Par Alix Martin
Fej Tameur, c’était une toute petite gare située à l’est de la station de Jérissa. Aujourd’hui, c’est un hameau qui grandit et c’est aussi le siège d’une association : « Terre Verte » qui participe activement au développement local sans tapage médiatique.
Les promenades
En toutes saisons, les promenades sont intéressantes et agréables. Au printemps, les terre à blé du Haut Tell sont tapissées d’abord d’un velours vert émaillé de fleurettes, puis par des chevelures qui blondissent alors que, sur les collines, les oliviers, au feuillage moiré d’argent ou les maquis parfumés abritent tout un peuple d’oiseaux chanteurs. En été, les blés d’or, sur lesquels le siroco fait courir des vagues d’argent, disparaissent dans les grondements des moissonneuses et des tracteurs, laissant les champs couverts de chaumes, régal des grands troupeaux de moutons, remontant du sud à la recherche de pâturages. En automne, les labours composent un patchwork aux teintes ocre, brun foncé ou presque noires. Les chasseurs arpentent la contrée où les perdrix, les cailles et les lièvres abondent. L’hiver, même quand la bise glacée du nord-ouest chasse dans un ciel bleu roi des cumulus nacrés, même quand un grand voile plombé, déchiré par les sommets voisins des Jebel Bou Lahnech, Slata et Essemda, recouvrent un paysage tapissé de neige, l’air froid, vivifiant, donne envie d’aller marcher dans la campagne.
Althiburos, la Numide, appelée aujourd’hui M’deïna – qui n’est pas « la vieille ville » ! – séduit les amateurs de vestige antiques. Des travaux d’entretien et de fouilles y ont était réalisés récemment.
Ses superbes villas, son mystérieux bâtiment à auges et son immense forum éveillent la curiosité.
Savez-vous que les archéologues ont découvert sous le niveau d’époque romaine, des vertiges numides comportant des traces de déchets de métallurgie ? Huit siècles avant notre ère, au moment où Carthage phénicienne naissait, les Numides connaissaient et pratiquaient la métallurgie du fer ! C’est normal direz-vous, quand, à une vingtaine de kilomètres, le Jebel Jérissa, récif de l’ère secondaire, contenait du minerai qui le teinte en mauve et que, tous les monts voisins étaient couverts de forêts de pin d’Alep, fournissant le charbon nécessaire à la réduction des oxydes.
Vous voyez que, dans les environs, de multiples centres d’intérêt se mêlent. La flore méditerranéenne couvre des sols dont la géologie est pour le moins, curieuse : les diapirs du Jebel Lorbeus, le synclinal perché de la table de Jugurtha.
Une faune abondante et variée : les hyènes rayées endémiques d’Afrique du Nord ricanent dans les bois où glapissent les chacals dorés partant à la chasse à la tombée de la nuit, quand les sangliers vont au gagnage.
Dans l’azur, l’aigle royal, l’aigle de Bonelli et le vautour percnoptère planent bien plus haut que les nombreuses buses variables ou les petits faucons crécerelles roux. Dans les buissons de lauriers, tout roses, qui « illuminent » les berges des oueds, les chardonnerets « élégants », de leur vrai nom, les serins au plumage mêlé de vert et de gris, les verdiers et les moineaux se chamaillent dans les buissons.
Parlons d’histoire. Jezza / Aubuzza a vu mourir Tacfarinas, le rebelle, luttant contre les Romains.
Citons les dizaines de tumulus berbères du IIe siècle avant J.C. qui boursouflent les pentes du Jebel Nadhour en face du village de Zouarine et les très nombreux dolmens érigés en face du mausolée de Sidi Ahmed El Khadhra proche d’El Ksour.
Et enfin, tout près de la « maison » de Fej Tameur juste à côté de la gare, des pierres taillées, manifestement d’époque romaine, émerge des labours, comme bien d’autres encore vers les pentes du Jebel El Houd. On ramasse des fossiles d’oursins de l’ère secondaire et d’ammonites, derrière le verger !
