Les pouvoirs publics ont la prétention de vouloir réparer les défaillances structurelles de notre économie agricole par le recours à des « mesurettes » conjoncturelles, provisoires et inefficaces.
Autrement dit, soigner des symptômes profonds et cycliques faute de pouvoir affronter les “causes de la maladie” et les origines des dysfonctionnements. Quand il y a pénurie et hausse des prix (tomate, piment) on importe en catastrophe : là ce sont la balance des paiements et le déficit commercial extérieur qui vont “trinquer” et c’est le citoyen qui paie la lourde facture, quand il y a surproduction (agrumes, lait), les producteurs sont en colère, alors on se concerte pour trouver très tard des solutions précaires. Il n’y a aucune prévision ni mesure préventive de la part des tutelles or “gouverner c’est prévoir”.
Les pouvoirs publics ont choisi depuis longtemps de pratiquer une politique de liberté des prix en matière de commercialisation des fruits, légumes, viandes rouges et blanches et surtout le poisson et fruits de mer, hors de portée des bourses modestes. C’est la confrontation de l’offre à la demande qui fixe les prix.
Cela ne signifie pas que producteurs et consommateurs doivent rester sans défense ni protection devant l’appât du gain illimité des commerçants patentés, ou encore à la merci de l’appétit vorace des spéculateurs “gacharas” et autres intermédiaires. Ces derniers manipulent à leur guise les volumes des produits à commercialiser pour faire flamber les prix. C’est le rôle des pouvoirs publics de réguler et de mettre de l’ordre sur les marchés.
Il faut dire qu’il y a un “gap profond” entre les statistiques “light” et les pourcentages modérés enregistrés par l’INS et la “flambée des prix” ressentie par les consommateurs qui tentent de s’approvisionner sur les marchés, sans toujours y parvenir vraiment, du moins ces dernières semaines.
En effet, les statistiques parlent d’inflation globale de 4 à 5%, d’une hausse moyenne des prix des légumes de 15% d’un mois à l’autre, ou d’une année par rapport à l’année précédente, alors que le prix des tomates est passé de 1D à 3D, celui du piment de 2 à 4D, produits de base de la cuisine tunisienne, les autres légumes suivent le mouvement, car le citoyen “reporte” ses achats sur d’autres légumes moins touchés par la flambée. On noie le poisson, mais le citoyen n’est pas dupe. Alors que ces produits sont consommés tous les jours et en grande quantité d’où l’effet multiplicateur sur la bourse du citoyen modeste.
La spéculation bat son plein, puisque seulement 40% des produits agricoles transitent par le marché d’intérêt national de Bir Kassaa, alors que les 60% prennent le “chemin des écoliers”, en l’occurrence les entrepôts, réfrigérés ou non, gérés par les spéculateurs et les grossistes informels, les clients privilégiés et exigeants sur la qualité mais, non regardants sur les prix, tels les restaurants, les exportateurs, les industriels…
Donc pas de contrôle sanitaire ni paiement d’impôts.
Tant et si bien qu’il n’y a pas de véritable confrontation offre-demande qui devrait en principe calmer les prix si la totalité de la production transite par le MG. Cela fait monter bien sûr les enchères de façon sensible.
Dans la majorité des pays où l’économie rurale est prospère, les agriculteurs s’organisent pour commercialiser leurs propres produits pour ne pas être exploités par des transporteurs ou des négociants sans scrupules, soit sous forme de coopératives et de sociétés de services, ou encore des groupements de producteurs et des stations de conditionnement de produits agricoles.
Car, c’est là que réside la valorisation des fruits de leur travail en négociant au mieux les prix sur les marchés. Ils achètent des moyens de transport, louent des entrepôts et s’organisent pour trouver des débouchés à l’échelle régionale ou nationale.
Sauf qu’en Tunisie, où les producteurs sont victimes de spéculateurs sans scrupules (achat à vil prix et spéculation sur les marchés), l’UTAP assume une responsabilité majeure en la matière, car au lieu de tirer profit de la législation relative à l’économie sociale et solidaire en créant des structures appropriées, elle se cantonne dans la revendication et prône la grève de la récolte ? !
Plus encore, la mise à niveau des circuits de distribution des fruits et légumes n’a jamais été sérieusement envisagée, ni mise à exécution, car il n’y a pas de volonté manifeste des politiques dans ce sens, ni d’intérêt et de détermination du côté de l’Administration pour la réaliser.
On cède la place à l’anarchie, favorable aux intérêts des spéculateurs et propice à la concrétisation des profits démesurés et illégaux des uns et des autres et aucune structure, permanente et horizontale, ayant en charge la prévision des récoltes de fruits, légumes et viandes et la régulation de l’offre et des prix sur le marché n’existe.
Les départements de l’Agriculture de l’Industrie et du commerce devraient y réfléchir pour prévenir les «catastrophes» et y remédier.