Pourquoi n’a t’on plus le « droit » de mourir à Tunis ?

Si Cocteau disait : »le vrai tombeau des morts, c’est le coeur des vivants« , mais un lieu, dans sa symbolique, sert pourtant bien à la mémoire, la question du « où » est essentielle, car elle porte en elle la possibilité ou plutôt le devoir du souvenir pour les générations qui suivent.
En France, deux villes ont adopté un arrêté municipal afin d’interdire aux populations de décéder sur leur territoire, la première est Sarpourenx, une commune située dans le département des Pyrénées-Atlantiques, elle avait établi en 2008 l’arrêté afin d’agrandir le cimetière local et la seconde est Cugnaux, une commune située dans le département de la Haute- Garonne et ceci en raison d’un manque de places dans le cimetière,  à Biritiba-Mirim au Brésil, le maire Roberto Pereira a interdit aux habitants de mourir car il ne souhaitait pas lancer des travaux d’agrandissement du cimetière.

Alerte rouge sur nos cimetières à Tunis
Au grand Tunis et face à l’explosion démographique enregistrée, les communes se trouvent confrontées à la saturation de leurs cimetières, ces lieux de repos tellement indissociables des villes et considérés comme indispensables et symboliques. De nos jours, tous les cimetières du grand Tunis frôlent la saturation, la place des morts déborde toujours ses lieux.
Si aucune extension ni création de nouveaux cimetières ne seront réalisées, les présidents des municipalités du grand Tunis seront eux aussi dans l’obligation d’adopter un arrêté municipal pour interdire de décéder sur leur territoire.
Ces lieux du souvenir au sein de nos villes demeurent des lieux privilégiés, ils subissent la même destinée que les hommes, ils naissent, grandissent, changent d’aspects et sont appelés aussi à mourir tôt ou tard.Leur évolution est lente, leur histoire nous montre comment ils sont créés, comment ils sont utilisés et comment ils disparaissent.
En ces temps difficiles, par les ravages de l’épidémie « covid-19 » qui a accru la mortalité surtout lors de sa deuxième ronde mais aussi par le problème qui devient phénoménal chez nous la harka qui est le fruit du chômage, de l’instabilité politique, des crises économique et sanitaire et du mal être des jeunes dans notre pays. Résultat des centaines de corps ont été repêchés sur les côtes entre la ville portuaire et l’île de Djerba, (45 corps ont été retrouvés en une seule journée) des dizaines de corps recrachés par la mer tous les jours après des naufrages s’entassent en attendant d’être dignement enterrés.
Aujourd’hui ce qui reste comme espace libre dans nos cimetières ne correspond en rien par rapport au nombre de personnes qui sont enterrées par jour.
Si vous voyez le nombre de personnes qu’on enterre quotidiennement, vous vous rendrez compte que nous-mêmes, risquons d’avoir des problèmes dans quelques mois si une solution n’est pas trouvée dans peu de temps.

Être enterré à Tunis devient un luxe
Il est de notre rôle quand nous voyons des problèmes en perspective d’en parler pour que les autorités agissent à temps, nous avions constatés que les cimetières se remplissaient très vite et que nous allions manquer rapidement de place.
Avec 3 millions d’habitants, le Grand Tunis (Tunis, Ariana, Ben Arous, Manouba) se classe au premier rang des zones les plus peuplées du pays. La population du district représente 25 % de la population totale, et vit sur un territoire ne dépassant pas 2 % de la superficie du pays, Alors que les 90 cimetières du Grand-Tunis couvrent 150 ha avec une capacité d’accueil de 270 mille tombes, et sachant que  60 mille tombes seront réutilisés d’ici 8 ans, malgré les timides opérations d’extension, ces cimetières étouffent, et même débordent.
Une étude est en cours au Ministère de l’Equipement afin d’identifier de nouvelles réserves foncières pour les mettre à la disposition des municipalités pour la construction de nouveaux cimetières, mais au rythmes de notre actuelle administration nos morts risquent d’être un fardeau sous peu.

La mort, une affaire publique
En fait l’emplacement, l’aménagement des cimetières doivent être pensés et conçus lors de l’établissement des plans d’aménagement des villes.
Le sujet des cimetières est riche et complexe, la culture, l’histoire sociale, la psychologie tiennent une place importante et la question ne peut être réduite à une seule approche technique.
Il est même intéressant d’observer les usages contemporains et de se tourner vers le passé pour mieux comprendre comment les cimetières ont évolué et connaissent encore d’importants changements.
Le problème aujourd’hui c’est que généralement, quand on crée des villes on ne pense pas suffisamment aux cimetières, on pense juste aux espaces verts et à autre chose et jamais à des cimetières, pourtant  Il nous est appris dans le Coran que nous devons vivre, mais aussi mourir.
Il faut dire qu’aujourd’hui le problème du manque de places dans les cimetières est posé partout dans le monde.
Les cimetières chinois des grandes villes comme Pékin ou Shanghai, sont pleins, une tombe pour 20 ans à Pékin coûte 70 000 yuans, environ 10 000€ et le prix ne cesse de grimper. A Shanghai, il a plus que doublé en 5 ans et désormais le m2 de tombe coûte 2 fois le prix du m2 à vivre !
L’humanité est confrontée à un sérieux problème.

*M.K Architecte

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