Présidentielle 2024 : Tous dans l’expectative

Ce qui caractérise le paysage politique et électoral est l’expectative. La plupart des partis politiques n’ont pas encore désigné de candidat(s) pour la Présidentielle qui ne devrait pas dépasser le 23 octobre 2024. Ils sont en attente de la date du scrutin qui sera fixée par décret présidentiel. Le président Kaïs Saïed, sur tous les fronts, ne semble pas, quant à lui, pressé. Chercherait-il ainsi à renvoyer l’ascenseur à la classe politique qui a boycotté tous les scrutins organisés après le 25 juillet 2021 ?  Kaïs Saïed n’a, en tout cas, pas caché son agacement devant « l’engouement » des partis politiques pour le seul scrutin présidentiel.

En cette année électorale record, —68 pays organisent des scrutins multiples (présidentiels, législatifs, régionaux, municipaux) —, la Tunisie se prépare à la course dans un délai constitutionnel de quatre mois, sans date fixe des élections et sans tous ses compétiteurs potentiels. Les candidats qui se sont déclarés se comptent sur les doigts d’une main, mais un seul avait de fortes chances d’arriver au second tour, la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, avant sa mise en examen pour des chefs d’accusation sur la base du décret 54 qui condamne les infractions liées aux systèmes d’information et de communication (réseaux sociaux, médias). Même le président sortant garde encore le silence sur sa candidature, ou son retrait, tandis que ses opposants et détracteurs lisent dans ses pensées son intention de briguer un second mandat et ses supposés partisans, —il a affirmé à maintes reprises ne pas en avoir—, lui préparent une campagne électorale en bonne et due forme. Le programme électoral qu’ils lui prêtent (déjà), serait la poursuite de tout ce qu’il a entamé comme projets politiques, économiques et sociaux après le 25 juillet 2021.
Il faut, en effet, rappeler à titre d’exemple, que le nouveau cadre institutionnel et politique mis en place après la chute des islamistes reste incomplet, la Cour constitutionnelle n’ayant pas, encore, vu le jour. Sans oublier la relance économique, toujours à la traîne, qui a dû subir les nombreuses secousses politiques d’avant et après le 25 juillet 2021, et qui peine à prendre son envol. Toutefois, si les promesses, les orientations et les ambitions que porte le tout nouveau partenariat stratégique Tunisie-Chine sont respectées et engagées dans les plus brefs délais, Kaïs Saïed aura alors, en effet, beaucoup à faire, dont des projets économiques importants à mettre sur pied et à mener à terme, s’il est réélu à l’automne prochain.

Quid des autres candidats ?
Ce qui caractérise le paysage politique et électoral, à ce jour, est l’expectative, le statu quo. La plupart des partis politiques n’ont pas encore désigné de candidat(s) pour la prochaine Présidentielle qui ne devrait pas dépasser le 23 octobre 2024, délai constitutionnel indiqué par l’ISIE. Ils sont en attente de l’annonce de la date du scrutin par décret présidentiel et la convocation des électeurs. « Avant, ce n’est pas possible », assure Zouhaïr Maghzaoui, Secrétaire général du mouvement Achaab, sur les ondes de Mosaïque Fm.  Les 13 années d’expérience politique de son parti (depuis 2011) et sa participation dans un gouvernement (gouvernement de coalition dirigé par Elyès Fakhfakh, février-juillet 2020) ne permettent pas à Zouhaïr Maghzaoui d’avoir les idées bien ancrées pour pouvoir se prononcer, à quelques mois du scrutin, sur sa propre candidature ou sur le candidat potentiel, d’un autre parti ou indépendant, que lui et son parti pourraient soutenir à la prochaine élection présidentielle.
Le numéro un du mouvement Achaab n’est pas le seul à être dans l’expectative. Tout le monde attend que Kaïs Saïed se prononce. Dans le cas où il serait candidat à sa propre succession, la course risque d’être compliquée pour les partis politiques qui ont fait profil bas depuis que la machine judiciaire s’est mise en branle pour demander des comptes aux présumés corrompus qui ont détourné ou spolié des fonds publics, aux prétendus complotistes contre la sûreté de l’Etat et aux responsables de diffamations et de fake news sur les réseaux sociaux et les médias (décret 54). Sinon, le rêve sera permis et la course à la portée, surtout que les favoris de l’opposition (en détention) risquent d’être écartés par des jugements judiciaires qui les rendraient inéligibles.
Parmi les critères d’éligibilité, la loi électorale 2022, qui a amendé celle de 2014, exige, en effet, un casier judiciaire vierge et l’absence de restrictions judiciaires en termes de droits civils et politiques. C’est là que le bât blesse, que la polémique enfle sous les braises, et que les peurs s’installent. Opposition et observateurs accusent l’Exécutif de chercher à supprimer toute concurrence à la prochaine élection en usant du décret 54 de manière abusive et inappropriée. Ce sentiment s’est exacerbé avec les dernières arrestations de deux journalistes et d’une chroniqueuse pour propos diffamatoires. Le résultat ne s’est pas fait attendre : les médias, surtout privés, qui ont commencé par être désertés par la plupart des partis politiques après la mise en examen du leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, se sont transformés en désert médiatique confronté à d’importants problèmes financiers entraînant la disparition des supports les plus vulnérables ou l’annulation de programmations radiophoniques et télévisées. Un effet domino qui explique que le paysage médiatique se vide et que les Tunisiens ont, désormais, tendance à éviter de prendre la parole.

Que craignent les partis politiques ?
La classe politique vit en hibernation et le président de la République a choisi d’être seul, sur tous les fronts, nationaux et internationaux. L’élection présidentielle ne semble pas être sa priorité du moment et les potentiels candidats au scrutin présidentiel pourront patienter jusqu’au 23 juillet prochain, dernier délai, pour connaître la date du rendez-vous électoral. L’inaction et l’expectative dans lesquelles se confinent les partis politiques intriguent et interrogent, dès lors qu’ils n’ont pas annoncé le boycott comme pour les précédents scrutins.
Ils sont censés réfléchir et travailler sur leurs programmes électoraux durant des années, entre deux scrutins, et ils sont, également, supposés être dirigés par des leaders prêts à gouverner, par des militants politiques qui ont des ambitions électorales et de gouvernance. Leur incapacité ou inaptitude apparente à désigner leurs potentiels candidats à seulement quatre mois du vote, met en doute leur prétexte, celui de ne pas connaître la date du scrutin. Les propos du leader du mouvement Achaab, cités plus haut, laissent penser que les partis politiques ont peur de se prononcer, de se dévoiler, par crainte de subir les foudres des partisans de Kaïs Saïed ou du décret 54 et d’être écartés de la course électorale.

L’exemple de Mondher Zenaïdi est édifiant. Il a parlé, il a été ciblé, critiqué et attaqué, il ne parle plus. Est-il toujours candidat à l’élection présidentielle de cette année ? Le peut-il ? Rien n’est moins sûr.
Le président Kaïs Saïed semble lui aussi attendre le dernier délai avant d’annoncer la date du scrutin et de convoquer les électeurs. Ce choix a deux conséquences fâcheuses pour ceux et celles qui auraient l’intention de se porter candidats. La première est le peu de temps matériel pour mener des négociations pour d’éventuelles alliances avec d’autres partis et mettre au point la campagne électorale. La seconde est l’absence de débat politique dans les médias alors qu’il est nécessaire pour aider l’électeur à faire le bon choix.
Le président renvoie-t-il ainsi l’ascenseur à la classe politique qui a boycotté tous les scrutins organisés après le 25 juillet 2021 dont le référendum sur la Constitution 2022, les Législatives, les trois étapes du Conseil national des districts et des régions ? Il n’a, d’ailleurs, pas caché son agacement devant « l’engouement » des partis politiques pour le scrutin présidentiel. Si les partis politiques ont entendu le message, il ne leur reste plus qu’à se préparer pour le scrutin sans attendre que Kaïs Saïed les y invite, car le président sortant aurait, lui, l’intention de n’inviter que les électeurs, au plus tard le 23 juillet 2024.

C’est le message à retenir jusqu’à nouvel ordre.

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