Promenade au Parc national du Jbel Bou Hedma

Par Alix Martin

Un voyage « éclair » récent, un raid automobile, devrions-nous écrire : Tunis-Kairouan-Mezouna aller et retour en moins de 24 heures, nous a permis de revoir rapidement – trop vite – une région très pittoresque, pourtant très peu visitée.

Certes, l’équipement hôtelier de la région est déficient mais elle est située à mi-chemin entre Sfax et Gafsa à 100 kilomètres environ de chacune de ces villes. Béja et Sousse sont à plus de 100 kilomètres de la Capitale, mais les Tunisois y vont facilement.

Bref, voulez-vous nous accompagner au Parc national du Jebel Bou Hedma ?

Le parc national du Bou Hedma

Créé en 1980, le Parc du Bou Hedma s’étend sur 16.500 hectares, principalement sur le Jebel Bou Hedma : barrière de 800 mètres d’altitude, longue d’une vingtaine de kilomètres sur 4 kilomètres environ de large. Il se termine, à l’ouest par le Col du Haddej et à l’est par la trouée de l’oued Cherchera qui le sépare du Jebel Bou Douaou. A leur pied, sur la résurgence de l’Aïn Cherchera, a été construit, dès 1892, le caravansérail de l’oued Cherchera, aujourd’hui entouré d’une petite forêt de beaux, grands, vieux eucalyptus. Une route goudronnée, venant de Mezzouna ou de Sidi Mohamed Ennouigues y conduit. On est toujours surpris de se retrouver à l’entrée du Parc dans une savane africaine où croissent les acacias raddiana en forme de parasol.

Il faut visiter le parc à la fin de l’hiver, après la saison des pluies qui dépassent rarement 100 millimètres par an ! Pourtant, à ce moment-là, le parc est couvert de végétation en fleurs même si la floraison est de très courte durée : calycotome soyeux aux fleurs d’or abritant perdrix et lièvres, le lys des sables parfumé, la mauricania aux fleurettes mauves, le câprier aux étamines violettes dans un calice blanc s’accrochent entre les rochers.

A certains endroits, l’olivier sauvage, le lentisque, le genévrier rouge croissent. Sur les sables humides des berges de l’oued Haddej, les lauriers roses fleurissent. Quand il a bien plu en novembre et décembre, les truffes blanches sont abondantes !

La faune

Le parc national du Bou Hedma a été créé pour sauver la forêt d’Acacia, vestige unique d’une savane présaharienne et pour pouvoir réacclimater des espèces sauvages éradiquées par les chasseurs au XXe siècle : le mouflon à manchettes, la gazelle dorcas toute petite, l’addax aux larges pieds adaptés à la marche dans le sable, l’oryx aux cornes acérées, l’autruche et la gazelle dama nihorr, originaire du Maroc.

Une zone de protection intégrale, clôturée, a été aménagée pour pouvoir y inclure des parcs pour ces différentes espèces. Il était question d’abord de les élever, puis de les réintroduire dans d’autres parcs en Tunisie, enfin de tenter de les lâcher dans la nature, exceptée l’autruche à cou rouge venue d’Afrique du Sud alors que l’autruche nord-africaine a le cou gris. Même si d’énormes et déplorables déprédations ont été commises, par des inconscients, durant les premiers temps de la « révolution », le parc national du Bou Hedma mérite encore une longue visite.

D’abord pour sa petite faune très riche. L’avifaune est surtout représentée par les guêpiers qui se réunissent dans les eucalyptus du caravansérail, les huppes qui se « pouillent » dans la poussière, les différentes espèces des petits « traquets » à la tête claire, les « coure vite isabelle » peu farouches et de nombreux oiseaux du désert tels que le sirli, les vols de gangas, les chouettes chevêches ou de très rares Grands-ducs. Les circaètes Jean-le-blanc y chassent les serpents.

