Trois évènements économiques importants ont marqué l’actualité de ces derniers jours en Tunisie. Trois évènements différents mais qui se rejoignent pour mettre l’accent sur la gravité de la situation économique et l’ampleur de la crise que nous traversons depuis quelques mois.
Le premier évènement concerne la dégradation de la note souveraine tunisienne par l’agence de rating Fitch et qui vient mettre fin à une période de stabilisation de près de deux ans et nous rappelle les années difficiles post-révolution où les dégradations se succédaient et où la note souveraine de notre pays atteignait des niveaux qu’elle n’avait jamais atteints auparavant. Ces dégradations en chaînes ont eu des effets négatifs sur le risque de notre pays et qui ont renchéri les conditions d’accès de notre pays aux financements internationaux.
Pourtant, nous avons pu mettre fin à ce cycle infernal à partir de 2014 avec l’amélioration de la situation politique avec l’organisation des élections et le début de redressement de la situation économique. Or, cette nouvelle dégradation vient remettre en cause cette stabilité avec le risque que les autres agences de notation suivent, rendant ainsi la perception du risque Tunisie plus élevée. En plus de la dégradation, le rapport publié par l’agence Fitch a été relativement dur et met l’accent sur les risques sécuritaires, les difficultés prolongées de certains secteurs, notamment le tourisme et les phosphates, sur la faiblesse de la croissance et l’attentisme prolongé des investisseurs.
Le second évènement concerne la fin de la visite de la délégation du FMI. Si la déclaration finale de la mission a adopté un ton moins belliqueux, elle est ferme sur les retards enregistrés par notre pays dans la mise en place du calendrier d’actions définies en commun accord depuis l’élaboration du nouvel accord avec l’institution de Washington. Si la délégation du FMI a souligné les progrès réalisés, notamment avec l’adoption du code des investissements et la réussite de la Conférence 2020, il souligne les retards accumulés dans les réformes structurelles, comme celles de l’Administration ou celle dans le domaine des subventions. Elle souligne aussi la faiblesse de la croissance et de l’investissement et les grands déséquilibres macroéconomiques, notamment le déficit budgétaire avec la part des salaires dans les dépenses parmi les plus hautes au monde.
Le troisième évènement est celui de la sortie de la Tunisie sur les marchés de capitaux et l’émission obligataire. En dépit de la difficulté de la situation économique et particulièrement de la dégradation de la note à la veille de cette sortie, la Tunisie a pu mobiliser 850 millions d’euros sur le milliard recherché à un taux de 5,625%. C’est une gageure dans le contexte actuel de notre économie. Mais, cette sortie a également montré les inquiétudes des investisseurs internationaux face à la situation économique qui ne se sont pas bousculés au portillon pour acheter le titre Tunisie avec un book de seulement 1,6 milliard d’euros.
Ces trois évènements sont significatifs des réactions de nos différents partenaires sur notre situation économique. Qu’il s’agisse des partenaires multilatéraux, comme le FMI, la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement, ou des investisseurs privés, l’impatience semble monter d’un cran auprès de nos partenaires devant notre immobilisme et le retard que nous avons pris pour relever nos défis économiques. Et, le danger est que cette impatience érode le capital sympathie politique dont dispose notre pays depuis le printemps arabe et des progrès pacifiques que nous avons accomplis pour opérer notre transition démocratique.
Ces trois derniers évènements sont significatifs de l’appréciation de nos partenaires de la situation économique dans notre pays et soulignent les défis internes dans les domaines financiers et sociaux qui doivent nous inciter à prendre à bras-le-corps la situation économique de notre pays. Nous pensons que les défis se situent à quatre niveaux et exigent une action vigoureuse et déterminée afin de remettre notre pays sur la voie de la croissance et relancer la transition économique. Le premier défi concerne les grands équilibres macroéconomiques et particulièrement le déficit budgétaire qui a des conséquences immédiates sur les finances publiques et s’est traduit par une crise profonde de nos paiements. Il est urgent de rétablir ces grands équilibres et surtout de rétablir la santé de nos finances publiques par un accroissement des recettes et une gestion plus rigoureuse de nos dépenses.
Le second enjeu concerne le retour de la croissance et de l’investissement. La croissance dans notre pays reste atone et faible. Il est urgent de revenir à une croissance forte notamment en appuyant les investisseurs et les amenant à sortir de leur attentisme. Le troisième défi sur lequel nous avons pris du retard est lié au train des réformes économiques qu’il faut relancer et pour lesquelles il faut impérativement construire les alliances politiques nécessaires pour les mener à leur terme. Le troisième défi concerne les questions sociales et la nécessité d’établir un programme d’urgence sociale couvrant l’emploi, la santé, l’éducation et le logement. Un programme ambitieux dans ce domaine pourrait rendre l’espoir dans l’engagement des pouvoirs publics à faire de l’inclusion et de la fin de la marginalité ses priorités immédiates.
La détérioration de la situation économique doit nous amener sans plus tarder à prendre à bras-le-corps les défis et à leur apporter des réponses immédiates. C’est de notre engagement et de notre détermination dans le règlement de cette crise que dépend l’engagement de nos partenaires et surtout la confiance de nos concitoyens.