Projet de Budget 2020: La fuite en avant ?

Dans un climat socio-politique dominé par les incertitudes et l’inquiétude quant à l’avenir du pays et une conjoncture économique tout à fait morose, le gouvernement qui gère les affaires courantes a préparé un projet de budget pour l’année 2020 à faire approuver par l’ARP avant la fin 2019 et à mettre en application par le futur gouvernement. Celui qui sera formé lors de la prochaine législature et qui serait plébiscité par l’ARP lors de ses premières réunions.
Il y a là un problème de principe, de logique et de gouvernance : dans quelle mesure les options prises lors de la préparation de ce budget sont-elles conformes aux choix et à la politique à suivre par le nouveau gouvernement ?
Le projet de budget, couplé en principe avec la future loi de Finances 2020, doit en principe refléter la vision, la politique et les objectifs ciblés par le gouvernement, en conformité avec les attentes et les besoins du pays : promouvoir la croissance, créer des emplois en masse, combler les inégalités entre régions et classes sociales… ce qui est loin d’être le cas. En effet, nous sommes très loin de tout cela lorsqu’on examine les grandes lignes de ce budget . Le gouvernement, au contraire, continue à pratiquer la même politique, qui a échoué durant des années : toujours plus de dépenses, de consommation et de salaires, avec surendettement, sans souci de croissance ou de développement. Où sont les réformes économiques structurelles convoitées et promises ?
Le projet de budget de l’Etat pour 2020 est de 47 milliards de dinars, une augmentation de 15%, soit 7 milliards par rapport à 2019.
Ce budget représente 37% du PIB, alors que la norme internationale se situe entre 25 et 28%.
En outre, 85% de ce budget sont consacrés à des dépenses courantes dont une masse salariale de près de 20 milliards de dinars, soit 15% du PIB, un record mondial scandaleux.
Les postes de dépenses les plus lourds concernent la masse salariale avec 20 milliards de dinars et l’endettement de l’Etat avec 12 milliards, répartis entre dette intérieure de l’ordre de 3 milliards et dette extérieure estimée à 9 milliards de dinars.
Le poids des salaires de la Fonction publique a presque triplé en neuf ans, passant de 7,680 M D en 2011 à 20, MDT en 2020 (60.000 fonctionnaires), alors que la production de celle-ci n’a fait que baisser depuis dix ans, sans pour autant que cette fonction publique assume un rôle majeur en matière de promotion de la croissance ou bien de lutte contre l’inflation ou la contrebande.
Le train de vie de l’Etat avec luxe tapageur, voitures rutilantes, missions coûteuses à l’étranger, bons de carburant généreux, et salaires contractuels confortables, continue comme si notre pays était riche et prospère.
Or, nous sommes dans une impasse budgétaire avec 12 milliards de dinars de ressources financières à trouver à cause d’une inflation croissante de l’endettement, alors que le ministre des Finances se vante de réduire le déficit budgétaire à 3,9%.
La Caisse de compensation représente 5,5 milliards de dinars, c’est trop lourd, d’autant plus qu’elle ne va pas tellement profiter aux plus démunis, surtout lorsqu’il s’agit de la compensation énergétique, mais plutôt à ceux qui sont les plus aisés.
La réforme destinée à subventionner ceux qui en ont vraiment besoin sur le plan du « coût de la vie » n’a jamais été mise en place. A l’évidence, aucune lutte contre les spéculateurs n’a été initiée, les contrebandiers étant sans conteste responsables de l’inflation galopante.
Le déficit des entreprises publiques a déjà atteint en 2016 le montant très lourd de 3,5 milliards de dinars, sans qu’il y ait des restructurations, des tentatives de sauvetage, des recapitalisations susceptibles de sauvegarder le secteur public et d’améliorer les services publics : éducation, santé, transports et services sociaux.
Le service de la dette publique, capital et intérêts, atteindra 12 milliards de dinars, un montant intolérable pour un pays à faibles ressources naturelles et à recettes fiscales modestes.
Les investissements de l’Etat et autres projets de développement ne représentent que 6 milliards de dinars.
Avec un montant aussi modeste, on ne peut à la fois moderniser les infrastructures de base et entreprendre de grands projets de développement susceptibles d’avoir un effet de levier pour l’investissement privé et créer des emplois massifs dans les régions intérieures du pays.
Le gouvernement poursuit sa politique de solutions de facilités avec le recours excessif à l’endettement pour vivre au-dessus de ses moyens.
Il n’y a pas de réformes dans les secteurs sinistrés ou en difficulté.
Selon ce budget, il n’y a pas encore non plus de réforme fiscale susceptible de rapporter des ressources financières consistantes pour entreprendre un processus efficace de développement. Ce budget mériterait d’être revu et corrigé.

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