Première opération de Daech en Tunisie

On s’y attendait et la question n’était pas “Y aura-t-il une opération de Daech en Tunisie ?” mais “quand et où ?”. On sait que l’hydre terroriste s’est solidement installée en Libye où elle a déjà porté la mort en décapitant 21 coptes égyptiens, et il ne fait pas de doute qu’un certain nombre de nos compatriotes rentrés du “djihad” en Syrie attendent leur tour d’intervenir dans nos murs.

C’est donc à la veille de l’anniversaire de l’Indépendance de la Tunisie (le 59e) que ses partisans ont décidé de passer à l’action, qui a été dûment revendiquée. Le bilan est lourd (23 morts et 47 blessés) et pour la première fois le sang tunisien s’est mêlé à celui de touristes de diverses nationalités, scellant ainsi une fraternité dans la mort.

Une semaine après ce triste évènement, ce n’est plus la peine d’en étudier le déroulement, si ce n’est pour féliciter les forces de l’ordre qui sont rapidement et efficacement intervenues, protégeant les touristes dans leur fuite et abattant les terroristes, au prix de la perte d’un nouveau martyr, le sous-officier Aymen Morjane (élevé au grade de lieutenant à titre posthume). Les secours sont intervenus rapidement, ce qui a été relevé par les parents des victimes qui les ont remerciés.

Réunis le 19 au soir, le Conseil supérieur des forces armées et le Conseil supérieur des forces de sécurité intérieure se sont réunis en présence de Béji Caïd Essebsi et de Habib Essid, une série de décisions ont été prises pour mieux sécuriser les lieux touristiques, les postes, les institutions de l’Etat, de mettre la Capitale et les grandes villes sous le contrôle de l’Armée, qui a aussitôt pris position autour de l’immeuble de la Radio nationale. En un mot, il faut considérer que nous sommes dès maintenant en guerre contre Daech et consorts.

Ce qui a mis du baume aux cœurs des Tunisiens, c’est la réaction courageuse des touristes qui, de Aïn Draham à Djerba, se sont joints aux habitants pour crier leur appui à la Tunisie, brandissant des pancartes disant “Nous sommes tous la Tunisie”, “Nous sommes Bardo” et promettant de revenir passer l’été sous nos cieux. L’appui des pays amis a été, lui aussi, unanime : Bertrand Delanoë, Bernard Caseneuve et Michel Vauzelle sont venus déposer des fleurs à la mémoire des victimes.

Renforcer la frontière avec la Libye

Il y a une quinzaine de jours, une soixantaine de camions venus de libye passaient en force la frontière à Ras Jédir. Est-ce un hasard si dans les jours suivants, des dépôts d’armes étaient découverts dans plusieurs localités du Sud tunisien ? Le 15 courant, rebelote et cette fois-ci, ce sont 100 camions qui ont tenté de renouveler l’expérience. La presse nous dit que les gardes nationaux et les douaniers ont tenté de les arrêter en tirant des coups de feu “en l’air”. Il me semble que, ne s’agissant quand même pas de tanks, quelques rafales tirées dans les pneus auraient été plus efficaces tout en ne mettant pas en danger la vie des conducteurs. Il paraît que c’est parce que la fouille par les douaniers leur fait perdre du temps que les chauffeurs perdent patience. C’est bien dommage, mais ce qui importe c’est que les armes et les munitions cessent d’entrer dans le pays.

Dans le “feuilleton de Nidaa Tounes”

de la semaine dernière, il y a quelque chose qui m’inquiète beaucoup, c’est ce que l’on raconte du désaccord entre l’élu Wahid Jelled et deux autres élus, Chafik Jerraya et Nabil Karoui, le premier accusant les deux autres d’avoir reçu des sommes d’argent importantes de Abdelhakim Belhaj, un Libyen, ancien opposant à Kaddafi et actuellement Commandant militaire de Tripoli, et le 9 mars déjà, Walid Jelled avait déclaré à Radio Mosaïque FM que Belhaj poussait le gouvernement et la présidence de la République à reconnaître le gouvernement de “Fajr Libya”. Ce dernier étant considéré en Tunisie comme “terroriste”. C’est là que le bât blesse, car il est dangereux pour notre Tunisie de prendre parti pour l’un des camps armés jusqu’aux dents qui se battent en Libye. C’est la recommandation expresse qu’a faite Béji Caïd Essebsi, et avant lui Mehdi Jomâa, à qui Rached Ghannouchi vient justement de reprocher – le 14 mars à Sousse, à l’occasion de la célébration de la Journée de la femme par Ennahdha – d’être resté neutre dans le conflit libyen et d’avoir interdit l’entrée en Tunisie de 250 “leaders libyens”. Au contraire, remercions Mehdi Jomâa et BCE de cette prudence, nous avons déjà assez à faire avec nos propres djihadistes !

Mais je voudrais surtout revenir sur la crise interne qui secoue Nidaa Tounes (crise de croissance). Malgré les mises en garde lancées vendredi dernier par le Vice-président Mohamed Ennaceur et d’autres responsables, la réunion prévue pour le samedi 14 s’est quand même tenue en présence de plus d’un millier de participants convoqués par un “Groupe de rectification” et Hafedh Caïd Essebsi a précisé qu’il s’agissait bien d’un conseil national qui a été convoqué parce que le Comité constitutif a échoué dans sa tâche de diriger le parti.

La présence de “tenors” du parti, tels que Khemaïs Ksila, Abelaziz Kotti, Khaled Chaouket, Saïd Aïdi entre autres, a confirmé que cette réunion improvisée “dépassait les limites du conseil national” et visait à “rectifier le parcours au sein du parti”, notamment en faisant appel à un grand nombre de cadres de l’intérieur du pays. En conclusion, les recommandations ont été de former un Bureau politique de 44 membres, les 14 du Comité constitutif et 30 autres membres élus par le Bureau exécutif élargi aux députés et aux coordinateurs régionaux. Le surlendemain, 16 mars, Mohsen Marzouk a annoncé à Mozaïque FM qu’un accord avait été conclu avec les “mutins” (c’est moi qui les appelle comme ça) et que le Bureau politique sera élu le 21 mars et sera formé de 10 députés, 10 membres du Bureau exécutif et tous les membres du Comité exécutif. On en était là le 17 ; le “consensus” fera-t-il à nouveau des miracles et l’accord sera-t-il signé ? En tout cas, le Vice-président du bloc parlementaire de NT a affirmé que, sur les 86 députés du parti, 82 ont signé une initiative destinée à rapprocher les points de vue.

On se souvient que, le 14 mars, le Conseil national avait décidé d’intégrer Nabil Karoui, patron de Nesma TV, en tant que membre de l’Instance constitutive de NT, le 17 on apprenait que, dans le cadre du consensus, un grand nombre de ceux qui avaient signé cette adhésion avaient décidé de retirer leurs signatures… Cela sera-t-il suffisant ?

L’anniversaire de l’Indépendance de la Tunisie a, quand même, été fêté à travers tout le pays. Le 20 mars 2015 restera dans l’histoire comme la date où tout le peuple tunisien, aux côtés des centaines de touristes de toutes nationalités qui ont quitté leurs hôtels pour manifester dans les rues, a crié haut et fort qu’il n’avait pas peur du terrorisme.

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