques, ils n’ont aucun intérêt à se chamailler trop longtemps, commente Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) et spécialiste des problématiques énergétiques. Les pays de l’Opep+ n’ont pas intérêt à laisser les Émiratis gamberger. »
Lorsque le prix du pétrole avait dépassé les 100 dollars, les producteurs avaient du mal à suivre la progression de la demande, tirée par la croissance de la Chine. La situation est nettement différente aujourd’hui. Les membres de l’Opep+ ont d’énormes capacités de production, qui leur garantiraient de pouvoir répondre à la demande si l’organisation décidait d’ouvrir les vannes. Les EAU ont par exemple réduit de 35 % leurs capacités, bien davantage que les autres pays producteurs.
*Guerre des prix
Si aucun accord n’était trouvé prochainement, les pays membres pourraient se livrer à une guerre des prix, à l’instar de celle que s’étaient menés en mars 2020 la Russie et l’Arabie saoudite. « L’alliance risquerait alors d’imploser puisque chacun va vouloir produire et exporter davantage, quelles que soient les décisions prises collectivement », prévient Marc-Antoine Eyl-Mazzega. D’autant qu’un départ des EAU de l’organisation est évoqué ces derniers jours. Les dirigeants émiratis y songent depuis quelques mois, mais n’ont pas encore osé franchir le Rubicon. Une telle décision, qu’on ne peut pour l’heure écarter, déstabiliserait encore davantage les marchés. En réalité, argue Marc-Antoine Eyl-Mazzega, « l’Opep se préoccupe surtout du niveau des stocks la Chine et surveille comme le lait sur le feu le redémarrage de la production américaine ».
De l’avis général des analystes, les prix devraient rester structurellement élevés, car la demande ne faiblit pas. « Mais les membres de l’Opep+ ont intérêt à faire baisser les prix puisqu’un baril à 80 dollars risque de ralentir la croissance de la demande et est susceptible de nourrir l’inflation », relève Francis Perrin. Le baril devrait donc se maintenir ces prochains mois au-dessus des 70 dollars, au grand malheur des automobilistes…
(Le Point)

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