Préjugé favorable

Pour répondre à une revendication nationale et, accessoirement, internationale, le Président Saïed a dévoilé la feuille de route destinée, au terme d’une année, à redonner à la vie politique tunisienne de la stabilité et de la décence.

Deux postulats, partagés par une écrasante majorité de Tunisiens, fondent la démarche choisie : le système politique et la loi électorale ont montré leur nocivité manifeste et doivent être impérativement révisés.

De ce premier constat découle une conséquence évidente : la Constitution de 2014 doit être réformée. Ses lacunes n’échappent qu’aux hypocrites et aux contrebandiers qui en tiraient sinécure et prébendes.

Ceux qui hurlent à gorge déployée au coup d’État ne peuvent pas feindre d’ignorer l’état de l’opinion publique, à savoir sa large adhésion au processus politique arrêté par le chef de l’État. Ils auront beau coucher à la belle étoile dans la froidure, l’écho de leurs gémissements ne dépassera pas le cercle de leurs fidèles.

Ceci étant, il est tout à fait sain que l’unanimisme ne soit pas la règle et que certains puissent publiquement rejeter ce processus : le respect de la minorité, fût-elle réduite, est un pilier démocratique.

Il est tout aussi loisible pour d’autres de reprocher audit processus politique sa durée : un an leur paraît une éternité alors que depuis 10 ans nous prenons notre mal en patience en supportant une vie politique infecte.

Le débat sur la méthodologie présidentielle et notamment les conditions de la consultation nationale n’offense personne et peut même en améliorer certains aspects. On a, également, le droit d’être sceptique sur les moyens de la mise en œuvre d’une réconciliation pénale aux contours flous. Est-il réellement possible de la fonder sur les travaux d’une Commission qui datent de plus de 10 ans ?

Il est important que l’impression d’unilatéralisme qui a accompagné l’annonce de la feuille de route présidentielle soit atténuée par une écoute des opinions divergentes.

Pour autant, peut-on considérer les appels à la sédition armée ou au changement par la rue comme l’expression démocratique de revendications politiques ?

Les appels à la mutinerie armée et à la désobéissance des forces de l’ordre perpétrés par les deux indécrottables CPR que sont Moncef Marzouki et Mohamed Abbou jettent une lumière crue sur la sincérité de leurs convictions démocratiques : appeler les forces armées à désobéir à leur chef suprême et le peuple à descendre dans la rue pour renverser le régime relèvent de l’arsenal fasciste. Lorsqu’en 1922, Mussolini décida de prendre le pouvoir, il fit appel aux mêmes méthodes que préconisent nos deux larrons en foire.

L’hypothétique front républicain, mélange hétéroclite d’opportunistes et de désœuvrés, qui tente de se mettre en place contre une dictature fantasmée, a du plomb dans l’aile avant même d’exister pour une raison essentielle : il est incapable de nous convaincre qu’avant le 25 juillet 2021 nous jouissions d’une vie politique respectable.

En refusant de reconnaître que nous vivions, avant cette date, sous le joug d’une alliance des islamistes et de la pègre, ce front contre un putsch imaginaire fait sciemment le choix de se vautrer dans le mensonge et le déni.

Pourquoi ces grands démocrates se sont-ils tus quand la peste islamiste rongeait l’âme de notre nation à travers les filières djihadistes et les écoles talibanes?

Pourquoi ces mêmes grands démocrates n’ont-ils pipé mot lorsque des femmes députées étaient agressées sauvagement au sein de l’hémicycle ?

Lorsque ces démocrates du dimanche viennent aujourd’hui pleurer sur les libertés perdues et la démocratie en péril, j’ai eu une forte envie de leur dire le mot de Cambronne.

Si l’on met de côté les petits cris de ces vierges effarouchées, on peut penser que le président Saïed a droit, au moins, au préjugé favorable : celui qui a renvoyé dans leurs pénates un ramassis de délinquants accoutrés en politiciens, celui qui a mis le holà à la dérive islamiste et au démantèlement de l’État mérite qu’on continue à lui accorder un soutien critique.

L’accueil positif réservé à la feuille de route présidentielle aussi bien aux États-Unis qu’en Europe participe de ce préjugé favorable.

Soyons clairs : un préjugé favorable n’est ni un blanc seing, ni un jugement définitif. Attendre, par ailleurs, une année pour espérer aboutir à des institutions politiques crédibles et stables ne relève pas du sacrilège et ne justifie pas les complaintes éplorées.

*Avocat et éditorialiste

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