Maintenant que les élections législatives ont pris fin et que les nouveaux élus du peuple s’apprêtent à prendre leurs fonctions sous l’hémicycle de l’Assemblée nationale, l’heure de vérité va bientôt sonner.
Les candidats d’hier, élus d’aujourd’hui, ont promis tant de choses à des électeurs perplexes devant une situation politique confuse et des citoyens assoiffés de vie meilleure, de sécurité et de stabilité.
Le peuple a dit son mot et les choix sont faits. A tort ou à raison, peu importe le choix, l’essentiel est de savoir si les électeurs ont cru leurs élus et si ces derniers étaient bien conscients de la faisabilité de leurs promesses.
A l’évidence, beaucoup de populations dans les régions intérieures du pays sont confrontées à de dures réalités et aspirent à des changements profonds de leurs vécus. Certes, les besoins des gens sont bien compris par les élus. Dans l’absolu, ce que proposent les élus en termes de programmes et actions à entreprendre est « correct » hors quelques exagérations ou extravagances. Mais, nos chers élus ont-ils les moyens de leurs ambitions ?
La réalité est que la mise en œuvre de la majorité des programmes électoraux demeure conditionnée à la disponibilité des fonds publics et aux marges de manœuvre dont disposent aussi bien l’Etat que les collectivités locales. Et c’est là où le bât blesse !
Des promesses irréalistes !
Partis politiques, mouvements indépendants, coalitions partisanes, ont tous placé la barre trop haut lors des campagnes électorales. Promettre à tout-va, c’est un principe de base pour influencer les électeurs et remporter les élections. C’est légitime en tant que comportement, mais lorsque les mandatés du peuple savent d’emblée que leurs discours élogieux ne pourraient en réalité tenir la route à cause d’un manque de ressources au double plan national et régional, c’est la pire des tromperies qu’on puisse subir de personnes qui ont notre « sort » entre les mains.
Construire des hôpitaux, des écoles, des universités, acquérir des moyens de transport, moderniser le réseau routier, créer des zones d’irrigation, des zones logistiques et industrielles, développer les secteurs productifs, créer des centres de recherche technologiques, développer le réseau d’assainissement et de desserte en eau potable, protéger l’environnement, accorder des primes aux projets d’investissement et aux jeunes promoteurs, éradiquer la pauvreté, réformer l’enseignement… autant de projets susceptibles selon leurs promoteurs de changer le niveau, voire même le mode de vie des populations sur l’ensemble du territoire du pays.
Ceci sans compter les lois et règlements à modifier et les nouvelles instances à mettre en place ainsi que les tarifs des services publics à réduire dans l’objectif de rompre avec la sclérose institutionnelle et sortir des milliers de personnes de la précarité.
Si l’on admet que ces promesses ne sont que l’expression des besoins réels des citoyens, comment peut-on répondre à ces besoins et tenir parole, si ce n’est en racontant des mensonges et en inventant des « histoires » par des personnes gagnées par un populisme déferlant. A-t-on appris la leçon ? Ou y a-t-il toujours anguille sous roche ?
Face à des caisses vides !
Le pays traverse des moments difficiles en cette phase de transition politique. La défiance des Tunisiens envers la classe politique s’explique par l’incapacité des élus et gouvernants à tenir leurs engagements, malgré les efforts déployés par les uns et les autres.
La réalité est que l’ampleur de l’écart entre les revendications populaires et les moyens surtout financiers dont dispose l’Etat pour y faire face a fini par « discréditer » tout le monde.
Tout au long des années post-révolution, les finances publiques étaient sous pression. L’Etat a en effet choisi délibérément de laisser filer le déficit budgétaire et lourdement s’endetter pour majorer les salaires des fonctionnaires publics, poursuivre la politique de subvention des produits de base et engager des investissements publics dans les régions intérieures du pays aux fins de stabilité sociale. Par malheur, tout ce qu’ont fait les gouvernements successifs depuis maintenant près de neuf ans n’a pas suffi à convaincre l’opposition et éluder le désenchantement de larges pans de la société.
Le prix de la paix sociale recherchée était la nécessité de s’inscrire depuis quelque temps dans une politique d’assainissement des finances publiques dans le cadre d’un programme de rétablissement des grands équilibres de l’économie.
C’est ainsi que l’Etat est parvenu à réduire le déficit budgétaire de 6.1% du produit intérieur brut (PIB), respectivement en 2016 et 2017 à 4.8% du PIB en 2018 et à 3.9% en 2019. Cet élan restrictif devrait normalement se poursuivre en 2020, afin de remettre les équilibres budgétaires sur un sentier soutenable à moyen terme. Certaines sources ont déjà fait savoir que le projet de la loi de Finances 2020 table sur un déficit budgétaire aux alentours de 3% du PIB. De quoi s’apprêter à serrer encore la ceinture. Stabilité macroéconomique oblige !
Dans ce sillon, l’on doit s’attendre à une rationalisation des dépenses publiques. La règle est que l’ajustement budgétaire se fait toujours au détriment des dépenses de développement. Par ailleurs, la priorité est toujours donnée aux projets d’investissement continus au niveau de la programmation des investissements publics. Avec la limitation des marges de manouvre, l’on peut songer aux contraintes quant à la mesure des autorités publiques d’engager une longue liste de projets et programmes de développement nouveaux que les futurs élus vont proposer.
En outre, la situation financière des collectivités locales, conseils des régions et communes, semble non moins défavorable. Tout d’abord, nombre de compétences des régions pour mettre en œuvre des projets d’infrastructure économique et sociale ne sont pas encore propres aux collectivités territoriales et demeurent tributaires de la décision du pouvoir déconcentré, lequel in fine dépend des départements sectoriels centraux. Même si certains ouvrages publics relèvent des compétences propres des régions, les difficultés sous lesquelles croulent les finances locales ne seraient guère favorables à la concrétisation des programmes de développement promis par les prétendants du changement.
Dans tous les cas de figure, une bonne partie des promesses des élus à leurs compatriotes buteraient selon toute vraisemblance sur des contraintes financières sérieuses à cause de la faiblesse des marges de manœuvre budgétaires et de l’Etat et des collectivités locales.
Risque de désillusion !
Eu égard aux contraintes budgétaires auxquelles les pouvoirs central et local continuent de faire face sur les court et moyen termes, les promesses faites dans le cadre des dernières élections législatives risqueraient de « tomber en désuétude ».
Parce que tout simplement, nombreux sont ceux qui sont atteints de « myopie » budgétaire ! Le populisme a fait inscrire plusieurs candidats dans un raisonnement hors contrainte budgétaire.
Tôt ou tard, la vérité se fera jour et montrera à quel point une frange importante de nos électeurs a été victime de « trahison ». La désillusion sera certes plus grande. A ce moment-là, la classe politique va prendre un nouveau coup à son grand dam et au risque de compromettre le processus démocratique. Personne ne le souhaite !
Alaya Becheikh