Dès le limogeage du président Morsi par l’armée égyptienne, les dirigeants d’Ennahdha ont réagi avec vivacité en protestant contre cette nouvelle intervention militaire contre les islamistes égyptiens. Le dimanche 7 juillet un rassemblement de protestation a été organisé devant l’ambassade d’Égypte à Tunis : un petit millier de citoyens ont poussé des slogans hostiles, mais aucun dirigeant nahdhaoui n’était présent et seul le prédicateur Adel El Elmi (toujours lui !) a dénoncé ce “coup de force comme le prélude d’une conspiration contre les islamistes en général” sans arriver à exciter la foule. On peut comprendre qu’appartenant à la même mouvance nos islamistes peuvent craindre la contagion, les mêmes causes — inertie, favoritisme, chômage persistant, etc. —, pouvant produire les mêmes effets dans deux pays sortant d’une révolution populaire.
Aussi un vaste rassemblement populaire a-t-il été organisé par Ennahdha le 13 juillet sur l’Avenue Bourguiba. C’était dans l’ordre des choses. Mais ce qui l’était moins, c’est que des responsables déclarent que “les affaires de la Tunisie doivent être mises entre parenthèses jusqu’à ce que celles d’Égypte soient réglées”. Et les 11 millions de Tunisiens “comptent pour du beurre” ? Pour eux, ce n’est pas en combattant par les armes qu’ils souhaitent “régler leurs affaires”, c’est en terminant au plus tôt la Constitution, en élisant l’ISIE, en organisant des élections le plus tôt possible, à condition qu’elles soient honnêtes et que les Ligues de protection de la Révolution cessent de menacer de “faire couler le sang“, tandis que Sahbi Atig déclare en substance que “ceux qui piétineront la légitimité seront écrasés sous les pieds des Tunisiens”. Jamais l’opposition, même l’extrême-gauche, n’a proféré de telles menaces, auxquelles nous ont pourtant habitués les Chourou, Ellouze, Zitoun et autres. C’est en faisant réussir la Commission des compromis, qui est en train de se réunir, que l’on pourra faire coexister la majorité et l’opposition et non par le fer et le feu.
Mercredi 17 juillet : dommage ! On le sentait venir après les démissions d’Al Joumhouri la semaine dernière, notamment celle de Yassine Brahim. Mais aujourd’hui l’inévitable s’est accompli, avec le divorce entre Afek Tounes et l’ex-PDP, deux partis de centre gauche pourtant, même si le penchant vers la laïcité était plus prononcé du côté du premier (et le plus petit) qui, de 8% à la fusion, est tombé à 2% selon les dires de Noomane Fehri et qui n’a pas accepté que “les décisions soient prises par un noyau dur de quelques personnes”. Il semble par ailleurs que les Afek Tounes soient davantage intéressés par une union avec l’Union pour la Tunisie que les anciens du PDP auxquels ils reprochent un certain rapprochement avec Ennahdha — peut-être avec la perspective d’une élection présidentielle pour laquelle Néjib Chebbi a toujours été intéressé et d’un “coup de pouce” des Nahdhaouis qui ne serait pas refusé ! (Après tout, dans “une autre vie”, bien des anciens comme moi, se souviennent certainement d’une caricature explicite parue dans Réalités (en 1988) et portant la légende “Nejibullah”, laissant supposer un certain attrait de Si Néjib pour des voix islamistes). Cela ne s’est pas concrétisé à l’époque, mais ne dit-on pas que “l’histoire est un éternel recommencement ? ”
Pour en revenir au divorce Afek/Joumhouri, Iyed Dahmani nous assure dans La Presse que les deux partis “se retrouveront certainement lors des prochaines batailles électorales. C’est l’essentiel pour le camp démocratique qui devra compter sur tous les partis que nous avons incités à se regrouper en pôles pour avoir plus de force !
Vendredi 19 juillet : éviter la contagion ! Le démissionnaire Ahmed Khaskhoussi a tenu hier une conférence de presse où il a critiqué — à juste titre, certes — le projet de Constitution, la manipulation de l’ANC par la Troïka, la “reprise des méthodes de Ben Ali contre la démocratie naissante”… Confirmant que sa démission est une décision du MDS, il l’a présentée comme le signal d’éventuels autres départs de l’ANC. C’est là à mon avis que le bât blesse, car il s’agirait d’une décision qui serait grave si elle faisait “boule de neige” parmi les Constituants, car l’ANC continuerait à siéger en l’absence de tous les membres du bloc démocratique, assurée du quorum nécessaire et cela permettrait toutes les dérives, tous les excès, car quoi qu’on en dise, les protestations et les contre-propositions des démocrates ont souvent fait échouer bien des tentatives de la réaction de faire avaliser des propositions liberticides et ont permis au moins de “limiter les dégâts”. Les interventions des députés du Front populaire, du Massar, de Nidaa Tounes, du doyen Moussa et d’autres encore ont amené à modifier de nombreux articles des drafts de la Constitution (ce n’est pas pour rien qu’on est arrivé au quatrième, et ce n’est pas fini !). Ce n’est pas en pratiquant la politique de l’autruche ou en faisant intervenir “la rue” — pas toujours bonne conseillère — que l’on fera avancer le camp démocratique.
Dimanche 21 juillet : pour cette fin de semaine, deux points à relever, l’un positif, l’autre négatif. Le premier est l’élection samedi de 8 membres de l’ISIE (dont 2 anciens) sur 9. Le point noir, c’est l’affaire de la Cité Ghazala : on sait depuis longtemps que le gouvernorat de l’Ariana cache des activités djihadistes, il ne faudrait pas que le Jebel Ennahli devienne un second Jebel Chaâmbi. Il faut agir avant. J’y reviendrai.
Par Raouf Bahri