Les deux projets relatifs à la loi de Finances et au budget économique 2020 ont récemment fait l’objet d’une audition devant l’Assemblée des représentants du peuple. Les nouveaux députés, membres de la commission provisoire, ont pris l’offensive en faisant montre d’une grande insatisfaction de la politique du gouvernement sortant et essayant de harasser le pouvoir exécutif déjà sur la sellette. Au premier exercice de la deuxième législature, les nouveaux députés semblent être assez va-t-en-guerre !
Au-delà de ce penchant pour la critique à tout-va, où les nouveaux législateurs voulaient faire preuve de force, le débat autour du projet de loi de Finances 2020 n’a eu rien d’exceptionnel. A vrai dire, c’est toujours la même rengaine.
A l’évidence, il doit y avoir une part de vérité dans les propos et avis de chacune des parties. Mais, le plus important est que le regain de confiance demeure tributaire de l’objectivité et de la positivité des positions des uns et des autres.
Là où les députés ont raison
Si le projet de loi de Finances 2020 é été préparé dans des conditions spécifiques et dans une atmosphère politique tendue, rien ne peut légitimer le fait d’approuver un tel acte sans coup férir.
Indépendamment des contraintes sous lesquelles le projet de loi de Finances a été confectionné, les députés membres de la commission provisoire n’ont pas eu tort de soulever un nombre de questionnements « légitimes » sur la teneur dudit projet.
Premièrement, s’interroger sur les hypothèses sous-jacentes aux prévisions budgétaires 2020 à l’instar du taux de croissance économique, du prix du baril et du taux de change, s’inscrit dans le droit fil de l’analyse des données du contexte national et international et ses effets sur le comportement futur de l’économie et des finances publiques. L’orthodoxie budgétaire qui appelle la prudence doit sous-tendre de telles préoccupations concernant les hypothèses de base des projections des recettes et des dépenses de l’Etat. Attendu qu’auparavant, les erreurs de tirs, notamment en matière de croissance, ont parfois été béantes.
Autant les députés ont le droit de s’interroger sur le réalisme des hypothèses sous-jacentes, autant le gouvernement devrait défendre la cohérence de ses projections financières.
Deuxièmement, se demander si les mesures de réforme fiscale prévues dans le projet de loi de Finances est suffisant, ne semble pas arbitraire. En dépit des avancées enregistrées en matière de refonte du système fiscal durant des dernières années, le processus tourne avec des à-coups sur fond de tiraillements institutionnels et contraintes financières liées aux équilibres budgétaires.
Toutefois, ceci n’empêche que l’élan des réformes des impôts et taxes retenu dans le présent projet de loi de Finances, aurait été plus conséquent et dépassé le périmètre de quelques actions incitatives. Faut-il ainsi défendre le fait que la faible consistance des mesures de réforme, surtout en matière de névralgique équité fiscale, tient à la spécificité du contexte que traverse le pays.
Troisièmement, se poser des questions sur la concordance entre les objectifs annoncés par la loi de Finances et les moyens à disposition, n’est pas aussi moins légitime. En effet, le projet de loi de Finances 2020 a été placé sous le signe de la lutte contre l’évasion fiscale, la réconciliation avec l’Administration, la poursuite du processus de la réforme fiscale, la promotion de l’investissement et l’amélioration des conditions sociales.
Toujours, le gouvernement se préserve le droit de démontrer l’étendue de l’efficience des choix de sa politique budgétaire et la cohérence de ses décisions, face à des jugements négatifs du genre « un non- sens dans la loi de Finances 2020 » et « des hypothèses incohérentes » que clamaient certains membres de la commission provisoire chargée de l’examen du projet du budget de l’Etat.
Là où les députés ont tort
Nonobstant la légitimité, voire le bien-fondé en absolu de leurs critiques et réserves autour des orientations économiques, budgétaires et fiscales retenues dans les projets du budget économique et de la loi de Finances pour l’année à venir, les députés de la deuxième législature ont de quoi avoir tort et rétorquer parfois sans fondement.
Tout d’abord, sur le plan forme, nos chers députés auraient, dans leur débat avec le gouvernement, commencé par discuter le cadre global de la politique de développement normalement décrite dans le budget économique et puis s’attaquer dans un deuxième temps au projet de la loi de Finances en tant qu’outil de mise en œuvre des objectifs globaux du gouvernement.
En inversant la logique des choses, l’Assemblée des représentants du peuple a commis une bourde méthodologique de nature à créer de la confusion dans le raisonnement d’ensemble. Le fait de reléguer au second rang le budget économique, retenu comme document d’orientation générale des politiques publiques pour l’année à venir, n’a fait que faire perdre l’originalité et la valeur à l’une des institutions majeures de l’Etat, à savoir le plan de développement. Le budget économique n’est en fait qu’un plan annuel.
Ensuite, la question de l’audit de la dette contractée au cours des dernières années est un vrai faux débat. Force est de souligner que les emprunts extérieurs sont contractés pour combler le déficit budgétaire, lequel déficit provient non pas d’une hausse des dépenses d’investissement public mais plutôt du dérapage des dépenses courantes, en particulier les salaires et les subventions.
Les soupçons sur le bon usage de la dette sont ainsi dénués de tout sens de vérité. La question qui devrait être discutée avec rigueur et responsabilité par les députés devrait avoir normalement trait à la façon de réduire et résorber la dette. Même à ce titre-là, les pistes d’ajustement sont limitées. Hors le serrement de la ceinture et la revue de la manière de dépenser, les autres voies de réduction de la dette ne sont guère recevables.
Enfin, la logique partisane semble s’emparer des positions des nouveaux députés.Ces derniers sont enclins à s’approprier l’idéologie et la pensée de leurs partis respectifs indépendamment des exigences du contexte. Ce qui a parfois fait sortir le débat de son caractère technique et objectif. Certains députés sont allés au point de pointer l’incompétence, le manque de professionnalisme du gouvernement et la mauvaise gouvernance des finances publiques.
Nos chers députés sont appelés à lâcher du lest en ce moment délicat que traverse le pays. Leur objectivité est de mise pour gagner en crédibilité et rétablir la confiance perdue. Oui à la rigueur, mais sans faire le fanfaron rien que pour se démarquer !
Alaya Becheikh