Le processus démocratique entame une étape politique cruciale avec la tenue du troisième double scrutin, depuis les événements de 2011. Les cinq prochaines années devront être celles du parachèvement du processus démocratique avec la mise en place des instances constitutionnelles qui n’ont pas encore vu le jour, en particulier et de manière urgente la Cour constitutionnelle. Le prochain quinquennat est également chargé de défis économiques et sociaux majeurs que les prochains dirigeants à la tête de l’Exécutif et du Législatif sont appelés à relever avec l’efficacité et la rapidité requises.
Vingt-six candidats concourent pour l’élection présidentielle anticipée du 15 septembre et dont la campagne électorale a démarré lundi 2 septembre en Tunisie et la veille, à l’étranger. Une campagne qui, faisant fi des directives réglementaires de l’Isie et de la Haica, a démarré bien avant dans un climat tendu et délétère, de campagnes de diabolisation et de fake news, où la plupart des candidats ne se font pas la course en confrontant leurs programmes, mais la guerre par facebook interposé.
Réalités Online a voulu apporter sa contribution aux débats politiques en donnant la parole à quelques-uns parmi les candidats conviés à répondre aux mêmes six questions. Ci-après les réponses de Mehdi Jomaa, candidat Al Badil Ettounsi.
Vous président de la République, quel sera le premier grand dossier que vous ouvrirez dans chacun des domaines qui relèvent de vos compétences (la sécurité et les Affaires étrangères) ?
Moi président de la République, je m’attacherai à rompre avec les échecs des pouvoirs issus des élections de 2011 et 2014. Je ferai en sorte de rompre avec le désenchantement que subissent les Tunisiens. Chaque décision prise ne se fera qu’en tenant compte de ces engagements. Je prône un projet social, politique et économique de réforme pour le pays. Le président étant le principal garant de la Constitution, il se doit de préserver l’unité nationale de la Tunisie et d’avoir une vision globale pour mener à bien son projet.
Concernant la sécurité nationale, j’aimerais développer le concept que nous devons tous retenir de la sécurité nationale, comme celle d’une souveraineté nationale globale, qu’elle soit militaire, alimentaire, écologique ou économique. Notre première mesure au sujet de la sécurité nationale serait de mettre à disposition de l’appareil sécuritaire des moyens technologiques afin de s’assurer de la sécurité des citoyens et d’appuyer les forces de sécurité au bon exercice de leur travail.
De plus, nous devons œuvrer à positionner la Tunisie comme un acteur phare du monde arabe, africain et méditerranéen et mettre la diplomatie internationale au profit des intérêts stratégiques nationaux.
Vous serez le président de tous les Tunisiens. Pensez-vous être le chef d’Etat qui pourra mener la Tunisie vers la réconciliation nationale et l’aider ainsi à prendre son essor ?
L’essor de la Tunisie passe par un nouveau pacte sociétal qui place au centre, la bataille pour les libertés, la dignité, la justice et l’ordre. La réconciliation nationale ne peut se faire que si nous mettons nos valeurs comme socle d’un projet commun. Dans ce sens, je pense être l’unique candidat à proposer une alternative nouvelle qui favorise le projet, en lieu et place des personnes, pour éloigner les Tunisiens des mouvances négatives et les amener vers une atmosphère saine. De plus, j’ai déjà prouvé dans le passé que ma clairvoyance, ma force de proposition et mes capacités de négociation sont efficaces, et c’est grâce à cela que je mènerai à bien cette mission suprême.
La scène politique est en proie à un climat délétère qui menace la démocratie. Etes-vous pour une moralisation de la vie politique ? Si oui, seriez-vous disposé à présenter une initiative législative pour faire adopter une charte d’éthique politique ?
Il est évident aujourd’hui pour tous les citoyens que le paysage politique passe par une perte de valeurs destructrice pour le pays. La politique repose sur des valeurs d’exemplarité qui doivent être perçues et ressenties à tous les niveaux du pouvoir. Je suis attaché depuis mon plus jeune âge aux valeurs de la République et au sens de l’Etat, donc, j’affirme que je suis pour une moralisation de la vie politique et nous devrons œuvrer à légiférer sur une charte d’éthique politique.
La prochaine étape est hautement économique. Avez-vous une vision claire de ce qui doit être entrepris pour instaurer une diplomatie économique performante ?
La diplomatie économique est l’un des leviers essentiels qui permettra à la Tunisie de prospérer et il est primordial selon moi de lui donner les moyens de ses ambitions. Mon programme projette de mettre à disposition au sein des ambassades et pour les ambassadeurs les moyens nécessaires pour une stratégie économique et diplomatique claire spécifique à chaque pays et qui œuvre pour les intérêts de la Tunisie. Cela permettra de faciliter la prospection de nouveaux marchés à l’international et d’appuyer les entreprises tunisiennes dans leur essor. Dans ce cadre, nous ne devons pas négliger notre atout géostratégique, j’ai conscience que nous devons plus nous tourner vers nos voisins africains et améliorer nos propositions économiques. Tout en tenant compte de notre traditionnel rapprochement avec nos partenaires du Nord, nous œuvrerons pour un partenariat équitable afin de concrétiser les valeurs de développement global, durable et solidaire selon les intérêts de la Tunisie.
Pour gagner la confiance des Tunisiens, quelles conditions doit satisfaire tout candidat à la magistrature suprême ?
Tout candidat à la magistrature suprême doit tout d’abord avoir le sens de la loyauté, de la responsabilité et un profond respect pour les Tunisiens et les instances de l’Etat. Il se doit d’être à la hauteur de la confiance de tous les citoyens. Il doit être fidèle aux valeurs d’équité et de justice inscrites dans la Constitution dont il est le principal garant. Enfin, la Tunisie passe depuis quelques années par un carrefour de changements sociaux et politiques importants. Ainsi, les candidats doivent avoir une réelle vision pour le pays afin de dessiner de nouvelles trajectoires de développement pour les prochaines décennies.
A quel moment précis avez-vous pris la décision de présenter votre candidature ?
La décision de présenter ma candidature à la magistrature suprême a été prise après mûre réflexion et suite au concours de plusieurs facteurs. Le premier étant la construction d’un vrai projet de réforme et de sauvetage social et économique pour la Tunisie qui s’est élaboré suite aux activités de terrain que j’ai menées avec mon équipe du Badil et aux programmes du think tank Tunisie Alternatives. De plus, j’ai pris le temps de réfléchir à l’importance de ma décision et de mesurer tout son impact afin de me préparer psychologiquement à cette investiture et d’être certain d’être à la hauteur de la responsabilité. Enfin, et en vue de l’engagement que j’ai envers les personnes qui m’ont accompagné pendant les deux dernières années au sein du parti Al Badil, ce n’est qu’après le vote et l’aval du bureau politique que j’ai pris officiellement ma décision.
Propos recueillis par Y.A