Suite à l’article publié par «Réalités» dans sa livraison du 5 Septembre 2013 sur les maladies transmissibles en Tunisie, intitulé «Paludisme, Rage, Typhoïde… et quoi d’autres», la Direction des Soins de Santé de Base (ministère de la Santé) souhaite apporter les précisions suivantes :
S’agissant de nouveaux risques liés au paludisme suite à la découverte de 4 cas infectés en Tunisie en Juin dernier, l’auteure de l’article a rattaché cette maladie à ce qu’elle a considéré « la saleté des individus et de l’environnement » alors que l’anophèle moustique vecteur de cette maladie se développe autour des eaux propres. Ceci étant dit, l’évolution de la situation du paludisme en Tunisie montre bien qu’on a pu préserver les acquis en détectant et en traitant les cas importés (50 à 70 cas/an en moyenne) et en cernant ce petit foyer de 4 cas en juin dernier sans lui permettre de s’étendre. Le maintien de la situation et la réactivité du système de santé indiquent le risque très minime de réinstallation du paludisme surtout que le paludisme autour des aéroports est bien connu même dans les pays très développés (comme la France) qui continuent à déclarer des cas chaque année (1724 cas aux USA, et 1890 cas en France en 2011).
Quant au risque lié au choléra, il est également minime compte tenu du développement du système de santé en parallèle avec l’évolution du niveau de vie et les réseaux d’évacuation des eaux usées ainsi que leur traitement. En plus de la vigilance pour détecter les cas importés et leur prise en charge rapide, la Tunisie a installé un système de surveillance environnementale pour renforcer la vigilance. C’est grâce à ce système qu’on a pu détecter le vibrion à Meliane et non pas au port de Radès (sic). Les mesures d’investigation et de surveillance ont été prises et le suivi n’a montré aucun cas humain malade ou porteur malgré la surenchère des médias. Le problème n’est pas d’avoir des cas de choléra dans un pays, -même les pays développés en enregistrent,- mais c’est celui de ne pas avoir les capacités et les compétences pour cerner la transmission et il faut se rappeler que (1-2 cas /an en France, 40 cas aux USA, 9 au Canada, 4 en Allemagne…) dans tous les cas on ne peut jamais cacher une flambée de Choléra déclarée.
Pour la fièvre typhoïde, maladie à transmission hydrique en rapport avec l’hygiène générale et individuelle, il faudrait rappeler qu’elle est très répandue dans le monde et reste endémique dans plusieurs pays. En Tunisie, cette maladie connait une tendance nette à la dimunition (252 cas en 1996, 65 cas en 2000, 61 cas en 2006 et 28 cas en 2012). Certe, des efforts doivent être maintenues et renforcés dans la distribution des eaux et la canalisation des eaux usées surtout en milieu semi-rural ainsi que le contrôle des denrées alimentaires dans les secteurs parallèles pour soutenir l’amélioration induite par l’éducation et l’urbanisation. L’intervention des médias reste très importante dans ce domaine où le comportement individuel joue un rôle crucial dans la transmission de la maladie.
En ce qui concerne la rage, il serait utile de rappeler qu’il ne s’agit pas d’une maladie émergente ou ré-émergente pour tirer la sonnette d’alarme à propos d’un cas quand on enregistre des cas humains (0-2 cas en moyenne) et plusieurs cas animaux chaque année. Toutefois, la maladie est considérée maitrisée par rapport à d’autres pays et ce grâce à un programme national multisectoriel fort bien structuré. On vaccine près de 470000 chiens et autres animaux par an depuis le début des années 90 et on prend en charge près de 35000 personnes agressées chaque année.
Le problème demeure cependant, au niveau des chiens errants, de la relation de l’animal avec le propriétaire (vaccination, nourriture, chiots abandonnés) et de la gestion des ordures ménagères et celle des déchets des abattoirs pour freiner l’augmentation de la population canine. Dans ce cadre, on relève aussi l’importance du rôle éducatif multisectoriel pour améliorer le comportement du citoyen.
Par ailleurs, quand on vient à la fièvre du West-Nile, c’est la maladie émergente par excellence en Tunisie. On a enregistré des cas et des flambées par certaines saisons ; mais cela n’est pas propre à la Tunisie quand on sait que plusieurs pays d’Europe, du pourtour méditerranéen ainsi que les États Unis ont été confrontés à ce problème durant les mêmes saisons, témoignant d’une transmission globale de cette maladie par le biais des oiseaux migrateurs. En 2012, on a enregistré 161 cas en Grèce, 101 cas en Israel, 28 en Italie, 6 au Kosovo, 15 en Roumanie, 71 en Serbie, 86 en Tunisie, 13 en Turquie, 235 cas au Canada et 5128 aux USA.
En fait, la Tunisie a subi cette fatalité comme les autres pays, à travers les oiseaux migrateurs, mais ce qui est réconfortant c’est que le système a réagi depuis la première flambée en 1996 et a installé un programme de vigilance saisonnière pour surveiller, détecter et prendre en charge à temps et avec une qualité de soins optimale.
D’ailleurs, ce n’est que grâce à cette stratégie d’alerte présaisonnière qu’on a pu détecter à temps les flambées et surtout les cas sporadiques difficiles à diagnostiquer en dehors d’épidémie.
Evolution des cas :
|
2000 |
2006 |
2012 |
2013* |
Hépatite A-E |
778 |
638 |
412 |
353 |
F. Typhoïde |
67 |
61 |
28 |
18 |
Paludisme |
25 |
36 |
77 |
28 |
Rage Animale |
266 |
180 |
282 |
140 |
Rage Humaine |
2 |
1 |
3 |
1 |
En tout état de cause, détecter quelques cas d’une maladie transmissible rare ou grave n’est pas exceptionnel à notre époque avec la multiplication des échanges, des voyages et les porteurs sains. Les pays les mieux nantis continuent à déclarer des cas de choléra, de peste (3 cas aux USA en 2011) et de fièvre typhoïde (390 cas aux USA en 2011 et une centaine de cas/an en France)… La question est plutôt celle d’avoir un bon système de surveillance pour détecter rapidement les cas, cerner les foyers et arrêter la transmission. C’est grâce à des systèmes de vigilance et des actions de riposte adaptées que la Tunisie suit la situation mondiale et prépare les stratégies. Il y a eu des plans de ripostes pour les risques vécus tels que le SARS, l’anthrax, la fièvre de la Vallée du Rift, l’escherichia coli, le chikungunya, le corona virus MERS… pour ne citer que ceux là.
Il faudrait être bien informé pour traiter de ces sujets et la meilleure façon d’être informé c’est celle de chercher l’information auprès des services concernés. Même l’OMS fait autant. Les données et les évènements sanitaires de la Tunisie sont publiés par l’OMS et la Tunisie est toujours une référence pour ses programmes et ses performances qui lui ont valu maintes reconnaissances.
Il est de bon ton de témoigner de la reconnaissance à nos prédécesseurs pour avoir su maitriser les grands fléaux et éradiquer plusieurs maladies. Le même témoignage de considération doit s’adresser aussi à ceux qui veillent aujourd’hui à maintenir les acquis.