La chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme du tribunal de première instance de Tunis a entamé ce mardi 4 mars 2025 l’examen de l’affaire de complot contre la sûreté de l’État, impliquant près de 40 accusés. Parmi eux figurent plusieurs figures politiques de premier plan, dont Ghazi Chaouachi, ex-secrétaire général du Courant Démocratique, Jawhar Ben Mbarek, Ridha Belhaj et Issam Chebbi, dirigeants du Front du Salut National, ainsi que des personnalités du Mouvement Ennahdha, comme Abdelhamid Jlassi et Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice. L’homme d’affaires Kamel Ltaief et l’économiste Khayem Turki comptent également parmi les accusés.
Dès l’aube, une importante affluence a été constatée aux abords du tribunal de première instance de Tunis, où un dispositif sécuritaire renforcé filtrait les entrées. Dans la salle d’audience n°6, l’atmosphère était électrique. Plus de 100 avocats étaient présents aux côtés des familles des détenus, de militants politiques, de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes.
L’absence physique des détenus, jugés par visioconférence depuis leur lieu de détention, a immédiatement suscité la colère de leurs proches. Des slogans exigeant un procès en présence des accusés et dénonçant une justice « télécommandée » ont résonné dans la salle, provoquant une suspension temporaire de l’audience par le juge, incapable de se faire entendre.
Présente sur place, la journaliste Rim Saoudi a décrit une audience chaotique, marquée par les protestations des avocats et des familles, dénonçant une atteinte aux droits de la défense. Lors de la reprise des débats, la défense, menée par Arbi Chahed et Lazhar Akremi, a fustigé la tenue d’une audience à distance, qualifiant cette procédure d’atteinte aux principes d’un procès équitable. Chaima Issa, accusée dans l’affaire, a également réclamé la présence physique des détenus. Depuis sa cellule, Jawhar Ben Mbarek a, quant à lui, refusé d’apparaître en visioconférence, contestant une procédure qu’il juge contraire aux principes d’un procès équitable.
Me Amine Mahfoudh, avocat de l’homme d’affaires Kamel Ltaief, a souligné que la loi prime sur les décrets exceptionnels ayant instauré les procès à distance, une mesure adoptée dans un contexte sanitaire particulier mais qui, selon lui, ne saurait s’appliquer ici. Me Samir Dilou, membre du comité de défense des détenus, a dénoncé la justification avancée par les autorités, évoquant « un danger » pour expliquer l’absence des détenus en salle.
Par ailleurs, les journalistes ont été autorisés à assister à l’audience, mais sous des restrictions strictes : aucune caméra ni équipement de prise de son n’a été admis dans la salle, limitant ainsi la couverture médiatique de l’événement.
Le procès se poursuit dans un climat tendu, avec de nombreuses contestations de la défense. L’issue des débats reste incertaine, tant les divergences sur la tenue même du procès semblent irréconciliables.
Crédit Photo: Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH)