Promotion des exportations: L’Afrique, une carte gagnante ?

Notre pays étant un marché réduit alors que nos ambitions de développement sont grandes, nous devons trouver des moteurs de croissance à l’exportation autres que les pays de l’UE qui souffrent d’une crise économique dans la conjoncture actuelle.

Or, l’Afrique subsaharienne est en pleine expansion, elle recèle des opportunités certaines et réalise de grandes performances économiques. Comment mettre tous les atouts de notre côté pour pénétrer les marchés africains convoités par les Asiatiques, les Turcs… ? Quelle stratégie gagnante faut-il adopter pour cela ?

La CTFCI a eu l’initiative pertinente d’organiser le 26 mars à Tunis une conférence sur le thème “jouer la carte de l’Afrique” en partenariat avec des institutions prestigieuses telles que le CEPEX, la Coface, Ernst et Young.

Selon les affirmations de Noureddine Hajji, DG de Ernst et Young, depuis plusieurs années, l’Afrique subsaharienne enregistre des performances économiques remarquables et offre des opportunités certaines aux investisseurs et aux acteurs économiques étrangers.

Un taux de croissance de 6% durant dix ans et une croissance moyenne des importations de 16% par an. Une capitalisation boursière multipliée par 9 en vingt ans et des réserves de change de 500 millions de dollars.

L’Afrique concentre 3,1% des IDE mondiaux en 2012 contre 1,2% en 2007.

En 2017, l’Afrique comptera 350 millions de smartphones, elle est l’objet d’une révolution numérique. Les classes moyennes africaines comptent 350 millions de personnes avec des habitudes de consommation et un pouvoir d’achat croissants.

La moitié des Africains ont moins de vingt ans et plus de 40% vivent dans les villes. Les dépenses de consommation des ménages africains passeront de 840 millions de dollars en 2008 à 1400 millions de dollars en 2020.

Les champions de la croissance en Afrique sont la Sierra Leone (14% en 2013 et 2014), le Congo (6 et 10,5%), la Côte d’Ivoire (8% chaque année), Le Rwanda (7,5%), Le Mozambique  (7 et 8,5%), l’Ethiopie (7 et 7,5%), La Tanzanie (7 et 72%), Le Libéria (8 et 6,8%) le Ghana (7,9 et 6,1), le Gabon (6,6 et 6,8%).

Le PIB par habitant est remarquable pour certains pays comme la Guinée équatoriale : 32500 dollars US, Le Gabon : 12411 dollars US, les Sychelles 10004 dollars US, l’Ile Maurice : 97909 dollars US, L’Afrique du Sud : 7289 dollars US, le Botswana 7220 dollars US.

Il convient de rappeler que plusieurs groupements à caractère économique ont été constitués en Afrique regroupant chacune plusieurs pays : CEDEAO (15 pays, 205 millions d’habitants), UEMOA (8 pays, 80 millions d’habitants, SADC (15 pays, 277 millions d’habitants), COMESA (19 pays 390 millions d’habitants).

Y a-t-il une stratégie efficace pour l’Afrique ?

Selon Ridha Attia, DGA du Cepex les facteurs de succès, pour un positionnement compétitif de notre pays sur les marchés africains, sont nombreux et variés.

Il faut tout d’abord une volonté politique au plus haut niveau qui puisse dégager un soutien financier conséquent ainsi qu’un accompagnement diplomatique de proximité grâce à un réseau dense d’ambassades et de consulats.

Les opérateurs économiques ont besoin de s’appuyer et d’être accompagnés par une diplomatie économique active pour avoir des informations et des introductions officielles à caractère politique, juridique, réglementaire et économique dans le pays d’accueil.

Il faut ensuite avoir des objectifs précis d’exportation, d’investissement et de partenariat. Au niveau des exportations, on pourrait commencer par avoir pour but 1000 entreprises exportatrices en 2016, contre 612 actuellement qui exporteraient pour 1 million de dinars par an chacune, ce qui n’est pas encore le cas actuellement.

Les exportations ont besoin également d’un appui institutionnele sur les marchés africains sous forme de représentations commerciales du Cepex mais aussi un accompagnement professionnel et technique pour réaliser la mise en relations commerciales, l’accès à des bases de données, la facilitation et l’organisation de rencontres B to B, les participations et visites des salons professionnels et spécialisés.

Viennent ensuite la nécessité de disposer de services logistiques fréquents et de qualité à des prix compétitifs comme le transport aérien et le fret maritime.

Les entreprises ont également besoin d’accompagnement par des soutiens bancaires et d’assurances. Un ciblage de produits et de pays s’impose pour garantir l’efficacité des opérations d’exportation, car on ne peut s’attaquer en même temps à plusieurs dizaines de marchés à la fois, or il y a 44 pays africains.

Ce sont les études de marchés qui permettront de déterminer sur quels marchés et avec quels produits, compte tenu des avantages compétitifs de nos produits, des besoins de chaque pays et de la position de nos concurrents sur chaque marché.

Il faut dire que si certains de nos produits ont déjà pris des longueurs d’avance sur certains marchés ce n’est par hasard : revêtements de sol, produits alimentaires, articles électriques,…

Où en sommes-nous en fait ?