Dans les collines, le braconnage a raréfié les lièvres mais les touffes de jujubier épineux abritent encore des perdrix. Au printemps, les migrateurs se reposent volontiers dans le parc. Les cailles et les tourterelles y sont abondantes.

Les tortues, les crapauds, les grands varans du désert sont abondants ainsi que les serpents et les scorpions, comme partout ailleurs. Les petits « goundis » animent les pentes rocailleuses du Jebel.

Les promenades

On peut suivre différents parcours aménagés en véhicule 4×4. Mais la randonnée à pied est reine. Un long parcours de crête a été aménagé sur les hauts du Jebel. Toute la montagne est belle et intéressante. C’est l’archétype d’une zone habitée puis abandonnée, peut-être parce que le climat, devenu plus chaud et plus sec, a modifié le biotope. L’acacia en est la preuve. La végétation n’a plus pu nourrir les hommes et leur bétail. On y découvre des vestiges de tombeaux pré ou protohistoriques : des Bazinas : tumulus recouvrant une chambre sépulcrale dolménique et dont la base cylindrique est entourée de grosses pierres. On peut y voir de nombreux aménagements hydrauliques de l’époque romaine : citernes encore utilisées, barrages importants pour guider les eaux de ruissellement et même des vestiges de Jessour comme dans les Matmata.

Les populations berbères ont longuement habité ces montagnes et ont essayé d’y vivre malgré la dégradation du climat et sans doute, les tentations d’une vie plus ou moins moderne en plaine. Le village de Meknassi a été centre de « colonisation » important. De grosses fermes « coloniales » s’y sont installées. Mezzouna est un centre important le long de la voie ferrée Sfax-Gafsa. Pourtant, à une trentaine de kilomètres, le village de Bir Ali, conserve le souvenir du résistant intraitable, mort en exil, en Libye ; Sidi Ali Ben Khelifa qui est bien oublié aujourd’hui.

La résurgence thermale d’El Hammam appelée aussi Haddej mérite une visite. Toute la région présente des centres pittoresques : Borj El Hafay, Bou Saad, Saket, le vieux Sened aux maisons troglodytiques aménagées en chambres d’hôtes !

Souvenirs de chasse

Il y a bien longtemps, le parc national du Bou Hedma n’existait pas, par contre, il y avait des mouflons et des gazelles de montagne dans les djebels.

Le Gouverneur de la région où j’habitais, m’a fait accorder la permission de tuer un mouflon ou une gazelle – c’était déjà interdit ! – pour me remercier de lui avoir rendu un grand service. J’y suis allé en hiver, à un moment de nuits sans lune, en fin d’année. Quelques chasseurs locaux m’ont pris en charge et l’expérience a été douloureuse. Pendant plusieurs jours, on a marché du matin à la fin de l’après-midi, pratiquement sans manger ni boire. A la tombée de la nuit, sur un petit feu, on cuisinait n’importe quoi puis on essayait de dormir dans la fraîcheur de la nuit.

J’ai vu une « coutume » curieuse : au moment de se coucher, mes guides enveloppaient dans de l’alfa, les pierres brûlantes qui entouraient le foyer et se couchaient, en chien de fusil, le paquet alfa et pierre serré contre le ventre. Ils avaient chaud !

Courte la nuit ! Bien avant le lever du soleil, on repartait. J’énervais mes guides parce que je trébuchais bruyamment et que je buttais dans les pierres. Au bout d’une ou deux heures de marche en montagne, sans lumière, on me plaçait en m’indiquant la direction à surveiller dans le soleil levant : le moment où les mouflons bougent pour aller manger. Je n’en ai pas tiré un seul. J’ai vu, à la jumelle, quelques silhouettes lointaines. Mais j’étais abominablement fatigué et j’ai capitulé le quatrième jour. Etait-ce ma punition pour avoir voulu chasser un animal strictement protégé par la loi mais que les chasseurs locaux traquaient impunément comme les gazelles. La preuve : ils affirmaient tous que la chair de gazelle est meilleure que la viande d’agneau !

A.M.

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