Première entreprise citoyenne : L’économie par la base

Kaïs Saïed a un projet politique et un autre d’ordre économique et social qu’il met au point un à un méthodiquement comme les pièces d’un puzzle et qui, ensemble, consacreront le système de démocratie par la base.

La première entreprise citoyenne est née à Beni Khiar dans le Cap Bon. Des terres collectives d’une superficie de 900 hectares destinées à l’exploitation agricole et touristique. Les habitants de la localité sont invités à devenir des actionnaires dans les futurs projets de reboisement de la forêt, d’exploitation du bois, d’arboriculture (pignon, pistache…) et même d’écotourisme (maisons d’hôte, randonnées équestres). Une séance préliminaire constitutive en présence des autorités locales et d’habitants s’est tenue le 1er octobre courant à la Maison des jeunes de la ville, au cours de laquelle l’appel a été lancé aux citoyens pour la participation au financement de la société par le biais de l’actionnariat à hauteur de 20 dinars le titre, l’Etat étant, lui, le propriétaire du terrain. Une autre entreprise devrait voir le jour à Takelsa avant la fin du mois courant et deux autres au cours du mois de novembre prochain. 

L’idée a fait son chemin
L’idée, considérée au départ par certains comme farfelue, est finalement en passe de devenir une réalité. La gouverneure de Nabeul, Sabah Malek, a même assuré que « les entreprises citoyennes auront la capacité de créer des emplois dans tous les secteurs », à condition bien sûr que les citoyens adhèrent à cette formule qui incite les particuliers à se lancer dans l’entrepreneuriat et les jeunes particulièrement à monter leurs propres projets en ayant comme associé l’Etat. Une garantie. 
En écho à la déclaration de la gouverneure, un membre du comité chargé de la gestion administrative de la société de Beni Khiar atteste de son côté avoir déjà réceptionné plus de 200 demandes de création de projets dans la localité.  Un bon signe et un indicateur des besoins immenses en développement dans les régions intérieures du pays.
En mars 2022, un décret présidentiel est publié au JORT instituant un régime juridique spécial fondé sur l’initiative sociale et solidaire permettant notamment l’exploitation de terres domaniales à l’abandon. Selon le texte, l’entreprise citoyenne est créée par un groupe d’habitants de la région dans le but de réaliser l’équité sociale et une répartition équitable des richesses par le biais de l’exercice collectif d’activités économiques qui répondent spécifiquement aux besoins en développement des différentes délégations de la région. 

Convergence entre le politique et l’économique
Il ne faut pas bien sûr compter sur les détracteurs politiques de Kaïs Saïed pour que l’initiative soit saluée et qu’elle soit considérée comme une opportunité socio-économique pour les habitants des régions intérieures quelles que soient les critiques ou les réserves qui peuvent être exprimées vis-à-vis de certaines dispositions du texte juridique. Car, il est évident que ce texte instaure les assises d’une stratégie régionale de développement économique et social qui devra concorder avec les objectifs du futur Conseil des régions et des districts institués par la Constitution de 2022.  Kaïs Saïed a donc un projet politique et un autre d’ordre économique et social qu’il met au point un à un méthodiquement comme les pièces d’un puzzle et qui, ensemble, consacreront le système de démocratie par la base. Les choses sont ainsi claires : le président de la République, élu au suffrage universel direct, a un projet politique, économique et social mais qu’il n’a pas divulgué au cours de sa campagne électorale. Il avait même affirmé ne pas en avoir. C’est une sacrée grande différence avec tous les dirigeants politiques qui ont gouverné après la chute du régime de Ben Ali. On peut ne pas être d’accord avec les orientations de ces projets, on peut s’y opposer et même œuvrer à les faire échouer, mais il n’est plus possible de prétendre qu’il travaille seul, qu’il ne consulte personne et qu’il fait n’importe quoi. Le président a, bien au contraire, des conseillers, des « souffleurs » et des concepteurs de projets qui les lui suggèrent et qu’il avalise. Le concept des entreprises citoyennes, par exemple, serait déjà à sa quatrième société. 
Une chose est sûre, Kaïs Saïed bosse. Il planifie discrètement dans un cadre restreint de collaborateurs et décide après mûre réflexion.  Le président de l’Isie, Farouk Bouaskar, l’a révélé pour ce qui concerne l’amendement de la loi électorale. « L’Isie a été consultée et nous avons fait toutes les propositions que nous avons jugés nécessaires et elles ont été prises en compte ». 
Kaïs Saïed a-t-il un projet économique et social pour la Tunisie ? Oui. Mais il est différent de ceux qui l’ont précédé. Il repose sur deux piliers : l’Etat (le secteur public) et l’individu (l’initiative privée).  Tout citoyen est en mesure de créer de la richesse. Donc plus de place aux cartels, aux lobbys. La même configuration que celle du domaine politique qui a vu le recul du rôle des partis politiques. Les hommes d’affaires devraient connaître un sort similaire par le fait d’un ensemble de révisions des lois relatives notamment à l’économie de rente et au monopole, sans oublier que dans le cadre de la réconciliation financière, les biens spoliés seront investis dans des entreprises citoyennes.

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