Nous sommes fait au début du “cheminement” avant des avancées timides certes mais des expériences réussies dans certains secteurs par des champions notamment dans les services comme les études et l’ingénierie mais aussi les travaux publics.

Il n’y a aucune banque tunisienne implantée en Afrique subsaharienne, ni ailleurs en Algérie ou au Maroc. Une chance tout au plus pour ces deux pays maghrébins : la Société Générale y est représentée alors que l’UIB, banque tunisienne appartenant au même groupe Société Générale n’est pas présente non plus.

Une entreprise tunisienne qui investirait en Afrique subsaharienne ne pourrait pas compter sur une banque tunisienne implantée sur place pour avoir des concours financiers : elle serait donc amenée à évoluer dans un environnement financier inconnu avec les difficultés que cela comporte.

Ce qui n’est pas le cas du Maroc, car Ettijari bank est présente un peu partout en Afrique, surtout de l’Ouest, soit sous sa propre enseigne soit sous d’autres enseignes où elle est sinon majoritaire, du moins partie prenante au capital, ce qui constitue pour les entreprises marocaines un avantage de taille : concours financiers et surtout informations économiques et introductions.

Pour les déplacements fréquents des hommes d’affaires et des cadres, il y a un besoin de lignes aériennes directes (gain de temps et économie de coût).

Passer par Paris, Casablanca ou Rome serait aberrant pour aller en Afrique. A ce propos TUNISAIR a commencé par établir des lignes directes desservant quatre capitales africaines avec un programme d’extension dans les deux années qui viennent, mais cela est nettement insuffisant si nous voulons réaliser une percée conséquente sur les marchés africains.

Pour le fret maritime il n’y a pas de lignes régulières desservant à partir de Radès ou de Sfax, les escales africaines, cela signifie que si nous voulons exporter des carreaux de céramique sur l’Afrique, les clients doivent patienter plusieurs semaines et accepter des transbordements avec des escales pour que les marchandises parviennent à destination : le coût s’en ressentira, la qualité des produits transportés également. Pour les denrées alimentaires à plus forte raison périssables, c’est encore plus compliqué. Ce sont le volume des échanges et la régularité des flux qui permettraient de trouver des solutions fiables et durables avec les transporteurs comme la CTN et ses partenaires.

Une offre globale s’impose 

Pour être efficaces, les stratégies de conquête des marchés africains ont besoin de se décliner sous forme d’offres complètes comportant aussi bien les études techniques et économiques des projets à mettre sur pied et des investissements à concrétiser mais aussi le mode de financement ainsi que la réalisation du génie civil, la formation du personnel, et la mise en place du management de l’entreprise. Il s’agit d’une méthode pratiquée couramment par les grands groupes européens en Afrique, c’est ce qui fait leur force. C’est pourquoi, les entreprises tunisiennes étant des PME, elles ont avantage à constituer des groupements pour présenter des offres complètes.

Les Tunisiens sont appréciés en Afrique où ils ont fait leurs preuves en matière d’études, d’ingénierie et de consulting.

SCET-Tunisie une véritable success-story

M. Karim Gharbi a relaté la success-story de Scet-Tunisie dont le patron n’est autre que Slaheddine Ben Saïd.

Scet-Tunisie, c’est un groupe de sociétés spécialisées comprenant également GETU, SIMAC, SOMEM, Segor et AFID. C’est 1000 personnes dont un taux élevé de cadres, 40 ans d’expérience dans les études techniques, l’ingénierie, la conception et le consulting dans divers domaines : transport, infrastructures, bâtiment, environnement, développement urbain, agriculture, santé et éducation.

Scet-Tunisie, ce sont les échangeurs du Grand Tunis, le pont de Radès-La Goulette,…

C’est aussi une présence active dans 30 pays étrangers dont la France, l’Afrique, le chiffre d’affaires 2014 est de 43 millions de dinars dont 41% transport, 28% bâtiment et développement urbain, 24% hydraulique et agriculture.

C’est à partir de 2004 que le chiffre d’affaires s’envole passant de 12 MD à 43 en 2014.

Entamé en 1984 avec 5%, l’export atteint 77% en 2014. Cadres supérieurs et ingénieurs représentent 60% de l’effectif.

C’est durant la période 2000-2014 que l’aventure de l’exportation en Afrique entraine une changement dans la dimension du groupe : des projets de grande envergure dans tous les secteurs d’activité avec une complexité croissante, exemple : hôtel l’Amitié à Bamako/Mali, hopital Donka à Conakry, Siège BIAT/Tunis. Réhabilitation du siège BAD à Abidjan (37.000 m2), Aéroport Tripoli/Libye. Plans directeurs alimentation eau potable et assainissement du Grand Tunis.

Les clés du succès sont multiples : professionnalisme des experts, qualité des services, proximité-client, base riche de consultants, création d’une cellule innovation, fréquence des missions, diversification des activités, proximité des bailleurs de fonds.

Cependant les risques ne manquent pas : concurrence accrue, risques sécuritaires et politiques, risques financiers et techniques et enfin risques sanitaires.

Ridha Lahmar

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