Saisissant l’opportunité de la journée mondiale du logement le 3 octobre 2017, professionnels de la promotion immobilière et autorités de tutelle, en l’occurrence le ministère de l’Equipement et de l’habitat, renforcés par la participation de Ahmed El Karam, président de l’APPEF ont procédé à un bilan et une autocritique du programme baptisé de façon impropre “1er logement” alors qu’il s’agit “d’un financement privilégié du logement principal” destiné aux cadres et à la frange supérieure de la classe moyenne qui bénéficie de revenus fixes.
Les responsables de ce programme réunis lors de la cérémonie inauguration du salon expo-finance ont abouti à la conclusion que ce projet, pour le moins, n’a pas répondu aux attentes et aux ambitions des organisateurs, même s’il n’a démarré que depuis six mois.
En effet, alors qu’il devait financer l’acquisition de 800 à 1000 logements (50 MD seulement de prêts ont été consommés alors que le budget 2017 avait prévu 200 MD), le programme n’a bénéficié qu’à 260 bénéficiaires alors que 140 dossiers sont encore en cours d’étude chez les 15 banques signataires de la convention.
Il y a là une déception amère chez les organisateurs du projet, qui affichaient il y a neuf mois enthousiasme et optimisme.
Disons tout d’abord que les objectifs diffèrent chez les différentes parties prenantes de cette initiative.
Les députés de l’ARP seraient soucieux de favoriser l’accès à la propriété d’un logement décent par la frange supérieure de la classe moyenne, essentiellement des cadres supérieurs, alors que cela était devenu un rêve impossible à réaliser compte tenu de la spirale infernale du coût des logements dits de standing et ce malgré des rémunérations régulières et relativement élevées pouvant aller jusqu’à dix fois le SMIG pour un couple.
Outre les limites de leur capacité de remboursement des crédits bancaires nécessaires à cette acquisition, ces couples conformément à la réglementation ne disposent pas des 20% nécessaires pour assurer l’autofinancement, alors que pour les promoteurs immobiliers et le ministère de l’Equipement, le problème crucial consistait à sauver de la catastrophe plusieurs dizaines de promoteurs immobiliers qui souffraient d’une lenteur désespérante du rythme de vente de leur stock de logements de standing. En fait, il s’agit de logements achevés et invendus à cause des prix élevés, alors qu’ils doivent honorer leurs engagements financiers vis-à-vis des banques.
Il y a lieu de se demander pourquoi le programme est-il mal parti ? Pourquoi n’a-t-il pas atteint les objectifs qui lui ont été assignés ?
Il y a d’abord un déficit flagrant de communication et d’information de la population cible à laquelle s’adresse ce programme.
Ensuite, la multiplicité des partenaires (banques, BCT, promoteurs,…) et la complexité des formalités administratives avec un grand nombre de documents à fournir.
Au-delà des erreurs et des maladresses commises lorsqu’il y a eu publication du décret comportant les coordonnées des quinze promoteurs immobiliers qui disposaient des logements éligibles au financement du programme, aux dépens des autres, ce qui a provoqué une levée de boucliers sans précédent chez les députés de l’ARP.
Le programme comporte des lacunes comme l’exclusion des régions intérieures du pays où les promoteurs ne disposent pas de logements prêts à vendre.
Les couples qui n’ont pas de revenus fixes et réguliers sont exclus du bénéfice du programme.
La fourchette de revenus mensuels fixée dans le décret est trop contraignante (de 4,5 à 10 fois le SMIG) soit entre 1534 et 3932 dinars par mois et par couple au niveau de la capacité de remboursement du couple si l’on tient compte du prix élevé des logements : autour de 2 mille dinars le mètre carré en moyenne. Par ailleurs, les couples sont souvent engagés dans d’autres crédits à rembourser : achat de voitures en leasing, de meubles ou d’appareils électroménagers,…
La durée de remboursement du crédit bancaire fixée à vingt ans est également restrictive d’où la proposition de l’étendre à 25, voire 30 ans.
En préparant le texte du décret et dans la précipitation, le législateur a cherché plus à favoriser l’absorption des stocks de logements achevés et invendus qu’à permettre aux bénéficiaires de rembourser leurs crédits dans des conditions correctes. En effet, comment, à partir de la sixième année, rembourser le crédit accordé par l’Etat sur 12 ans soit 40.000 D, même s’il n’est producteur que de 2% d’intérêts par an ( delai de grâce de 5 ans) et en même temps rembourser le crédit bancaire : 160.000 D sur vingt ans avec un intérêt de 8% par exemple ?
Une autre anomalie constatée par les candidats à l’acquisition d’un logement de standing, c’est que le plafond du prix fixé à 200.000 D pour le logement ne correspond pas à l’offre déclinée dans les quartiers résidentiels convoités.
Ennasr, les Berges du LaC II, les jardins de Carthage et d’El Menzah, la Marsa, la Soukra… où les prix sont plutôt entre 2500 et 3000 D le mètre carré, ce qui fait que même avec 100 m2 y compris la quote-part des communs, on arrive à 250.000 voir 300.000 D.
Il aurait fallu inverser le système pour faire coïncider offre et demande : concevoir des programmes immobiliers dans des sites et selon des prix qui correspondent aux spécifications souhaitées par les candidats et aux conditions du programme premier logement donc sur mesure car les économies d’échelle lors de l’achat des terrains et de l’industrialisation du procédé de construction auraient permis de relever le challenge de faire baisser les prix de 30%.
A bon entendeur salut.
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