Projet de Budget 2015 : Quel Budget pour quel gouvernement ?

Par Ridha Lahmar

 

Logiquement, le budget de l’État reflète la stratégie de croissance et le modèle de développement adoptés par les forces vives de la nation. Or à jour nous n’avons pas encore de politique claire en la matière. C’est dire que le Budget ne reflète que la poursuite des mêmes intentions que celles du budget 2014 : trouver des ressources n’importe où pourvu qu’il y ait équilibre entre recettes et dépenses.

En outre, le projet de Budget 2015 ainsi que la loi de finances qui l’accompagne ont été préparés par le gouvernement provisoire, mais seront mis à exécution par le nouveau gouvernement, dès février 2015, qui sera adossé à une nouvelle majorité parlementaire. Il y a là un motif à réajustements multiples et donc d’une loi de finances complémentaire.

Les grandes lignes du Budget 2015

Le projet de Budget présenté le 24 octobre 2014 à l’ANC par le gouvernement provisoire en vue d’être présenté pour examen et adoption par la nouvelle Chambre des députés de la nation et pour être mis en application par le futur gouvernement, s’élève à 29 milliards de dinars, soit une augmentation de 3% par rapport au Budget 2014.

Les recettes fiscales relatives à 2015 s’élèvent à 19,8 milliards de dinars, soit une progression de 5,8% par rapport à 2014. Cette augmentation modeste ne reflète pas le résultat de la réforme fiscale qui a été entamée par le gouvernement de Mehdi Jomâa. En effet, l’évasion fiscale a été évaluée entre 7 et 11 milliards de dinars par an par les experts financiers, ce qui devrait permettre au Budget de s’équilibrer sans avoir recours à l’emprunt extérieur et intérieur.

Il y a donc une timidité certaine pour ce qui est de la mise en application de la réforme fiscale : ni justice fiscale, ni lutte contre l’évasion. Il y a lieu de mentionner que le déficit s’élève à 4,9% du PIB, ce qui est beaucoup, surtout qu’il y a cumul des déficits depuis quatre ans successifs.

Il y a donc persistance de déséquilibres financiers macroéconomiques.

La Caisse générale de compensation va connaître une régression sensible évaluée à 2 milliards de dinars, le reliquat serait de 3,7 milliards de dinars, suite à la réduction de la compensation accordée par l’État aux produits énergétiques. Il s’agit là de l’une des principales réformes structurelles sur lesquelles le gouvernement tunisien s’est engagé vis-à-vis des institutions financières internationales. Le prix du carburant, qui a connu une augmentation à la pompe en 2014, va en connaître une autre en 2015.

La compensation accordée par l’État à la production électrique a été allégée en 2014 et le sera davantage : deux augmentations de la STEG en 2014 de 10% en moyenne chacune, la troisième sera de 7% en 2015, ce qui est excessif. En effet, le budget des ménages risque de “s’effondrer” devant la flambée des factures de la STEG en 2015, surtout qu’il s’ajoute au coût exorbitant des produits alimentaires.

Déjà, le prix du ciment n’est plus compensé suite à la suppression de la subvention accordée au prix de l’électricité consommée par les cimenteries.

Il faut dire que le budget a été préparé sur la base du prix du baril à 95 dollars. Or il est actuellement à 75.

Les crédits consacrés au budget du développement restent modestes, à la hauteur des mêmes crédits que ceux prévus pour 2014. Il y a lieu de remarquer que notre pays n’investit plus depuis quatre ans dans les infrastructures de développement, malgré la masse impressionnante de crédits contractés auprès des bailleurs de fonds internationaux pour la construction de routes, de pistes agricoles, adductions d’eau, réhabilitation des quartiers populaires, construction de barrages et d’usines.

Même les projets régionaux ne connaissent qu’un taux de réalisation proche de 50% à cause de complications foncières et bureaucratiques.

Évolution des crédits de fonctionnement

Alors que notre pays connaît une crise socioéconomique grave et que les finances publiques sont soumises à de fortes tensions, les budgets déjà élevés consacrés à certaines institutions ne cessent d’augmenter.

Rappelons que le taux de ressources propres consacrées à l’alimentation du Budget de l’État est inférieur à 60% alors que la norme pour un budget équilibré est de 85%. Ce qui implique que notre pays doit emprunter 40% pour financer les dépenses budgétaires. Il y a là une distorsion majeure qui mérite une correction urgente. Pour équilibrer le budget 2015, l’État prévoit d’emprunter à l’extérieur 7 milliards de dinars et 3 milliards de dinars sur le territoire tunisien.

En effet, le budget de la Chambre des députés s’élève à 21,714 millions de dinars pour 2015 en augmentation de 3% par rapport à 2014. C’est beaucoup, surtout que l’on connaît le taux d’absentéisme élevé des députés et la multiplicité des avantages en nature dont ils bénéficient. Ainsi ils ont pour la plupart un autre métier et des ressources stables qui continuent à courir durant leur mandature.

Le budget de la Présidence de la République, bien que déjà trop élevé, soit 81 MD en 2014, sera augmenté de 7,8% pour atteindre 88 MD en 2015.

Par contre, celui du gouvernement sera réduit de 41% soit 2.147 MD en 2015 contre 8.253 MD.

Par ailleurs, il est logique sinon urgent de renforcer les budgets des ministères de la Défense et de l’Intérieur par des recrutements : respectivement 8.000 et 3.000 agents, 500 millions de dinars qui seront consacrés à des achats d’armements pour faire face aux menaces terroristes avec une efficacité accrue.

Le budget du ministère de l’Intérieur sera de 4.408 MD, soit une croissance de 15% en 2015.

 

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