Il faut reconnaître que le mois de juillet 2012 a été fatal en matière de compétences financières et monétaires pour le peuple et le gouvernement tunisiens.
En effet, alors que le pays vit des mois et des années très difficiles de transition politique et socio-économique, perdre à quelques jours d’intervalle un gouverneur de la BCT, reconnu par ses pairs comme le meilleur en Afrique, démis de ses fonctions de façon discourtoise, et “acculer” le ministre des Finances, universitaire connu par son franc-parler et son patriotisme, à la démission, est une contre-performance rare et grave.
M. Mustapha Kamel Nabli était un directeur compétent et apprécié à la Banque Mondiale après avoir été enseignant universitaire et ministre du Développement et du plan pendant des années. Il a répondu présent à l’appel du devoir lors qu’il fallait trouver un profil rare au lendemain du déclenchement de la Révolution : un responsable compétent pour concevoir et appliquer une politique monétaire qui puisse inspirer confiance aux institutions financières internationales et non compromis avec l’ancien régime.
Dix-huit mois plus tard le gouvernement s’est évertué à lui trouver plusieurs défaillances, le plus souvent dénuées de tout fondement, comme publier régulièrement tous les mois des bulletins de santé de l’économie tunisienne. En fait souci de bonne gouvernance et de transparence de l’information financière. Indépendance de l’Institut d’émission et non coordination avec la politique du gouvernement.
Alors que la politique monétaire, suivie par la BCT depuis février 2011, a permis à l’économie tunisienne de ne pas s’effondrer en injectant quotidiennement les liquidités nécessaires pour favoriser le financement des entreprises par les banques malgré les multiples perturbations sociales et revendications salariales et outre les défaillances sécuritaires.
Certes, la réforme du système bancaire n’a pas encore été enclenchée avec notamment la recapitalisation des banques, la consolidation des fonds propres, le renforcement des dispositifs de maîtrise des risques … Mais il s’agit d’une œuvre de longue haleine qui ne peut être entamée dans les conditions politiques et économiques actuelles que vit le pays.
En tout état de cause, la BCT ne peut être soumise au bon vouloir du politique car la monnaie doit être préservée des enjeux politiques et des objectifs électoralistes des uns et des autres.
Pour ce qui est des dossiers relatifs à la corruption, ils ont été transmis à la justice et celle-ci devrait accélérer les procédures en vue d’un aboutissement rapide.
La démission de M. Hassine Dimassi, tout de suite après le départ de M. Nabli, risque d’avoir un effet très néfaste sur l’image et la crédibilité de notre pays auprès des agences de rating, des institutions financières internationales et des bailleurs de fonds, surtout après les révélations faites par le ministre des Finances.
En effet, celui-ci a tiré la sonnette d’alarme pour ce qui est de la lourdeur des dépenses de compensation, notamment celles des carburants ainsi que sur la non priorité du milliard de dinars à consacrer au dédommagement des bénéficiaires de la loi relative à l’amnistie générale.
M. Dimassi a invoqué à juste titre la nécessité de préserver les équilibres financiers globaux, à maîtriser l’endettement extérieur, à donner la priorité aux investissements relatifs aux projets de développement régional et à rationaliser les dépenses publiques.
Les années 2013 et 2014 s’annoncent particulièrement difficiles pour notre pays pour diverses raisons. D’abord, elles correspondent à des échéances lourdes pour ce qui est des échéances de remboursement de la dette extérieure, or il s’agit là d’un symbole de notre fiabilité financière.
Ensuite, elles coïncident avec une réduction des ressources financières de l’Etat provenant des bénéfices de la compagnie des phosphates de Gafsa et du groupe chimique tunisien, victimes en 2011 et 2012 de grèves sauvages et de sit-in.
Ajoutons à tout cela la crise de la dette souveraine qui affecte notre principal partenaire économique, l’Union européenne, qui se répercuté de façon négative sur nos exportations.
Par ailleurs notre pays est soumis à la flambée des prix du pétrole sur le marché mondial et aux fluctuations des prix des matières premières : céréales, thé, café, sucre… C’est pourquoi nous devons multiplier les mesures de rationalisation de nos dépenses publiques et revoir nos priorités mais aussi freiner les surenchères portant sur les revendications sociales et salariales.
Par Ridha Lahmar