L’hiver, des vols de grives, « musiciennes » font le régal des chasseurs mais le désespoir des oléiculteurs qui n’apprécient guère non plus les compagnies de sangliers labourant les champs fraîchement ensemencés. Même la petite ville de Jérissa construite au début du XXe siècle, pour loger les ouvriers de la mine, est très curieuse avec son allure de coron aux sages maisons couvertes de tuiles rouges entourées de jardinets et bien groupées en quartiers.
Il reste encore à aller flâner au-delà de la M’deïna, vers Aïn Kseiba ou El Ksour sur de petites routes bordées de nécropoles à dolmens, qu’on rencontre dès la sortie de la ville antique !
Le Haut Tell Tunisien est non seulement la région du blé et des mines mais aussi celle des très nombreux vestiges historiques de toutes les époques. Cette région a été peuplée depuis l’aube des temps.
Un peu partout et il en reste à découvrir, on rencontre quand on fait attention, des « ramadya » : des amas de cendre et de déchets de cuisine mêlés à des débris de silex taillés préhistoriques, les monuments mégalithiques sont très nombreux. Il y en avait à l’extrémité sud-ouest du Jebel Houd, derrière la grosse cimenterie. Que sont-ils devenus ?
La grande voie romaine reliant Carthage à Haïdra / Ammaedara contournait les pentes est du Jebel Jérissa. Des chercheurs ont pu en trouver des portions bien conservées depuis le pied du Jebel Kebouch jusqu’à l’entrée du site de Haïdra ! Lorbeus / Larès romaine / Al urbus arabe, concurrente d’El Kef au Moyen-âge, attend les visiteurs ainsi qu’Assuras / Zanfour où s’installèrent les vétérans du Consul Marius, vainqueur de Jugurtha.
Fej Tameur
Une maison modeste, accueillante, aujourd’hui entourée de jeunes arbres, se promet de devenir, plus tard, un gîte rural. Dès maintenant, elle est un havre de paix, une escale fleurant bon l’amitié où la maîtresse de maison reçoit avec simplicité et plaisir ses visiteurs. Originaire de ces lieux, puisque le henchir voisin porte le nom de sa famille, indépendamment de ses tâches habituelles, elle a créé, sans bruit, une association : « Terre Verte » qui s’est spécialisée dans les aides à apporter aux enfants de la région et « l’éventail » est large.
A la rentrée, les fournitures scolaires, les cartables, tout ce dont les élèves de cette région « défavorisée » ont besoin, leur est offert dans la mesure où la dame a réussi, grâce à de nombreuses démarches, à « attendrir » de généreux donateurs. Ce sont parfois des soins médicaux qui sont proposés ou des vélos pour les élèves habitant loin de leur école.
Quelquefois même, après une visite permettant de constater l’état déplorable des bâtiments, la réfection d’une petite école rurale est assurée.
Vous savez une de celles qui, dans ces régions, n’ont même pas d’eau courante pour que les enfants puissent se laver les mains. Une de celles qu’ils mettent une bonne heure à atteindre même l’hiver sous la pluie et la neige parce qu’elle est à 3 ≈ 4 kilomètres de leur habitation. Dans ces parages, même de nombreux centres de santé de base, qui palliaient, autant que faire se pouvait, le sous-équipement régional, ont fermé leur porte. Ils rendaient pourtant service même si près de 50 % de la population habitaient à plus de 4 kilomètres du centre de santé de base. Parcourir 4 kilomètres quand on a une jambe cassée, qu’on a été piqué par un scorpion ou qu’on n’a pas 10 ans et qu’on doit marcher une heure sous la pluie glacée pour rentrer chez soi, c’est une véritable épreuve. Mais un mouton offert pour l’aïd ou une petite fête scolaire, par « Terre Verte », est toujours un grand plaisir !
La dame de « Terre verte », habitant Fej Tameur, essaie, dans la mesure de ses moyens, mais toujours avec le sourire, d’apporter un peu d’aide aux gamins de la région : La Tunisie de demain.