Le secteur de l’ingénierie en Tunisie est confronté à une crise majeure, marquée par le départ massif de ses talents à l’étranger. Selon les chiffres révélés par Kamel Sahnoun, président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT), environ 39 mille ingénieurs ont quitté le pays, soit 43 % des 90 mille professionnels inscrits à l’Ordre. Cette fuite des compétences, qui s’accélère chaque année, représente un défi de taille pour un secteur autrefois reconnu pour la qualité de ses formations.
Lors d’une audition parlementaire consacrée à un projet de loi sur l’enseignement supérieur privé, Kamel Sahnoun a tiré la sonnette d’alarme. En moyenne, 20 ingénieurs quittent la Tunisie chaque jour, tandis que près de 8 000 nouveaux diplômés en ingénierie arrivent sur le marché du travail national. Ce déséquilibre croissant entre formation et insertion professionnelle est exacerbé par l’attractivité des offres d’emploi à l’étranger, qui séduisent de plus en plus de jeunes talents tunisiens.
Cet exode a un coût économique significatif pour le pays. Le président de l’OIT a estimé que la formation des ingénieurs représente un investissement annuel de 650 millions de dinars tunisiens (environ 2,13 milliards d’euros) pour l’État. Ainsi, chaque départ à l’étranger équivaut à une double perte : financière, mais aussi en termes de capital humain stratégique, essentiel pour le développement économique et industriel du pays.
Face à cette situation préoccupante, les autorités tunisiennes sont appelées à revoir leurs politiques de rétention des compétences. Parmi les pistes évoquées figurent l’amélioration des conditions de travail, la création de perspectives de carrière claires et la mise en place d’incitations financières adaptées. Sans une réforme structurelle ambitieuse, la Tunisie risque de voir sa compétitivité industrielle durablement affectée par cette pénurie de compétences locales.